Vers une institutionnalisation du Filep

 Halidou Ouédraogo, le "président du pays réel" rappelait fort opportunément, juste avant la cérémonie d'ouverture du Filep, que les choses ont bien changé depuis la première édition. On se rappelle en effet tout le ramdam qui avait été fait à l'époque pour empêcher que se tienne cette manifestation jugée subversive par les tenants du pouvoir : interdiction à la délégation ghanéenne qui arrivait par la route de pénétrer sur le territoire burkinabè, blocage à l'entrée de Sapouy du convoi des journalistes qui se rendait sur le lieu où fut commis le crime, occupation par les forces de l'ordre du Centre national de presse Norbert Zongo, bref, tout avait été mis en œuvre pour faire capoter le Filep. Suprême signe de fébrilité, les forces de sécurité sont même venues à notre domicile paternel de Sapouy que nous sommes parvenu à joindre avant que ne se déploie le cordon sécuritaire à l'entrée de la ville, pour nous enjoindre, sur ordre de la hiérarchie, de regagner Ouagadougou.

L'édition 2009 du Filep a été présidée par le président de l'Assemblée nationale. La cérémonie d'ouverture a drainé un aréopage de personnalités dont le maire de la ville Simon Compaoré que les militants du " pays réel " connaissent bien pour ses sorties musclées lors des manifestations contre l'impunité des crimes de sang. On aura aussi noté que la cérémonie de clôture a été présidée par le ministre en charge de la Communication, Philip Sawadogo, porte-parole du gouvernement, tandis que la soirée de gala organisée pour la remise du prix Norbert Zongo a été présidée par Béatrice Damiba, présidente du Conseil Supérieur de la Communication, avec à ses côtés, Mme Salamata Sawadogo, ministre de la Promotion des Droits humains. C'est un signe des temps, et il faut s'en féliciter. Quand les fils et filles du Burkina se tiennent la main et se parlent, c'est le Burkina tout entier qui gagne. Bien sûr, cela ne gomme ni les divergences entre eux ni l'acuité des problèmes pendants. Le dossier Norbert Zongo est toujours dans les tiroirs, sans parler de celui de Thomas Sankara et de bien d'autres. Il faut néanmoins apprécier à sa juste valeur, cette passerelle qui est posée par laquelle tout devient possible. Tout au long du Filep, il y avait cette carte géante d'Afrique où il est inscrit que depuis la déclaration de Windhoek en 1991 jusqu'à nos jours, 144 journalistes ont été assassinés en Afrique. A l'intérieur de la carte du Burkina, il y avait l'image de notre confrère Norbert Zongo. Les très hautes personnalités de l'Etat qui ont fait le déplacement du CBC ou du Mess des officiers, ont dû subir cette image forte : les journalistes africains ne peuvent pas oublier leurs confrères assassinés. Ils continuent et continueront de réclamer justice. C'est une condition nécessaire pour construire demain un monde de paix.

Le bilan de la liberté d'expression et de la presse depuis Windhoek, c'est le thème central du festival. Il en est ressorti une idée essentielle : la situation de la liberté d'expression est tributaire de la gouvernance. La presse en est un maillon essentiel, sans pour autant bénéficier de l'attention nécessaire de la part des Etats africains. Il faut que ça change ! Une presse aux ordres, ce n'est pas ce qu'il faut pour booster le développement.

Tenez, les quelques deux cent journalistes qui se sont retrouvés à Ouaga en repartent avec une image infiniment positive du pays. Des dirigeants à qui l'on dit les quatre vérités en face et qui, il faut le reconnaître, ont fait preuve d'une certaine élégance. Certes, cela ne fait pas d'eux des repentis, loin s'en faut ! La forme ou si vous voulez la manière est une chose importante dans les relations humaines. C'est même l'essentiel, si tant est que l'objectif dans la vie n'est pas la pensée unique. Puiser à la source des mêmes valeurs n'oblige pas à voir les choses de la même manière.

Maintenant que les lampions se sont éteints sur la troisième édition du Filep, il faut à présent se pencher sur les recommandations. Ouagadougou ne doit pas être une rencontre de plus. Le prochain Filep devra avant toute chose évaluer la mise en œuvre des recommandations de l'édition 2009. Les participants ont recommandé une institutionnalisation de ce rendez-vous panafricain des journalistes qui devra désormais se donner les moyens d'une ambition plus grande. Un comité d'experts sera bientôt mis en place pour y travailler. En attendant, les journalistes burkinabè doivent créer les conditions pour accueillir ce projet dans les meilleures conditions possibles afin de faire de Ouagadougou, à l'instar du Fespaco, la capitale des médias africains. C'est en tout cas le souhait exprimé par les festivaliers. GNB

 



28/11/2009
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