Sana Bob : " Mon pays… la mentalité doit changer ! "
Silhouette imposante en longueur, look rasta, propos rudes et directs dans un français approximatif qui se comprend aisément. Lui c'est Salif Sana à l'état civil. Né à Boulsa dans le Namentenga burkinabè, il part très tôt en république de Côte d'Ivoire avec un oncle. Plutôt que d'emprunter le chemin des plantations comme les jeunes émigrés de son âge, il a eu envie de chanter et de danser. 27 ans en république de Côte d'Ivoire, ce n'est pas rien. Cela a suffi pour transformer Sana Salif en Sana Bob, adepte du reggæ. Pour avoir vu de nombreux compatriotes subir des brimades, il ne pouvait que choisir cette voie. Celle de la musique de Bob Marley qui permet de mieux dire les ires et les attentes des opprimés et autres laisser-pour-compte. Pourtant, Rose Marie Giraud qui l'accueille dans son centre de formation voulait en faire un chanteur qui s'inspire des rythmes traditionnels. La musique moderne d'inspiration traditionnelle ça s'appelle. Cette musique que d'aucuns ont vite fait de caser sous la coupe de la World music (musique du monde). Ça ne veut pas dire grand-chose, mais tant que ça sert pour une globalisation positive... Trois ans avec cette formatrice hors pair suffisent au jeune Sana pour devenir l'idole des jeunes du quartier. Nous sommes à Cocody deux Plateaux et ça bouge ! Ensuite il intègre les "Tambours d'Abidjan". C'est à l'époque où ça commencé à sentir le roussi du côté de la lagune Ebrié. Alors, avant l'explosion de " la poudrière identitaire" en 2002, Sana se rappelle ce proverbe ô combien éternel qui dit : "on n'est jamais mieux servi que par soi-même ". Il solde ses comptes avec sa terre d'adoption et prend la direction du bayiri (patrie) Rentré au Burkina Faso, il dépose en même temps que ses bagages, son premier album national intitulé Réconciliation. Il y dénonce toute forme d'intolérance et d'incompréhension entre les peuples. Sana vient d'un havre de la paix devenu enfer par la force des écrits et des paroles, par la faute des hommes. Ça se comprend ! Inconnu du grand public, il n'hésite pas à descendre en campagne à la rencontre de son peuple. Celui qui n'a point besoin de CD pour apprécier la musique de l'artiste qu'il adopte. En 2006, après cinq ans de dur labeur, il fait fort avec l'album Dernière chance. Qu'on l'aime ou pas, on se surprend à fredonner les airs de "Mon pays", où son accent décapant sur des paroles vraies font bouger forcement. Sana Bob n'a pas fait les bancs, mais dans ses chansons, il sensibilise sur la scolarisation afin que les enfants de demain aient plus d'éclairage que lui qui sait pourtant mettre son engagement au service de l'émancipation du peuple. Le parfum de la Révolution d'Août a volé sur sa tendre enfance. Ce n'est donc pas par hasard s'il ressort les mots d'ordre du genre " consommons burkinabè ! " à travers ses chansons. Pour Sana bob, tout est question de mentalité. C'est pourquoi il pense que le combat qui vaut la peine d'être mené est celui qui consiste à amener les Burkinabè à positiver en changeant de mentalité. Avec sa petite sono, il lui arrive de voyager dans le Burkina profond pour faire passer le message et ça marche. Sana Bob qui a décidé de vivre rien que de la musique a mis sur le marché en 2009 un dernier album (Beog yiinga) produit à compte d'auteur et distribué grâce au soutien d'un frangin. Malgré cette galère, il tient bon et persévère. Dans son engagement, il promeut aussi le Wed bindé, cette danse du trot de cheval de la région du Centre-Nord du Burkina Faso, qui est en passe d'être jetée aux calendes grecques par la jeune génération. C'est cela aussi être Révolutionnaire. En mars 2010, Sana Bob qui distribue lui-même les affiches de son tout dernier album envisage une tournée nationale en commençant bien sûr par le Burkina profond, afin d'aller à la rencontre de son Peuple. Bon vent l'artiste ! Ludovic O Kibora