La diva du Nahouri, Badjata Melissa Ilebou , a tiré sa révérence prématurément le 21 octobre 2101 à l'hôpital Yalgado Ouédraogo de Ouagadougou. Quelques jours auparavant, de retour d'un concert à Ziniaré, Djata Ilébou et plusieurs autres personnes avaient eu un accident entre Ziniaré et Ouaga. Le plat de " gombo frais " (expression utilisée par les artistes pour designer les paiements acquis à la suite de prestations) s'est avéré vénéneux. Outré la célèbre Mamouta du Sitcom Vis-à-vis de la nationale de télévision, Delphine Ouattara à l'état civil, liera cette mort à la condition de l'artiste burkinabè. Prompt à prendre des risques pour des prunes. Ainsi va le Faso. Galériens devant l'eternel, ils sont des fois obligés de se vendre à vil prix pour être en mesure de payer loyer et repas quotidien. Certes cela seul n'explique pas cette tragique disparition, car la mort est inscrite dans toute vie. On aurait tous voulu qu'elle ne concerne pas ces artistes qui nous donnent du plaisir et nous éloignent du stress et la déprime, mais hélas ! Djata Ilebou s'en est allé, dur de l'accepter. Les humains sont ainsi faits, tous mortels. La faucheuse ne trie pas et ça fait mal surtout lorsqu'elle emporte dans son acte aveugle les meilleures des étoiles. Djata était effectivement une étoile, car elle brillait par son talent et sa personnalité social. Disponible et sociable, la petite Kasena de Kampala (sud-est du Burkina Faso) avait ce don de s'adapter à toutes les situations des arts de la scène et tirer son épingle du jeu. Moussognouma Kouyaté, Irène Tassembedo des grands noms de la danse, vous diront avec les mots justes que la cantatrice que tous les mélomanes pleurent, était aussi une virtuose de l'expression corporelle. Franche et directe, elle avait la capacité de vous dire en face certaines vérités que d'aucuns murmurent tout bas. Et lorsqu'on lui marchait sur les pieds, elle savait réagir dans les limites de l'acte. Djata avait un style, une personnalité qui avait fini par plaire, par s'imposer parce que venant du cœur et non de la raison. Quelque mois avant sa triste disparition, lorsque nous lui demandions une copie de son premier album (le disque n'est plus sur le marché depuis belle lurette), elle sort son téléphone portable, me le tend en me demandant de recherche le numéro d'une personne qu'elle allait appeler pour gérer ma requête. Elle ne lisait pas la langue de Molière et n'en était pas complexée pour autant. Les langues nationales (Kasim, Dioula, Moore…) qu'elle manipulait avec aisance étaient largement suffisantes.
Artiste pluriel, meilleure voix du Faso, les qualificatifs ne manquaient pour désigner cette chanteuse disparue à l'âge de 34 ans au moment même où elle s'attelait à la finalisation de son dernier album. La foule qui l'a accompagné a sa dernière demeure était un témoignage vivant de l'attachement des Burkinabè à cet artiste ne se contentait pas de brasser des thématiques à la mode pour attirer le regard de quelques bailleurs, mais les vivait au quotidien. Celle qui chantait l'orphelin, aimait discuter au coin des rues de Ouaga, avec des enfants en errance. Avec eux, elle n'hésitait pas à partager le peu qu'elle avait. Voix d'or cœur d'ange, Djata a marqué les esprits par son expressive positive.
Tenez ! Il y a quelques années de cela, avec une grosses lourde de… 7 mois, elle vendait le soir des week-ends, aux abords du Boulevard Charles De Gaules, de succulentes brochettes pendant que le Kounker Band d'Eugène faisait le show. De temps à autre celle que le milieu de la culture appelait affectueusement la vieille mère se saisissait du micro et entrait de plein pied dans le tempo. Quelle classe ! C'est de cette façon tout aussi naturelle qu'elle n'hésitait pas a prêter main forte aux serveurs du maquis de sa cousine en plein cœur de Ouaga lorsque l'occasion l'y menait. C'est donc à juste titre que la commune de Ouagadougou a baptisé une rue à son nom dans l'arrondissement de Bogodogo.
Au milieu de pluie de distinctions à titre posthume (souvent maladroites) reçues par l'artiste, celle-ci mérite une attention. En effet elle s'inscrit dans le sens de son prénom qui est une contraction de ba-jwa-u-ta (demain ils parleront encore…de toi) Tout ceux qui longeront la clôture Sud du mur de la brigade des sapeurs pompier au secteur 14 de Ouagadougou, auront forcement une pensée pour cette étoile, qui déjà, brille au firmament de l'histoire musicale du Faso. Certains internautes intervenant sur les sites des journaux de la place, ont voulu que cette mort soit considérée comme un accident de travail et que l'Etat burkinabè s'engage à indemniser la progéniture de Djata.
En attendant, souhaitons vivement que cette rue immortalise Djata et donne en exemple son humilité et son talent aux générations futures. Adieu Artiste!
Ludovic Kibora