Hermann Yaméogo : Le véritable opposant de la présidentielle à venir

Sa récente tactique qui a consisté à se saisir des tribunes de la majorité pour prêcher sa vérité a produit un résultat équivoque. Mais il semble avoir atteint son objectif, être peut-être celui qui distillera le discours de l'opposition à cette présidentielle.

Quel intérêt les candidats de l'opposition ont-ils à aller à une élection présidentielle dont les résultats sont connus d'avance ? C'est actuellement le gros dilemme de tous les candidats sérieux de l'opposition. Le débat n'est pas encore sur la place publique, mais il fait rage dans les états-majors. Depuis le début, un argument sérieux mais discutable est avancé par certains responsables de l'opposition pour justifier leur participation au scrutin. En réalité, dit-on, dans ces milieux de l'opposition, on va à cette présidentielle pour avoir les moyens de mieux préparer les locales et les législatives à venir. Ils espèrent qu'en participant à la présidentielle, ils pourront se partager les subsides de la campagne donnés par l'Etat. Un fonds qui sera bien utile après pour les élections locales et législatives. Un calcul d'hypothécaire qui vaut ce qu'il vaut. En considérant la cagnotte généralement distribuée à cette occasion qui se chiffre autour de 200 millions de francs cfa, le calcul peut être vite fait en l'étape actuelle des candidatures connues. Nous avons actuellement six candidatures déclarées ou susceptibles de l'être : Sankara, Bado, Kaboré (Belgique), Kaboré (PDP/PS), Blaise et Arba (peut-être). Si on divise cette cagnotte par 6, chacun pourrait se retrouver avec une trentaine de millions de francs cfa. Si le candidat se rembourse là-dessus les 10 millions de caution de candidature et les millions de francs dépensés pour obtenir les parrainages, il ne restera plus rien. Autant dire que l'argument du trésor de guerre pour les élections à venir n'est pas consistant. A contrario, ils font risquer une grave menace sur la démocratie et sur leur propre honorabilité. Avec des scores minables au soir du 21 novembre, ils seront si humiliés qu'ils ne pourront que se mettre momentanément à l'abri. Tout semble indiquer, comme l'explique Germain Nama, dans l'analyse de l'investiture du 21 août (page 8), qu'après le score " à hauteur d'hommes " de 80% en 2005, Blaise Compaoré a déjà programmé son score " céleste " de 90%. Quand on est élu avec un tel score dans une démocratie, on est naturellement fondé à tout entreprendre. Les perdants seront mal placés pour lui contester quoi que ce soit. Les règles du jeu sont assez claires. Cette présidentielle gagnée d'avance n'a d'intérêt que pour ce qu'elle va augurer. Or ce point est déjà connu. C'est une élection sous forme de référendum. Les votants auront aussi à se prononcer dans le débat : "oui ou non faut-il sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels?". Les candidats de l'opposition savent donc incontestablement à quoi ils s'engagent.

Hermann a flairé le coup !

Il n'est pas évident que s'il se présentait au scrutin, il aurait mieux fait que ceux qui sont en compétition actuellement. Il sait même qu'il n'aurait pas fait mieux, parce qu'avec les conditions actuelles, personne ne peut gagner une élection contre Blaise. Les dés sont pipés dès le départ. La liste électorale n'est pas fiable et l'administration est totalement acquise à Blaise Compaoré, y compris la CENI, dont le président est élu dans les conditions que chacun sait.
Dans ces conditions, les adversaires de Blaise Compaoré embarqués dans un jeu qui n'en est pas un, ont peu de chance d'être écoutés par une population qui a déjà majoritairement boudé les inscriptions sur les listes électorales et qui n'attend rien d'une élection sans enjeu. A contrario, si les conditions d'expression lui sont offertes dans la campagne, Hermann Yaméogo pourrait constituer une autre alternative. Il se positionnerait comme celui qui refuse le système. La majorité de ceux qui ne sont pas allés s'inscrire sur les listes électorales pourraient se retrouver dans certains thèmes qu'il défend. Le premier argument que Hermann avance pour ne pas se présenter consiste à dire que le contentieux qu'il a posé devant le Conseil Constitutionnel en 2005 pour contester le droit à Blaise Compaoré de briguer de nouveaux mandats après les deux premiers septennats n'a pas été résolu convenablement. Ce qui est vrai et trouve naturellement son prolongement dans " la présidentielle référendum " à laquelle nous sommes conviés. Allez à cette élection en sachant qu'on n'a aucune chance de la gagner, c'est se priver d'un argument de légitimité important.
Ensuite, il se positionne comme le chantre d'une refondation qui aura de toute façon lieu après ce scrutin. Les adversaires de Blaise Compaoré qui seront battus, sauf à être de mauvaise foi, n'auront plus d'argument pour peser sur les reformes à venir. La victoire écrasante de Blaise Compaoré vaudra choix définitif du peuple. Alors que Hermann Yaméogo qui a refusé le scrutin restera légitime dans ses revendications.
La stratégie actuelle de Hermann Yaméogo n'est donc pas dénuée d'intérêt politique. Il faut qu'il trouve le moyen d'exister dans la campagne. C'est là où il y a problème. L'espace public médiatique est très réduit et encore majoritairement dominé par le parti au pouvoir. Or il ne faut pas compter sur tantie Béa pour oser jusqu'à ce point. Parce que le refus d'aller à l'élection, dans le cadre d'un système où le vote n'est pas obligatoire, ne devrait pas conduire à ostraciser les opinions contraires. En l'espèce, Hermann Yaméogo est une opinion contraire à celle de ceux qui ont décidé d'aller à la présidentielle. Elle devrait gagner aussi à s'exprimer. C'est ça aussi le droit du citoyen à l'information. En l'occurrence ici, elle semble en phase avec une opinion nationale relativement significative qui n'a pas cru bon d'aller s'inscrire sur les listes électorales. Cette frange importante ne devrait pas être ignorée. Ceux qui ont décidé d'aller aux élections peuvent difficilement représenter les abstentionnistes, puisqu'en la matière, ils s'adresseront à ceux qui se sont inscrits sur les listes électorales. Ceux qui ne se sont pas inscrits ne pouvant plus s'exprimer par le vote. Faut-il pour autant ignorer le message qu'ils ont voulu transmettre ? Nab



02/09/2010
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