Pérou : "Notre travail c'était de tuer et Fujimori le savait"
Au
procès d'Alberto Fujimori, les anciens membres du groupe Colina, un commando
paramilitaire accusé de plusieurs massacres, sont appelés comme témoins. Tous
chargent l'ancien dictateur ainsi que la haute hiérarchie militaire.
Lors
de la vingt et unième audience du procès Fujimori, le sous-officier des
services de renseignements Isaac Paquiyauri Huaytalla a affirmé que sa mission
consistait "à arrêter et à tuer les gens". Cet ancien membre du
groupe Colina, ce groupe paramilitaire créé en 1991 et accusé notamment d'avoir
perpétré les deux massacres pour lesquels Alberto Fujimori est accusé de violation
des droits de l'homme, a ajouté : "Les agents qui faisaient partie de
Colina se sentaient protégés, dans la mesure où l'ex-président Alberto
Fujimori, l'ancien commandant en chef de l'armée Nicolás Hermoza Ríos, le chef
de facto du SIN [services secrets péruviens] Vladimiro Montesinos ainsi que
tous les hauts responsables militaires connaissaient l'existence du groupe et
le soutenaient."
Voici un bref résumé de ses déclarations.
Qui a autorisé la création du groupe Colina ?
Alors que j'étais attaché à l'escorte d'un général, j'ai appris que la création
du commando faisait partie d'un plan d'opérations créé par la DINTE [direction
des renseignements de l'armée] dans le but d'arrêter et de faire disparaître
les chefs du Sentier lumineux [guérilla marxiste péruvienne]. Angel Pino Díaz
[sous-officier membre du groupe Colina] m'a précisé qu'un groupe spécialisé
dans l'élimination physique existait déjà et que nous venions en renfort pour
atteindre le nombre de trente membres nécessaires à la formation d'un commando.
Le commandant en chef [de l'armée] était-il nécessairement au courant de son
existence ?
Les commandos n'ont pas été pas créés sur ordre de la DINTE, mais répondaient à
un plan d'opérations approuvé et avalisé par le commandant en chef, en
l'occurrence Nicolás Hermoza Ríos. Cela permettait d'utiliser des fonds, des
armes, des grenades, des explosifs, des véhicules, des motos. Personne n'aurait
été assez fou pour utiliser tout cela à l'insu des chefs de l'armée.
Quelle était la mission du groupe Colina ?
Le plan d'opérations ne parlait pas de meurtres. Il s'agissait d'arrêter,
d'interroger et de remettre ces personnes à la police. Mais, dans la pratique,
la mission consistait à capturer et à tuer des gens.
Vous avez déclaré que la DINTE [direction des renseignements de l'armée], le
SIE [service de renseignements de l'armée], l'inspecteur général, le chef de
l'état-major, le commandant en chef de l'armée, tous les hauts responsables, le
chef du SIN [les services secrets] Vladimiro Montesinos et l'ancien président
Alberto Fujimori avaient connaissance de l'existence du commando Colina. Vous
confirmez ces déclarations ?
Oui. C'était évident. Martín Rivas et Carlos Pichilingüe [le chef du commando
et un de ses officiers] ont été promus après [le massacre de] Barrios Altos [le
3 novembre 1991, 15 personnes dont un enfant de 8 ans, présentées par l'armée
comme des membres de Sentier lumineux, avaient été exécutées lors d'un barbecue
dans une banlieue de Lima]. On les a félicités et amnistiés, ce qui prouve que
les plus hautes autorités, y compris au gouvernement, savaient et approuvaient.
Et le président Fujimori ?
Le commandant en chef de l'armée Hermoza Ríos rendait compte des opérations à
Fujimori. Malheureusement pour eux, les gardes du commandant en chef sont
bavards. Et on savait qu'il s'était rendu à plusieurs reprises au palais du
gouvernement.
Et en quoi consistait votre travail ?
A tuer des gens.
César Romero
La
República