La refondation, pourquoi faire ?
Le vocable est
actuellement à la mode. Une frange non négligeable de la classe politique
revendique cette refondation sans pour autant en expliciter les contours. Ce
que nous savons actuellement des tenants de ce courant de penser, c'est que la
gouvernance actuelle est en crise grave et qu'il faut trouver une alternative
pour ne pas que le pays sombre. Sur cette crise, on ne peut pas leur donner
tort, au regard de l'incapacité du régime actuel à faire respecter ses propres
décisions. C'est vrai qu'il est encore capable de faire arrêter et de faire
juger des jeunes crève la faim qui ont eu le tort de ne plus mourir de faim en
silence. Mais véritablement, c'est tout ce qu'il peut encore faire. La
répression est la marque tangible des régimes essoufflés. Mugabe le montre bien
au Zimbabwe. Même désavoué démocratiquement par les urnes, il a encore la force
de réprimer les Zimbabwéens.
Notre gouvernement est cependant incapable, malgré le pont d'or qu'il fait à
ses commerçants, de les contraindre à un minimum de civisme. Imaginez-vous le
profit que les commerçants vont se faire, sur six mois, sans rien lâcher pour
les pauvres consommateurs. Peut-être aurait-il mieux valu maintenir les droits
de douane et avec cet argent, subventionner les paysans par les moyens qui
restent à définir, pour leur permettre de réaliser au moins une bonne saison
agricole cette année. Mais ce régime non seulement est en crise, mais grave, il
est en panne d'imagination.
Alors revenons à notre refondation. Suffit-il seulement de constater que le
régime actuel est sur les rotules pour justifier tout ? Non, n'eut été le
constat que le problème n'est pas conjoncturel, mais structurel. On ne sait
s'il est sincère ou pas, mais que Soumane Touré vienne à admettre qu'il s'est
trompé d'avoir ferraillé contre la Conférence nationale souveraine montre le
danger de l'heure. Ce régime est donc construit sur du faux. Le soubassement
n'est pas bon. La maison qui sera bâtie là-dessus ne peut pas être dès lors
fiable. Est-ce cela que les refondateurs veulent dire ? Et si c'est cela,
qu'est-ce qu'ils proposent pour refaire les fondations et quels matériaux
préconisent-ils ?
Faut-il juste se satisfaire de la proposition lénifiante d'un certain Mahama
Sawadogo qui propose une ouverture du gouvernement ? Cette solution là, on l'a
déjà beaucoup de fois expérimentée sans résultat tangible. Qu'est-ce qu'une
énième association au gouvernement pourrait apporter de bien pour notre pays ?
Si refondation il devait y avoir, ne faudrait-il pas pour cette fois accepter
aller au fond des choses ? Discuter de tout " sans se priver de rien
".
Il faut rendre justice au professeur Joseph Ki-Zerbo qui n'avait de cesse de
dire qu'il était inutile de continuer à jouer, puisqu'il n'y a pas de jeu. Le
régime actuel est un terrible alibi démocratique. Il est d'autant plus terrible
qu'il sait qu'il n'est qu'un alibi. La démocratie "général président à
vie" n'augure rien de bon si non ce que nous voyons présentement, la
dérive familiale et monarchique du pouvoir. Ce n'est pas par volonté de
provocation ou par acrimonie gratuite contre le régime que nous avons titré
parfois : " Naaba Blaise ". Parce que dans la situation actuelle,
c'est la réalité qui prévaut. Est-il possible que dans un régime démocratique
dans lequel est instituée la limitation à deux mandats présidentiels, le
président délibérément continue d'entretenir le flou sur son départ du pouvoir
? Ce genre de confusion ne crée pas seulement de problème à l'opposition. A
terme, cela finit par engendrer un malaise au sein du régime lui-même comme on
le voit présentement. Le Burkina tout entier s'est mis au service d'une
famille. Il n'y a plus de place pour réfléchir notre avenir et celui de notre
pays. La FEDAP/BC rythme notre vie. Nous méritons mieux, pour ce que nous avons
été par le passé.