Les talibans défient l'OTAN

La mort de dix soldats français dans une embuscade perpétrée par des talibans, le 18 août, démontre une nouvelle fois les difficultés que rencontre l'Alliance atlantique, incapable de rétablir l'ordre et d'assurer la protection de ses hommes.

Des familles britanniques, américaines et françaises pleurent aujourd'hui la mort de proches tués en Afghanistan dans le cadre de l'ISAF, la Force internationale d'assistance à la sécurité, mandatée par l'ONU. L'attaque, le 18 août, contre une patrouille afghano-française a fait dix morts chez les parachutistes français. La patrouille n'était qu'à environ 50 kilomètres à l'est de Kaboul, la capitale afghane, signe d'une instabilité accrue et de la confiance des talibans. Ces morts ébranleront sans nul doute la résolution d'une OTAN déjà secouée.

Depuis le début, la communauté internationale a du mal à mener une action concertée en Afghanistan, et l'OTAN ne fait pas exception. Les pays européens ne se sont vraiment engagés qu'à la suite de l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis. L'Allemagne souhaitait préserver ses relations avec Washington mais ne voulait pas prendre part à un conflit que Berlin considérait à juste titre comme une guerre illégitime. C'est la raison pour laquelle le ministre des Affaires étrangères de l'époque, Joschka Fischer, a proposé de mettre sur pied une mission de l'ISAF mandatée par l'ONU et commandée par l'OTAN. Les alliés de l'OTAN ont uni leurs efforts pour assurer le "bon rôle" dans la guerre contre le terrorisme. Mais ils ont souvent pris cette décision contre l'avis de leurs opinions publiques et sans vraiment appréhender la difficulté de la tâche.

Les Français ont été parmi les plus réticents à aller en Afghanistan et leurs forces ont été le plus souvent cantonnées à Kaboul. Mais Nicolas Sarkozy souhaite que la France s'engage complètement avec l'OTAN et, pour témoigner de sa solidarité accrue, a envoyé un bataillon supplémentaire de 700 soldats dans l'est de l'Afghanistan. Le problème, pour le président français comme pour l'OTAN, est que son prédécesseur, Jacques Chirac, a toujours dit que la mission en Afghanistan était vouée à l'échec. Le peuple français n'a pas vu d'un bon œil la décision de Sarkozy, qu'il a jugée proaméricaine. Et la mort de dix soldats ne va certainement pas contribuer à arranger les choses.

La France ne va probablement pas aller jusqu'à retirer ses troupes d'Afghanistan, mais elle pourrait moins les exposer. Paris pourrait émettre davantage de réserves sur les modalités de leur action, ce qui réduirait l'efficacité de celle-ci. A l'heure où les Etats-Unis, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et le Canada souhaitent limiter ce genre de réserve, une telle initiative créerait des tensions supplémentaires au sein de l'Alliance. Qui plus est, les Néerlandais et les Canadiens sont en quête d'alliés pouvant prendre leur relève dans le sud du pays. Avec la détérioration des conditions de sécurité, cette tâche, déjà difficile, va devenir quasiment impossible.

Nul n'avait jamais imaginé que tenter de sauver l'Afghanistan serait une tâche facile. L'administration Bush a fait tout ce qu'elle pouvait entre 2001 et 2003 pour poser les fondations d'un échec : envoi de troupes insuffisantes sur le terrain, octroi de fonds insuffisant au développement, et soutien délibéré à un gouvernement pakistanais qui fomentait le radicalisme musulman en Afghanistan dans le cadre de sa politique de défense vis-à-vis de l'Inde. L'Europe, pour sa part, s'est efforcée de construire un Etat en s'imaginant qu'elle n'aurait pas besoin de faire une guerre pour y parvenir. Pour "réussir", c'est-à-dire pour avoir un gouvernement afghan suffisamment fort pour assurer sa propre sécurité, l'OTAN et le reste de la communauté internationale doivent repenser leur approche.

L'accroissement de l'instabilité devrait inciter l'Alliance à réévaluer le rôle paradoxal qu'elle joue dans le pays. L'OTAN est officiellement en Afghanistan pour assurer la sécurité, mais son souci de protéger ses forces est en contradiction avec ses objectifs. Elle ne protège pas activement le personnel des Nations unies ni les autres membres de l'aide internationale parce qu'elle répugne à prendre des risques. Elle se concentre trop sur l'usage de la force aérienne, ce qui engendre trop de victimes parmi les civils. Cette situation inacceptable nuit aux efforts de la communauté internationale. Et les récentes attaques permettent de penser qu'elle ne fera qu'empirer.

Michael Williams
The Guardian



23/08/2008
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