Le Soleil de Blaise ou le Soleil du Burkina ?
La récente session de l'Assemblée générale de l'ONU a donné à voir une diplomatie burkinabè au sommet de son art. Blaise Compaoré, le principal artisan, en tire tout naturellement une fierté bien méritée. Faut-il alors franchir le Rubicon pour affirmer que le Burkina Faso est devenu une diplomatie qui compte ? Certains l'ont déjà fait et à coups de citations proverbes dont l'à propos est bien discutable. Il en est ainsi de cette phrase du président, à propos du droit à l'alimentation, reprise en boucle sur les médias publics du Burkina Faso. Blaise Compaoré affirme que "le droit à l'alimentation est le premier droit de l'homme". Peut-être a-t-il voulu dire que "c'est un des droits fondamentaux de l'homme". Parce que le premier droit de l'homme, incontestablement, c'est le droit à la vie. Pour manger, il faut être en vie. Comme qui dirait, on mange parce qu'on vit. L'inverse n'est pas évident. On peut comprendre que cela traduise la délicatesse des rapports de Blaise Compaoré avec ce premier vrai droit de l'homme, mais ceux qui répètent ses propos lui rendraient bien service en prenant du recul.
Revenons à la diplomatie ! Le Burkina Faso est-il désormais une puissance diplomatique? La question est d'importance. L'expérience burkinabè en matière de "facilitation" dans la résolution des conflits socio-politiques est en train de devenir un objet de curiosité dans les instances internationales et l'un des pions de cette diplomatie, Djibril Bassolet, a été co-opté par le secrétaire général des Nations Unies pour diriger la médiation conjointe ONU-UA au Darfour. Aura-t-il un succès semblable à celui obtenu au Togo et en Côte d'Ivoire ? Il faut attendre de voir, même si on peut penser que la tâche sera plus que difficile.
Dans son exposé au Conseil de sécurité sur les modalités de réussite d'une facilitation, Blaise Compaoré a évoqué comme l'une des conditions indispensables, le soutien de tous les protagonistes. Or, comment peut-on obtenir le soutien de tous les protagonistes? La réponse n'est pas à chercher loin : quand ils sont fatigués, comme en Côte d'Ivoire et quand ils n'ont plus le choix, comme au Togo. Mais quand ils sont tous déterminés comme au Soudan, on fait quoi ? Presque rien, sauf à avoir les moyens de pression sur chacun des protagonistes ou sur l'un des protagonistes qui compte. Au Darfour, les réalités du conflit sont ailleurs. Ce qui se passe sur le théâtre du conflit n'est pas la réalité des choses. Dans ce cas là, notre expertise de facilitateur est de peu de secours.
Pour devenir une puissance diplomatique, il faut d'abord être une puissance économique et financière. En dehors de cela, on est réduit à faire des coups d'éclats diplomatiques sans lendemain. Dans ce chapitre, d'illustres devanciers ont fait leur temps et se sont succédés dans les enceintes de la Maison de verre de New York. Le plus illustre restera sans conteste Houphouët Boigny avec sa religion de la Paix qui a séduit un temps les diplomates du monde et a fini par s'étioler et mourir avec son promoteur. Mais en Côte d'Ivoire, l'ère Houphouët, en raison de la longévité du régime et de la puissance économique du pays, a forgé un système et a produit des ressources humaines de qualité qui sont capables de nourrir une tradition diplomatique conséquente.
Au Burkina Faso, l'instabilité politique n'a pas permis de construire une politique extérieure cohérente. Cependant, la qualité de nos ressources humaines est indéniable, malgré le gaspillage qu'on en fait. Une diplomatie qui peut compter dans ses rangs des hommes de grandes valeurs comme Arba Diallo, Marc Yao, Mélégué Maurice Traoré et j'en oublie…est capable de beaucoup de prouesses si tant est qu'il s'agit d'une diplomatie au service du pays. Celle qui se déploie actuellement est largement une diplomatie au service d'un homme qui croit pouvoir se jouer des réalités qui ne lui ont pas toujours été favorables. Pour l'instant, cela lui réussit plutôt bien. Que peut en tirer son pays ? Des miettes et beaucoup de personnes de moralité intellectuelle douteuse comme la bande à Guion et son ami le professeur Jacques Barrat, le directeur français de la fameuse école de journalisme, la bien nommée IPERMIC. Dans un livre récemment publié et intitulé "Géopolitique du Burkina Faso," l'universitaire Jacques Barrat ne s'embarrasse pas de scrupule pour présenter Blaise Compaoré comme le sauveur du Burkina Faso. Avant lui, aucun de ses prédécesseurs ne trouve grâce à ses yeux et surtout pas Thomas Sankara. En intellectuel universitaire, il ne prend même pas la précaution d'usage pour comprendre que le FESPACO et le SIAO dont il dit que ce sont des événements qui contribuent au rayonnement de notre pays ne sont pas des inventions de Blaise Compaoré. Le FESPACO, c'est sous le général Lamizana qu'il a vu le jour. Quand au SIAO, c'est sous Thomas Sankara qu'il a été pensé et conçu. Blaise Compaoré ne démérite pas. Mais le Burkina Faso ne lui doit pas tout. C'est même le contraire qui est vrai. Blaise Compaoré doit tout au Burkina Faso. Ce sont des intellectuels de la trempe de Jacques Barrat qui sont des dangers pour l'Afrique.
Pour ce qui est de notre prétention à être une puissance diplomatique, il faut savoir raison gardée.
Construisons un pays économiquement viable, le reste nous sera donné par après. NAB