Tertius est fâché contre les diplomates, les fameux PTF

Amos Tincani, le chef de la Délégation de l'Union européenne au Burkina, est convoqué pour s'entendre dire dans les mêmes termes que Wade s'était adressé au diplomate américain à Dakar, que le Burkina ne veut pas brader son honneur. Le Premier ministre burkinabè, Tertius Zongo, a simplement oublié d'inviter la presse.
Depuis février 2010, la situation est allée en se détériorant entre le gouvernement de Tertius Zongo et les partenaires techniques et financiers à Ouagadougou. Aujourd'hui, la situation est quasi électrique. Tertius Zongo ne décolère pas après les diplomates qui à ses yeux outrepassent leur mission.

Une rencontre anodine d'un diplomate en fin de mandat dans le bureau d'un Tertius Zongo passablement épuisé par de longues journées de travail, se transforme soudainement en une crise de colère. Le Premier ministre, à l'évocation par le diplomate de l'article 37, rentre complètement en transes : "ces diplomates, ils vont m'entendre ! ". La scène a surpris l'interlocuteur et même le garde du corps. Tertius Zongo, de l'analyse du diplomate, semble exprimer l'exaspération de son patron, qui a été surpris de la position quasi "frondeuse" des diplomates occidentaux par rapport à la velléité du parti au pouvoir de réviser l'article 37 pour en supprimer la limitation des mandats. Tertius Zongo en colère devant son interlocuteur n'a pas nommé en particulier un ambassadeur, mais depuis le début de l'année, les rapports avec les diplomates occidentaux se sont progressivement détériorés. En février particulière-ment, au cours d'une réunion de concertation, on a frôlé l'incident diplomatique, quand un ambassadeur n'a pas hésité à demander le limogeage du ministre de la Justice, accusé d'être corrompu. La mise en cause aurait été faite frontalement en présence du ministre en question. Tertius Zongo, surpris, a dû pédaler pour défendre son ministre.


Puis arrive le mois d'avril, avec la réunion convoquée par le consul de France autour des menaces de Al qaïda au Maghreb. La France qui se sent directement menacée convoque ses interlocuteurs dans les ambassades occidentales, sauf les Etats-Unis. La question de la menace est clairement expliquée aux participants et les consignes données. L'information filtre après dans la presse ( La Lettre du Continent et puis L'Evénement). C'est l'émoi total au niveau de l'ambassade de France qui entreprend de retrouver les responsables de la fuite. Les Burkinabè, conjoints des occidentaux qui étaient présents à la rencontre, sont immédiatement mis à l'index. Ils sont même harcelés. Il semble que décision a été prise désormais de ne plus leur permettre de participer à des réunions de sécurité. On ne sait pas quoi penser d'une décision pareille sinon qu'elle transpire le racisme primaire. A-t-on vraiment la preuve que les traîtres sont les conjoints noirs ? Quand en France, Le Canard enchaîné rapporte hebdomadairement mot à mot les propos de Sarkozy, tenus dans le secret des enceintes de L'Elysée, est-ce des Noirs qui provoquent les fuites ? C'est vrai que c'est plus facile d'indexer " les minorités visibles ", dans le contexte des conclaves diplomatiques dans nos pays. Les derniers développements, le rapatriement manu militari des volontaires de " Peace corps " du nord du Burkina confirme ce que les Français redoutaient, même s'il semble que pour cette fois, les renseignements français ont été pris de court. A moins qu'ils n'aient pris ombrage de la perspicacité des Américains.

