Combien de temps va-t-il encore tenir ?
Tout se délite autour de lui. Sur sa mine se lit, comme jamais auparavant, son désarroi. Dans les jours à venir, il pourrait finalement convoquer une "constituante". Un mois après sa nomination, Luc Adolphe Tiao et son équipe gouvernementale ne semblent pas avoir réussi la catharsis espérée.
Il semble que Blaise Compaoré aurait recadré Bongnessan Arsène Yé, sur la question de la constituante, lui demandant d'examiner favorablement "?la proposition de l'UNDD?". Chose qu'aurait reconnu le ministre des Reformes en recevant la délégation de l'UNDD.
Toujours dans le même registre, un conseil de famille du président lui aurait, dit-on, instruit d'étudier les voies d'une sortie honorable "pour ne pas tout perdre". Enfin, à un ancien inconditionnel, il aurait avoué son "intention de laisser tomber" et lui aurait suggéré de voir avec ses camarades "comment s'organiser pour assurer l'alternance?". Enfin, cette entrevue énigmatique avec Nicolas Sarkozy à l'issue de laquelle, rien n'aurait filtré. Tous ces faits se sont produits ces vingt derniers jours. Sur la même période, les militaires ont encore tiré par deux fois. Les militaires de la caserne de Pô, le 14 mai et la Garde nationale le 23 mai. La cadence inaugurée le 22 mars dernier est donc maintenue. Tous les dix jours au moins, une unité militaire se fait entendre par les armes. Blaise Compaoré s'est impliqué personnellement en recevant et en rassurant les militaires sur sa volonté d'examiner favorablement les revendications. Pour mieux s'y consacrer, il a décidé d'occuper lui-même le portefeuille de la Défense. Les tirs à Pô et à la Garde nationale semblent indiquer que les militaires ne sont toujours pas convaincus. La question est de savoir maintenant qu'est-ce qu'il peut offrir encore de plus. La Garde nationale qui a tiré dans la nuit du 23 au 24 mai demande les mêmes indemnités que les militaires du régiment de la sécurité présidentielle. Il est raisonnablement permis de croire que les autres garnisons vont faire écho à cette revendication. Le pauvre ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement va y perdre son français. Le président va-t-il à nouveau convoquer les militaires à une autre palabre. Vraisemblablement, le procédé ne fonctionne pas. Il pourrait peut-être valser encore son chef d'Etat-major général. Le changement du commandement n'a pas encore entraîné la reprise en main escomptée. Les chefs n'arrivent toujours pas à empêcher les soldats de tirer. Le général Honoré Traoré devrait donc se préparer à s'en aller. Dans la chaîne, c'est le seul qui peut pour l'instant sauter. Le ministre de la Défense n'est autre que Blaise Compaoré, "insautable" donc… Pour l'instant.
La carte des reformes peut-elle sauver les meubles??
Les messies dominici du gouvernement qui écument actuellement nos contrées pour apporter la "parole de paix" seraient mieux instruits de regagner leur fauteuil et d'en profiter un peu. La poursuite des tirs militaires ôte toute crédibilité aux assurances qu'ils sont supposés apporter aux populations inquiètes. Car il y a vraiment inquiétude. Que dire sous les tirs. Que le président a accédé aux requêtes des militaires?! Alors pourquoi continuent-ils de tirer? Le Burkina Faso a-t-il les moyens de donner satisfaction à toutes les revendications salariales La fausse assurance du ministre des Finances (invité de l'émission de Pascal Thiombiano le dimanche dernier) va vite connaître ses limites. La distribution des sous va conduire très rapidement à la banqueroute de l'Etat. Cette solution n'en est donc pas une.
Il y a un consensus qui se dégage sur la nature de la crise. C'est une profonde crise de régime. C'est pourquoi seul Blaise Compaoré peut y répondre. Les burkinabè n'ont plus confiance. Jusque-là, les manifestants se sont gardés d'indiquer clairement ce qu'ils veulent. Parce qu'ils sont légalistes. Mais c'est l'histoire de l'idiot. On lui montre la lune et il regarde le doigt. Le message est pourtant clair. Les Burkinabè attendent de Blaise Compaoré qu'il se prononce sur sa volonté ou non de respecter les termes de la constitution. Ce mandat qu'il conduit sera-t-il le dernier, comme le stipule la constitution. Djbril Bassolet a beau indiqué que le président n'a pas "l'intention de s'éterniser au pouvoir", personne n'y croit. On veut l'entendre de la bouche de Blaise Compaoré lui-même de façon univoque. Cette attente est devenue très pressante. Peut-être dans quelques jours, elle sera sans objet.
Le ministre Bongnessan ne peut plus dicter l'agenda. Il va le subir. Son projet de Conseil consultatif pour les reformes est mort né. Il n'a pas les moyens de l'imposer. Les choses devraient se jouer sur deux propositions de l'opposition. La première qui est portée par le groupe du chef de file de l'opposition voudrait la reconduction du Collège des sages qui devrait travailler sur les recommandations d'août 1999 et celles du MAEP de 2008. Les recommandations devraient être contraignantes et applicables intégralement. La deuxième proposition est portée par l'UNDD de Hermann Yaméogo qui propose "une trêve politique" pour aller vers une constituante, dont les délibérations devront être mises en œuvre par un gouvernement d'union nationale. Les deux propositions se rejoignent sur un point?: l'article 37 de la constitution n'est pas modifiable.
Blaise Compaoré devra trancher, on s'imagine, en penchant vers le projet qui le ménage le plus. Or justement, tout ce qui le ménage le plus a peu de chance d'être accepté. On peut avoir la lecture que l'on veut du meeting raté de l'opposition du 30 avril, mais ce serait vite aller en besogne que de s'arrêter sur un désaveu des organisateurs. Newton Ahmed Barry