Roch Marc Kaboré s'essaie à l'extrémisme

La dernière sortie, à l'occasion de la conférence de presse des 14 ans du CDP, confirme la mue de Roch Marc Christian Kaboré. Il s'essaie avec plus ou moins de bonheur à la vie de faucon. Jusque-là, on l'avait connu plutôt tempéré et même très lucide. Mais comme prévient la sagesse bien de chez nous, quand tu n'as pas connu un homme avec le pouvoir, ne dis jamais que tu le connais bien. Président du CDP depuis 1999 et président de l'Assemblée nationale depuis bientôt dix ans, Roch Marc Kaboré est probablement atteint de la corrosion du pouvoir. En reprenant à son compte les thèses éculées qui avaient prévalues en 1997 à la suppression de la limitation du mandat présidentiel, il montre qu'il a perdu pied avec le bon sens. La limitation des mandats démocratiques est par essence un moyen légal de donner vie à la démocratie et pas le contraire. Dans les principes démocratiques, c'est l'intérêt du plus grand nombre qu'il faut sauvegarder et non celui d'un individu. La révision de l'article 37 vise à sauvegarder l'intérêt de Blaise Compaoré contre celui de l'ensemble des Burkinabè.
Au moment où l'Union africaine cherche à rendre encore plus difficile les tripatouillages des constitutions qui instituent les présidences à vie, les positions de Roch Kaboré sont passées de mode. Le président de notre Assemblée nationale, qui vient de ratifier la Charte africaine pour la démocratie et la bonne gouvernance, s'accroche donc, à une vision réactionnaire du pouvoir qui est dépassée par l'évolution.
Il y a au moins quelque chose d'intéressant dans ces positions. Elles finissent de convaincre de la volonté ferme de Blaise Compaoré de réviser l'article 37. Elle ne se fera pas maintenant. Il veut utiliser la présidentielle à venir pour se donner une base légale pour cette révision. Si, comme il le pense, il est élu encore avec un score soviétique, il va considérer cela comme un plébiscite pour la suppression de la limitation du mandat présidentiel, dans les premiers mois qui suivront son élection. En ce moment, personne ne pourra légitimement le lui contester puisqu'il aura, outre sa réélection, mis la question en référendum. Le vote massif et franc en sa faveur signifierait un blanc seing pour la fin de la limitation des mandats présidentiels. Ce sera donc un enjeu important de la présidentielle à venir. Les Burkinabè sont prévenus. Ce n'est pas un hasard si Roch Marc Christian Kaboré fait allusion au sondage du Centre pour la Gouvernance Démocratique (CGD). Si effectivement plus de 50% des Burkinabè sont contre la suppression de la limitation des mandats présidentiels, ils auront l'occasion de l'exprimer dans les urnes en novembre prochain. L'approche est cependant spécieuse. Elle amalgame deux préoccupations pour en tirer un bénéfice global. Que dans la situation actuelle, nombre de Burkinabè pensent que Blaise Compaoré est celui qu'il faut au Burkina Faso n'emporte pas forcément qu'ils sont pour la suppression de la limitation des mandats présidentiels. Le même sondage du CGD le montre bien. L'approche honnête serait donc de poser séparément la question aux Burkinabè pour avoir leur réponse. Il ne faut pas coupler la présidentielle à un référendum non avoué. Ce serait abuser du peuple.
De toute façon, le récent échec de Kadhafi à renouveler son bail à la tête de l'Union Africaine (UA) montre que les mandats illimités sont passés de mode. Roch Marc Kaboré pourrait donc économiser son zèle pour d'autres batailles plus valorisantes. NAB



16/02/2010
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