Taoufik Ben Brik condamné à 6 mois de prison ferme

Le journaliste Taoufik Ben Brik a été condamné aujourd’hui, 26 novembre 2009, à 6 mois de prison ferme, par le tribunal de Tunis.

"Avec ce verdict, la Tunisie entre à nouveau dans le club peu fréquentable des pays qui emprisonnent les journalistes pour délit d’opinion. La seule issue honorable à cette parodie de justice aurait été l’acquittement. Il faut le rappeler haut et fort : Taoufik Ben Brik n’a rien fait d’autre que son métier de journaliste. Avec ce verdict, il paie le prix de son engagement et de sa liberté de ton. La justice tunisienne vient d’adresser un signal inquiétant aux journalistes tunisiens. Tous ceux qui critiquent le président Ben Ali peuvent se retrouver à la prison de Mornaguia, aux côtés de Taoufik Ben Brik”, a déclaré Jean-François Julliard, secrétaire général de Reporters sans frontières.

"J’espère que les chancelleries étrangères, qui sont jusque-là restées timorées dans leur réaction, vont maintenant demander publiquement la libération de Taoufik Ben Brik et la fin du harcèlement à l’égard des défenseurs des droits de l’homme. Il faut cesser de protéger le régime du président Ben Ali”, a ajouté Jean-François Julliard.

“Cette condamnation est une criminalisation de la dissidence. On s’attendait à ce que la pression diplomatique joue son rôle. On est déçu. Jusqu’à quand l’Occident va-t-il applaudir Ben Ali ?”, s’est interrogée, offusquée, Azza Zarrad, l’épouse de Taoufik Ben Brik.

"Cette condamnation est un déni de justice absolu, fondée sur une procédure fabriquée de toutes pièces et un procès parfaitement inéquitable. L’autorité judiciaire a été l’instrument servile d’un règlement de compte politique. A deux heures d’avion de Paris, une justice assujettie à un régime policier a voulu faire taire un poète », a déclaré Maître William Bourdon, avocat au Barreau de Paris.

"Le simulacre de procès auquel j’ai assisté ne pouvait donner lieu qu’à un verdict scandaleux", a, quant à elle, déclaré Hélène Flautre, députée européenne. "Dans cette affaire montée de toutes pièces, c’est la vengeance de Ben Ali qui s’exprime contre l’un des principaux opposants au régime. J’interpelle les dirigeants européens, qui n’ont pas su éviter ce déni de justice, à prendre aujourd’hui leurs responsabilités et à enfin mettre en œuvre leurs engagements et obligations vis à vis de la Tunisie. Ils doivent demander à visiter Taoufik Ben Brik en prison et exiger sa libération immédiate."

Arrêté le 29 octobre 2009, Taoufik Ben Brik a été placé sous mandat de dépôt pour “atteinte aux bonnes mœurs“, “diffamation“, “agression“ et “détérioration des biens d’autrui“. Par cette affaire montée de toutes pièces, les autorités lui font ainsi payer ses articles pour le Nouvel Observateur et le site Mediapart. Incarcéré à la prison de Mornaguia dans la banlieue de Tunis, son procès s’est ouvert le 19 novembre, au palais de justice de Tunis. Lire le communiqué : http://www.rsf.org/Proces-de-Taoufik-Ben-Brik-Verdict.html.

Taoufik Ben Brik est atteint du syndrome de Cushing, maladie dégénérative des défenses immunitaires. Son état de santé nécessite un suivi médical régulier. Il est indispensable qu’il soit placé dans un endroit propre et chauffé. Il a collaboré à de nombreux journaux francophones et à des agences de presse indépendantes en France, en Suisse et en Belgique. Ecrivain, il est l’auteur de “Une si douce dictature. Chroniques tunisiennes 1991-2000“ paru aux éditions La Découverte en 2000, et de “Le Rire de la baleine“ paru au Seuil en 2000

Procès du journaliste en ligne Zouhaïer Makhlouf

Demain, 24 novembre, se tiendra la deuxième audience du procès de Zouhaïer Makhlouf. Ce journaliste en ligne et militant des droits de l’homme est accusé d’avoir violé l’article 86 du Code des télécommunications pour "nuisance à un tiers à travers les réseaux publics de communications". Il risque deux ans de prison et une amende. Le 3 novembre, le tribunal de première instance de Grombalia, dans la région de Nabeul, à l’issue d’une audience de huit minutes seulement, avait décidé du report du procès. La demande de libération conditionnelle, durant cet intervalle, avait été rejetée.

