Pologne : les délinquants sexuels, un objet de débat

Désireux de répondre à l'émoi populaire après une série d'affaires, le gouvernement envisage de forcer les condamnés pour crimes sexuels à subir une castration chimique. Les défenseurs des droits de l'homme dénoncent une mesure démagogique et populiste.

Plusieurs cas de pédophilie et d'inceste révélés récemment par les médias ont choqué l'opinion publique. Le Premier ministre Donald Tusk, emporté sans doute par les émotions, a promis aux Polonais de soumettre à la castration chimique tous les auteurs de crimes sexuels.
Selon lui, le traitement pharmacologique pour diminuer la libido devrait être inscrit dans le Code pénal comme faisant partie de la peine. Un projet de loi allant dans ce sens est désormais en préparation. "Le Premier ministre emprunte le langage des tabloïds", observe amèrement le quotidien libéral de gauche Gazeta Wyborcza. "De telles solutions ne se pratiquent dans aucun pays démocratique. 'Quelqu'un doit faire le premier pas', nous répond Tusk. A la limite, on peut imposer des soins, mais, si le patient refuse des médicaments, son traitement doit se limiter au séjour dans un établissement fermé. Et puis, que faire de l'intégralité corporelle du condamné", poursuit le journal.

"Si l'on suit cette logique, alors pourquoi ne pas lobotomiser les criminels les plus dangereux ? Un traitement forcé ne serait pas dans l'intérêt de la société. Sinon, on va se retrouver dans la situation de la Suède qui stérilisait ses malades mentaux jusque dans les années 1970", explique le professeur Marek Safjan, ancien juge du tribunal constitutionnel et coauteur de la convention bioéthique du Conseil de l'Europe. "Presque 90 % des Polonais sont favorables à la castration rapide, sans exception et sans anesthésie. Pas chimiquement, mais physiquement", note le quotidien conservateur Rzeczpospolita qui croit connaître l'état d'esprit de la société polonaise. "Les spécialistes des droits de l'homme nous expliquent, à nous, les gens faibles qui lyncheraient volontiers les coupables de la pédophilie, que ce n'est pas bien. Ils disent qu'on ne peut priver personne de ses droits humains, que même les plus horribles parmi les criminels sont des hommes. Oui, les droits des bourreaux passent avant les droits de victimes, surtout quand ces dernières ne peuvent plus s'exprimer", ajoute le Rzeczpospolita.

Depuis la déclaration de Donald Tusk, le ministre de la Justice a amendé le projet de loi du gouvernement, et le point évoquant une "obligation des soins" a été remplacé par un "traitement à la demande". Mais l'opinion publique ne connaît toujours pas la teneur du texte… "Personne n'a demandé notre avis", se plaint le docteur Janusz Heitzman de l'Institut psychiatrique et neurologique de Varsovie. "Nous n'avons eu que deux jours pour examiner ce projet de loi", précise le chercheur dans les pages de Gazeta Wyborcza. Un Donald Tusk surfant sur la vague populiste, cela aide à monter dans les sondages. "Surtout que la Plateforme civique reprend les thèmes traditionnellement exploités par Droit et justice (PiS)", s'inquiète Gazeta Wyborcza, qui publie les derniers sondages de popularité des partis politiques : 58 % des Polonais voteraient pour Plateforme civique – soit 10 % de plus que le mois précédent – et seulement 24 % pour Droit et justice…

Iwona Ostapkowicz



06/10/2008
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