MAURITANIE ; Les raisons du coup d'Etat

Le putsch qui a renversé le pouvoir mauritanien le 6 août est la conséquence de plusieurs facteurs. Des dissensions au sein du parti gouvernemental et la perspective de l'exploitation du pétrole ont poussé les militaires à revenir au pouvoir, explique le quotidien Algérien Liberté.

Selon un scénario bien rôdé à Nouakchott, la radio et la télévision nationales mauritaniennes avaient cessé d'émettre tôt dans la matinée d'hier, après que des militaires en eurent chassé le personnel. Des soldats patrouillaient dans la capitale, occupant les places et édifices stratégiques, mais dans le calme. Aucun coup de feu ni barrage n'a été signalé à Nouakchott, ni même aux alentours du palais présidentiel. Le Président [Sidi Ould Cheikh Abdallahi] et ses proches, selon sa fille, auraient été emmenés dans un lieu inconnu. Amal Mint Cheikh Abdallahi devait confirmer l'enlèvement de son père sur une radio étrangère, à partir du palais présidentiel où résident le Président et sa famille. "Le Président vient d'être arrêté par un commando de militaires, qui sont venus le chercher, l'arrêter ici et l'emmener", a-t-elle déclaré, précisant que la Présidence était toujours occupée par des hommes en armes et n'avoir pas entendu de coups de feu lors de l'opération.

Tout de suite après, le ministère français des Affaires étrangères devait à son tour confirmer le coup d'État. "Un groupe de généraux s'était emparé du pouvoir en Mauritanie, alors que des mouvements de troupes avaient lieu dans la capitale." En somme, un coup d'État soft, sans effusion de sang. Ce qui renseigne sur la minutie de l'opération, mais surtout sur le fait qu'il ne s'est trouvé personne pour s'opposer à l'intervention de l'armée qui a organisé l'éviction d'un chef d'État, pourtant premier Président démocratiquement élu en mars 2007, depuis l'indépendance du pays en 1960.

En attendant de voir se démêler les écheveaux de cet énième coup d'État militaire en Mauritanie, il faut savoir que le pays traversait une crise politique depuis pratiquement la brutale et spectaculaire irruption du terrorisme islamiste lorsque des touristes français furent assassinés dans le nord de la capitale[ le 26 décembre 2007]. C'est à la mi-juillet que le Premier ministre Yahia Ahmed El-Waghef avait pu former un nouveau gouvernement. Il pensait avoir mis fin à deux semaines de crise politique, son prédécesseur ayant démissionné le 3 juillet sous la menace d'une motion de censure au Parlement ; un Parlement, il faut le souligner, assez pluraliste. Selon les observateurs, c'est un changement à la tête de l'armée qui aurait mis le feu aux poudres.

Le président mauritanien devait procéder hier à des changements à la tête de l'armée, de la gendarmerie et de la Garde nationale, marqués par le départ de généraux accusés d'être derrière la crise politique. Le colonel Abderrahmane Ould Boubacar a été nommé chef d'état-major de l'armée et le colonel Mohamed Ahmed Ould Ismaïl, chef d'état-major particulier du président mauritanien. Ces deux colonels devaient remplacer respectivement les généraux Ould Cheikh Mohamed Ahmed et Mohamed Ould Abdel Aziz, deux membres du Conseil militaire de transition qui avaient conduit de 2005 à 2007 la transition démocratique en Mauritanie. Les deux généraux avaient joué un rôle de premier plan dans la destitution en 2005 du président Maaouiya Ould Taya, qui assistait aux obsèques du roi Fahd d'Arabie Saoudite à Riyad. Sidi Ould Cheikh Abdallahi a été élu au terme d'une transition dirigée par des militaires.

Le Président élu démocratiquement aurait accusé les deux généraux d'être derrière la fronde des députés et sénateurs qui ont claqué la porte du parti au pouvoir lundi 4 août. Ce jour là, un groupe de 25 députés et 23 sénateurs avaient annoncé leur démission collective du Pacte national pour la démocratie et le développement (PNDD), la formation présidentielle.

Une chose est sûre, la perspective d'une ère pétrolière, qui doit ranger la Mauritanie parmi les producteurs d'or noir, n'a pas manqué de durcir sinon de réveiller des ambitions. L'Union africaine (UA) a condamné le coup d'État en Mauritanie et décidé de dépêcher à Nouakchott le commissaire à la paix et à la sécurité, l'ambassadeur Ramtane Lamamra. La Commission européenne a, de son côté, condamné le coup d'État militaire en Mauritanie et pourrait suspendre son aide financière à ce pays, a déclaré le commissaire européen au Développement Louis Michel.

Djamel Bouatta
Liberté



09/08/2008
1 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 4244 autres membres