Taxe de développement communal : La grosse duperie de l'Etat
Le 28 janvier dernier, le maire de Ouagadougou annonçait l'application d'une taxe pour le développement communal à compter du 1er Janvier. Cette sortie a été immédiatement suivie d'une réaction des centrales syndicales. L'opposition et les syndicats crient à la duperie, à la trahison et à l'exploitation de la misère des travailleurs.
La taxe pour le développement communal a été votée par l'Assemblée nationale en 2008. Mais elle n'avait pas été appliquée. Le groupe parlementaire " Alternance justice et démocratie " était le seul à s'opposer à ce projet de loi. Il justifiait son opposition à cette loi par son impact négatif sur le pouvoir d'achat des consommateurs. Il déclarait à propos que la taxe pour le développement communal est "un retour sournois de la vignette, alors que depuis la dévaluation, elle a été diluée sur les produits pétroliers pour le soutien aux communes."
Les autorités municipales de Bobo avaient lancé cette opération, mais il leur avait été demandé, semble-t-il, de surseoir à son application. Les émeutes de la faim de 2008 ont sans doute été à l'origine de cette suspension de la taxe pour le développement communal très contestée.
Selon le gouvernement, la décentralisation exige une mobilisation des ressources propres. Ces ressources doivent être générées au sein des populations pour le développement de leurs communes. Mais ce que le gouvernement ne dit pas, ces mesures sont des exigences de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, les têtes pensantes de la décentralisation.
Jusqu'à présent, les communes (en particulier rurales) ne vivent que de la subvention de l'Etat. Une subvention qui est en déça des besoins des collectivités territoriales. Le gouvernement précise que les avancées dans le processus de la décentralisation ont mis à rude épreuve les communes. Elles sont démunies et ne peuvent pas répondre aux attentes de la population. Les secteurs de l'éducation, de la santé, de l'eau potable, de l'électricité etc. étant désormais dévolus aux communes, il faut donc trouver de l'argent pour accroître leurs capacités. Ainsi, les autorités dans leurs prospections ont estimé que les impôts directs et indirects sont les principales alternatives pour renflouer les caisses des municipalités. La taxe pour le développement communal fait partie de ces nombreuses trouvailles du gouvernement.
Mais celle-ci n'a rien d'original. Le gouvernement n'a fait que ressusciter une ancienne taxe qui est la vignette. Celle-ci avait été supprimée après la dévaluation du FCFA sous sa forme impôts directs.
La réaction des centrales syndicales ne s'est pas faite attendre au lendemain de cette déclaration. La marche du 24 février est l'expression de la colère des travailleurs contre cette mesure. En tous les cas, ils ont affirmé vouloir faire barrage à l'application de cette loi. Ce n'est pas qu'ils sont contre le développement, mais ils ne veulent pas encourager ou subir une injustice.
La double taxe, un délit selon les syndicats
Les centrales syndicales qui se sont coalisées contre cette loi avancent plusieurs arguments. La rupture du débat sur le sujet les renforce dans leur conviction que faute d'arguments, les autorités ont choisi la méthode forte.
Pour les syndicats en effet, c'est d'abord une double taxe dont l'une est indirecte et l'autre directe. Le gouvernement lui-même reconnaît que la taxe pour le développement communal n'est rien d'autre que la vignette. Dans sa réponse aux syndicats, il mentionne que la taxe sur les véhicules à moteur est communément appelée vignettes et plaque. Plus loin, il indique encore que la taxe pour le développement communal est également assise sur les véhicules à moteur. Cela fait donc deux taxes pour les véhicules à moteurs.
La réinstauration de cette taxe pose problème. Les centrales syndicales ne croient pas qu'il s'agit d'un allégement de fardeau financier des ménages comme il le dit dans les discours : "la taxe sur les véhicules à moteur a été supprimée au lendemain de la dévaluation dans le souci d'alléger le fardeau financier des ménages". La vignette n'avait pourtant pas été supprimée comme le prétend le gouvernement. Elle a été supprimée en tant qu'impôt direct. L'Etat se rattrape sur les produits pétroliers. Pour compenser les pertes, le gouvernement avait institué la Taxe sur les Produits Pétroliers (TPP). Sur chaque litre d'essence ou de gaz - oil, le consommateur verse aux impôts
Le gouvernement n'a rien perdu et il le reconnaît lui-même.
Cependant, un retour sur les péripéties de l'adoption de cette loi permet de mieux comprendre.
Le Deputé Nestor Bassière qui fait partie de la commission finance et du Budget de l'Assemblée affirme que le premier projet de loi du gouvernement était sous la forme vignette. Les deux représentants de l'opposition ont protesté, mais leurs camarades ont approuvé. Ces derniers ont toutefois demandé au gouvernement de retirer le terme vignette. C'est alors que le mot vignette a été retiré et remplacé par la taxe pour le développement communal. Il s'agit donc de deux termes identiques qui renvoient à la même chose. En clair, vignette, taxe sur les produits pétroliers (TPP), taxe pour le développement communal (TDC) sont une et indissociable. Mais pour les autorités, la taxe pour le développement communal, ce n'est pas la vignette.
Les taxes augmentent, mais le peuple s'appauvrit
L'autre point de discorde entre les deux parties, c'est le moment choisi pour l'application de cette taxe. L'opposition et les syndicats pensent que cette taxe qui s'ajoute aux nombreuses taxes va enfoncer davantage les populations dans la misère. "Les travailleurs ne doivent pas travailler pour payer des taxes, nous ne pouvons pas l'accepter, martèle le secrétaire général de la Confédération Syndicale du Burkina (CSB) Mathias Liliou. Le pouvoir d'achat des travailleurs n'a cessé de chuter et la crise alimentaire avec la flambée des prix des produits de grande consommation à accentuer l'état de pauvreté des Burkinabè". Pour Mathias Liliou, le premier combat du gouvernement devrait être l'augmentation du pouvoir d'achat en vue de relancer la consommation pour générer des ressources. Il estime qu'on ne développe pas un pays avec des pauvres.
Avec ces mesures pour les syndicats, les Burkinabè devraient désormais s'apprêter à verser deux taxes pour un même motif. L'un pour le budget national et l'autre pour le budget communal. Si le gouvernement veut aider les communes, il pourrait partager la taxe déjà collectée sur les produits pétroliers avec les communes. Actuellement, c'est 10% de cette taxe qui sont alloués aux communes, ce qui fait la bagatelle d'environ 20 milliards. Il pourrait aller à 50% .
Depuis l'adoption de cette loi, les syndicats avaient interpellé le gouvernement sur son caractère illégal, mais aussi sur son impact négatif sur la vie des ménages. Le 13 novembre et le 29 décembre derniers, dans la plateforme minimale et les préoccupations de l'unité syndicale soumise au gouvernement, ils ont demandé la suspension des vignettes. C'est donc avec surprise que les syndicats ont appris la décision du gouvernement. "Nous n'avons pas été consultés. Les débats avec le gouvernement n'avaient pas été épuisés", s'insurge le secrétaire général Mathias Lilliou. Cette décision unilatérale est vécue par les syndicats comme une trahison. Abdoul Razac Napon