"Nous demandons l’abandon des poursuites à l’encontre de Zouhaïer Makhlouf. Ce procès n’a pas de sens. Tout comme pour Taoufik Ben Brik dont le verdict tombera le 26 novembre, il s’agit d’une affaire montée de toutes pièces. Les charges qui pèsent contre lui sont tout aussi absurdes qu’incohérentes", a déclaré Reporters sans frontières.

Zouhaïer Makhlouf avait réalisé et mis en ligne un reportage dans la zone industrielle de Nabeul pour alerter sur des problèmes environnementaux, économiques et sociaux qui affectent la zone. Il avait filmé la zone industrielle et interviewé, notamment, Mourad Ladhib, potier local, qui avait consenti à figurer dans ce reportage.

Dans un premier temps, la police avait accusé Zouahïer Makhlouf "d’usurpation du titre de journaliste et de couverture médiatique sans autorisation" dans la zone industrielle de Nabeul, alors que le journaliste avait reçu l’accord des personnes qu’il filmait. Ne prenant pas d’images de zones militaires, il n’avait pas non plus besoin d’autorisation officielle pour filmer.

Au cours de la première audience du 3 novembre, à huis clos sur décision des autorités, les forces de l’ordre ont bloqué l’accès au tribunal, notamment aux journalistes.

Malgré l’insistance de l’accusé de revenir sur les véritables raisons de ce procès, à savoir la volonté politique d’étouffer les voix de l’opposition, le président de séance lui a déclaré ne vouloir se limiter "qu’à la teneur de l’affaire" et que celle-ci ne portait que sur l’autorisation ou non de filmer la zone, et sur la plainte de Mourad Ladhib, potier de la zone de Nabeul, qui prétend avoir été diffamé et filmé contre sa volonté. Pourtant, la vidéo litigieuse, raison même de l’accusation de "nuisance" selon l’accusation, n’est même pas une pièce au procès, et son contenu n’est pas pris en compte dans l’affaire.

Par ailleurs, Reporters sans frontières s’étonne de la rapidité avec laquelle cette plainte a été traitée quand des centaines d’autres prennent un temps considérable avant d’être jugées. "Cela renforce l’impression d’une instrumentalisation politique", a ajouté l’organisation.

Il convient de souligner que l’accusé Zouhaïer Makhlouf a été contacté à plusieurs reprises par le plaignant, qui l’a menacé de mort. Le journaliste a déposé une plainte contre lui. Les avocats peuvent difficilement rendre visite à leur client. Le 21 novembre, Maître Najet Labidi s’est vu refuser une visite, en application de "directives" reçues par l’administration pénitentiaire.

Zouhaïer Makhlouf a heureusement interrompu le 10 novembre une grève de la faim, entamée le 21 octobre pour protester contre son arrestation. Son état de santé s’est beaucoup déterioré durant cette période en raison de son diabète et du refus de soins des autorités de la prison de Mornaguia. L’épouse du journaliste avait également fait une grève de la faim pour dénoncer le siège de son domicile par les forces de l’ordre.

Voir la lettre de Zouahïer Makhlouf écrite depuis la prison : http://www.rsf.org/spip.php?page=article&id_article=34836

Par ailleurs, le gouvernement tunisien a décidé, le 26 octobre, de bloquer le site web Al Jazeera.net en Tunisie. Un reportage avait été publié concernant la multiplication d’arrestations des opposants durant les élections présidentielle et législatives.

Enfin, le 28 octobre, des inconnus ont tenté à plusieurs reprises de pénétrer par effraction au domicile de Moudi Zouabi, correspondant du journal panarabe Al-Quds Al-Arabi, basé à Londres, et du site Internet de la chaîne TV satellitaire Al-Arabiya. RSF


28/11/2009
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