Louée soit Clinton, qui forme (malgré elle) si bien Obama !
Les démocrates qui se rongent les sangs en pensant aux effets négatifs de l'interminable sitcom qui leur tient lieu de campagne feraient bien de se ressaisir. Ces "Cassandre", comme les surnomme Harold Ickes, le stratège de Hillary, sont incapables d'avoir une vue d'ensemble de la situation.
Hillary est cruellement incomprise, et mériterait que sa bienveillance soit davantage reconnue. Qu'elle l'emporte ou non, elle a déjà rendu un fier service en tant que mentor politique d'Obama, offrant à son jeune collègue une occasion bien utile de s'endurcir. Qui d'autre aurait pu l'aguerrir ainsi ? Howard Dean [le président du Comité national démocrate] ? John Edwards [sénateur de Caroline du Nord et ex-candidat à l'investiture démocrate] ? Dennis Kucinich [représentant de l'Ohio et ex-candidat à l'investiture démocrate] ?
Jusqu'à ce jour, Obama a été plutôt épargné. Sa campagne pour se faire élire au Sénat de Washington a été une promenade de santé. Sans Hillary, jamais il n'aurait appris à si bien débattre. Jamais il n'aurait su comment répondre avec force à des attaques diffamantes et personnelles. Jamais il n'aurait compris à quel point un conjoint peut causer de terribles dégâts en s'exprimant en coulisses. Jamais il n'aurait réalisé comment un discours éclairé peut permettre de se sortir magnifiquement d'un mauvais pas.
Non seulement Hillary forme Obama, mais en outre elle le protège. Si elle n'avait pas déliré sur sur son séjour en Bosnie en 1996 [durant lequel elle a affirmé qu'elle avait essuyé les tirs d'un sniper], puis déliré un peu plus pour se tirer du mensonge en question, la presse aurait continué à s'intéresser au pasteur Wright [le révérend controversé de Barack Obama]. Dans cette histoire, elle a joué le rôle d'un inestimable paratonnerre.
L'une des leçons les plus précieuses que Hillary l'acharnée peut enseigner à l'indolent Obama et aux timides démocrates, c'est que l'objectif essentiel d'une campagne présidentielle est de gagner. Pas de partager le pouvoir, ni de contraindre un couple qui se déchire à accepter un mariage arrangé. C'est le vainqueur qui l'emporte, même si c'est d'une fraction de pourcentage ou grâce à la voix d'un seul juge à la Cour Suprême. Et c'est au vainqueur qu'il revient de désigner son colistier.
Enfin, la plus belle faveur que Hillary puisse encore accorder au petit nouveau de l'Illinois, c'est de l'affronter sans merci jusqu'à la finale, puis de lui rendre sa liberté avec noblesse pour qu'il puisse aller chercher le bonheur dans les bras d'une autre.
Hillary n'en aura fini que lorsqu'elle sera anéantie, car, pour Obama, la meilleure façon de prouver qu'il est prêt à regarder le président iranien Ahmadinejad droit dans les yeux, c'est de montrer qu'il est capable d'éliminer quelqu'un d'encore plus redoutable.
The New York Times