Une pincée d'Obama, deux doigts de McCain : la recette d'une bonne diplomatie
Le
seul moyen pour que les Etats-Unis aient une diplomatie sensée après la
présidentielle est de faire travailler les candidats démocrate et républicain
en tandem, ironise le Washington Post.
Certains commentateurs commencent à se dire qu'un
ticket Obama-Clinton serait une bonne idée. Peut-être. Mais j'en ai une
meilleure : un tandem Obama-McCain. Comme ça, au moins, nous aurions une
politique étrangère sensée.
A ce jour, la politique étrangère prônée par chacun des deux probables
candidats officiels peut se résumer comme suit : Obama veut parler avec
tout le monde et McCain avec personne. J'imagine que tous deux ne demandent
qu'à nuancer leurs positions, mais une crainte mortelle de paraître
raisonnables les en dissuade. Obama est le porte-étendard d'une frange de
l'électorat qui pense que la plupart des problèmes de cette planète sont la
faute des Etats-Unis et que leur résolution ne dépend que de l'ouverture
d'esprit d'un président attentif aux différences culturelles. McCain, pour sa
part, cherche le vote de ceux qui pensent que ce n'est jamais la faute des
Etats-Unis et que ce serait faire preuve de faiblesse que de reconnaître
l'existence, et les revendications parfois justifiées, de groupes comme le
Hamas et le Hezbollah, ou d'un pays comme l'Iran.
J'attribue les difficultés d'Obama à son inexpérience et à une certaine naïveté
préoccupante. McCain, lui, mesure parfaitement ce qu'il dit et à quel point il
se trompe, car lui-même tenait autrefois le discours opposé. En 2006, lors d'un
entretien avec l'ancien membre de l'administration Clinton devenu journaliste
James Rubin, ce dernier lui avait demandé si les diplomates américains
devraient continuer à travailler avec les autorités palestiniennes dans la
bande de Gaza, "si le Hamas parvenait au pouvoir", ce qui venait
juste de se produire. McCain avait alors répondu que oui. Et quand Rubin a
récemment rappelé cet épisode, tout le camp McCain lui est tombé dessus, le
traitant de menteur et l'accusant de citer leur candidat hors contexte.
L'équipe de campagne de McCain a alors fourni un extrait de cet entretien,
coupé par Rubin avant la publication. "Je pense que l'évolution de cette
relation dépendra du comportement du Hamas, pas de celui des Etats-Unis."
Non seulement c'est évident, mais en plus ça ne change rien du tout. Nous
n'avons toujours pas la promesse solennelle que McCain ne négociera jamais avec
le Hamas tant que celui-ci n'aura pas changé de nature. Il est clair que McCain
s'est rendu coupable aux yeux de certains de trop de flexibilité par le passé.
Voilà qui est dangereux tant qu'il n'a pas fédéré le parti derrière lui. On
pourrait le prendre pour un modéré.
Quant à Obama, il se présente comme l'exact opposé de son rival, mourant
d'envie de parler avec tous ceux avec qui McCain refuse de discuter. La
négociation est un art difficile, surtout quand l'un des négociateurs est porté
par une presse libre et exubérante qui le pousse au compromis tandis que
l'autre est entouré de laquais tremblants et rampants.
Les campagnes électorales ont tendance à transformer des esprits brillants en
imbéciles. Hillary Clinton s'est ridiculisée par sa version très personnelle de
son passage en Bosnie [elle a prétendu être descendue d'un avion sous le feu
des balles lors d'un voyage effectué au temps où son mari Bill Clinton était
président], Barack Obama est resté trop longtemps sans rien faire pendant que
son pasteur le faisait passer pour un idiot [le pasteur Jeremiah Wright, qui a
marié Obama, a tenu des propos accusant les Etats-Unis de complot contre les
Noirs, Obama a fini par le désavouer] et McCain, qui se lève chaque matin comme
l'être le plus raisonnable de ce pays, traite un homme de menteur parce qu'il
est gêné par ses propres déclarations. Personne ne s'en tire bien.
Ce dont l'Amérique a besoin, c'est de combiner McCain avec Obama : un peu
de modération de la part de McCain, un peu de realpolitik de la part d'Obama.
Ils pourraient y arriver tout seuls. Tout ce qu'il faut, c'est savoir détecter
quand l'Histoire dit de ne pas parler et quand elle dit d'écouter.
Richard
Cohen
The Washington Post