Puis arrive le mois de mai où les partenaires techniques et financiers élaborent un rapport sur la situation de la gouvernance au Burkina Faso. Le groupe qui a rédigé le rapport est particulièrement caustique.
Le document qui est censé rester confidentiel parvient au gouverne- ment. Tertius est complètement hors de lui. Il convoque l'ambassadeur de l'Union européenne avec qui il aurait eu près de deux heures d'échanges musclés. Le Premier ministre a indiqué que le Burkina Faso ne supporterait pas longtemps les agissements des diplomates occidentaux sur des questions qu'il considère comme relevant de la souveraineté nationale. Le représentant de l'Union européenne, qui n'était pas à son premier accrochage avec Tertius Zongo, s'était déjà entendu dire que "s'il ne se sentait pas bien au Burkina Faso, il pouvait retourner à Bruxelles ". Au cours de la dernière rencontre houleuse, l'ambassadeur Tincani s'est évidemment évertué à faire comprendre au Premier ministre burkinabè, que les diplomates étaient dans leur rôle. Ce travail de monitoring régulier est fait par les diplomates pour les besoins de leur administration. Certainement que Tertius Zongo, quand il était ambassadeur du Burkina Faso à Washington, a fait des rapports similaires pour son gouvernement. Pour le rapport en question, que notre confrère de Sidwaya avait subodoré s'intituler : " message aux autorités, aux partis politiques et à la société civile " il s'agissait en réalité des prises de positions sur les questions qui fâchent ; la gouvernance économique avec la prévalence de la corruption et même de la concussion au regard de l'implication trop voyante de la famille présidentielle dans la gestion des affaires de l'Etat, des inquiétudes autour de l'évolution politique, notamment au sort à réserver à l'article 37, pour lequel les diplomates n'hésitent pas à prévenir que sa modification dans le sens de la suppression de la limitation des mandats présidentiels pourrait affecter la coopération avec le Burkina Faso. Il semble du reste que la mise en garde serait déjà venue de Bruxelles sur cette question de l'article 37. Au premier ministère on explique que le représentant de l'Union Européenne a été convoqué pour avoir dit à la commission des finances de l'Assemblée Nationale que " le budget du Burkina n'était pas sincère "
Le document des ambassadeurs qui a transpiré, alors qu'il était censé demeurer confidentiel, aurait mis le président du Faso dans un embarras très sérieux. Il aurait donc signifié à son chef de gouvernement qu'il devrait " surveiller " les agissements des diplomates qui seraient entrain " d'outrepasser leur mission ". Il est possible que la façon dont ce mécontentement a été signifié au Premier ministre l'a déboussolé, lui, que les rumeurs les plus tenaces disent qu'il serait en rupture de banc avec l'entourage influent du président. De nombreuses sources disent trouver le Premier ministre comme "n'habitant plus sa fonction". Il a gardé son "éloquence mais plus sa force de conviction".


Dernier souci et non des moindres, la récente affaire de la menace d'Al qaïda contre les Américains et les occidentaux dans le nord du Burkina Faso. Deux thèses sont évoquées. La première qui semble minimiser l'incident invoque la méprise d'un " intérimaire " au niveau de l'ambassade des Etats-Unis. En l'absence du titulaire de poste de sécurité à l'ambassade des Etats-Unis, un intérimaire aurait paniqué et précipité des mesures conservatoires. Le gouvernement aurait été contraint de satisfaire à la crainte infondée de ce responsable américain.
Deuxième thèse, la menace serait effective. Les Etats-Unis qui ont un réseau de renseignement aussi dense que celui de la France ont eu effectivement l'information d'une menace effective et ont agi très rapidement. L'ambassade des Etats-Unis, conformément aux consignes en pareille situation, a informé individuellement les premiers responsables des ambassades et des représentations diplomatiques. C'est dire donc que l'alerte est très sérieuse. Cela a entraîné le déclenchement des répercussions en chaîne et les ambassades ont informé leur gouvernement qui ont tout de suite réagi en donnant des consignes à leurs ressortissants qui doivent se rendre au Burkina Faso.

Depuis cette alerte du 3 juillet dernier, le Burkina Faso est inscrit sur la liste des pays sous menace de Al Qaïda au Maghreb. Sa région Nord est décrétée zone dangereuse pour ressortissant occidental avec toutes les conséquences que cela peut avoir pour le pays, en terme d'image et particulièrement pour les habitants des régions du Nord. Le problème avec les questions d'insécurité, c'est que une fois qu'elles sont décrétées, il est difficile d'y mettre un terme. Particulièrement pour les menaces d'Al qaïda. C'est une situation qui embarrasse au plus haut point le Premier ministre. Surtout, quand ce que les Burkinabè considèrent comme une véritable bourde émane d'un partenaire avec qui c'est présentement le parfait amour. Des informations de sources sérieuses semblent montrer que les Etats-Unis sont actuellement ceux qui ont " les yeux de Chimène " pour Blaise Compaoré, considéré comme " un pole de stabilité " dans la région tourmentée de l'Afrique de l'ouest. Mais les mêmes sources s'empressent d'ajouter que les Américains n'ont pas d'état d'âme dans les relations diplomatiques et peuvent passer d'un extrême à un autre. Si Saddam Hussein vivait, il en aurait témoigné.


A propos toujours de cette menace de Al Qaïda, l'ambassade de France qui avait été la première, en avril dernier à tirer sur la sonnette d'alarme, serait cette fois en retrait. Il semble même qu'elle minimiserait la menace. Est-ce un problème de rivalité entre services ? Ce n'est pas à exclure. En avril, quand le Consul de France recevait les représentants des ambassades occidentales pour passer la consigne de prudence, les Américains n'y étaient pas. NAB



13/08/2010
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