Blaise… et les Obiang N'guema là, c'est même chose pareille !

 Transparency International vient de rajouter une louche sur les présomptions de "recel de détournement de biens publics" qui pesaient déjà sur un quarteron de chefs d'Etat africains. Les mêmes qui avaient été épinglés, il y a juste une année par les ONG françaises Sherpa et Survie. Cette fois, ces ONG espèrent se constituer partie civile pour provoquer une enquête plus approfondie.
Tansparency internationale est une ONG spécialisée dans la lutte contre la corruption. Elle a décidé de reprendre à son compte l'action inachevée de ses homologues Sherpa et Survie contre cinq chefs d'Etat africains : Omar Bongo Odimba du Gabon, Denis Sassou Nguesso du Congo Brazzaville, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée équatoriale et Blaise Compaoré du Burkina Faso. Cette ONG a déposé une plainte contre ces chefs d'Etat pour "recel de détournement de biens publics".
Transparency internationale les accuse de posséder en France des biens immobiliers financés par de l'argent public détourné. Pour l'ONG, ces chefs d'Etat ne peuvent pas, sur la base de leur rémunération connue, posséder de tels patrimoines.
Une procédure qui s'apparente aux délits d'apparence. Des chefs d'Etat africains dont les pays, même ceux qui ont du pétrole, vivent de l'aide internationale, ne sauraient légitimement posséder autant de biens immobiliers dans un pays où le mètre carré de parcelle coûte excessivement cher.
Alors d'où vient cet argent qui a permis à Bongo de posséder 17 propriétés en France, à Sassou Nguesso de posséder 15 villas en France et à Blaise Compaoré d'offrir un appartement parisien à son épouse? C'est cette question que Transparency internationale souhaiterait que la justice française puisse élucider.

Blaise dans le cartel…

Blaise Compaoré est le premier chef d'Etat burkinabè à susciter de tels soupçons au niveau international. Il faut dire aussi que c'est le premier de nos présidents à ne pas être pauvre, même si on ne lui connaît pas d'avoir hérité d'une vieille tante richissime.
Nous avons à ce propos le seul repère crédible qui est celui de la déposition publique des biens de Blaise Compaoré en 1987 devant la commission anticorruption mise en place par le Conseil nationale de la révolution (CNR) où il affirmait posséder dans son compte personnel, une somme de 175 000 F cfa et une montre en or, cadeau de mariage. Il y a donc une vingtaine d'années, Blaise Compaoré était comme le commun des Burkinabè, désargenté avec des fins de mois difficiles. Deux décennies après, sans que l'on ne puisse exactement mesurer l'ampleur de sa fortune, la déclaration des biens personnels prescrite par la constitution n'étant jamais rendue public, on subodore simplement qu'il est devenu immensément riche. Lui-même ne le nie pas. Dans une interview à Jeune Afrique, la question lui a été posée et il n'a pas démenti. Des confrères burkinabè, lors d'un face à la presse, lui ont reposé la même question et il n'y a pas eu de démenti non plus. Juste, a-t-il ironisé le propos, en disant qu'il n'était pas souhaitable qu'il soit, lui, pauvre comme l'auteur de la question.
Ces indices ne constituent pas des éléments de charges suffisantes, mais ils entretiennent quand même le doute. Que l'épouse d'un président d'un pays qui n'arrive pas à boucler son budget sans l'aide internationale puisse posséder un appartement, dont le coût n'a pas été révélé dans la première enquête de police, dans le 16e arrondissement de Paris, à quelque chose de moralement malsain, même si du point de vue juridique, rien ne l'empêche si l'acquisition est licite. Si l'argent qui a servi à acheter l'appartement est honnêtement gagné, il n'y a rien à redire. Et c'est justement le propos des ONG qui traquent ces chefs d'Etat. Transparency International et les deux ONG qui ont précédemment engagé la procédure sont plutôt convaincues que cet argent est détournés des budgets publics. Pour ce qui concerne Oumar Bongo Odimba, par exemple, certains biens ont été payés par des chèques trésors émis par la pairie de l'ambassade du Gabon en France. Or les biens dont les chèques ont permis l'acquisition sont personnels.
En déposant sa nouvelle plainte, transparency International et en indexant l'enquête de police déjà réalisée voudrait obliger la justice française à ordonner une enquête plus approfondie. Laquelle enquête établirait de façon non équivoque la provenance de l'argent qui a servi à acquérir ces biens en France et probablement à en découvrir biens d'autres qui se cacheraient sous des prêtes-noms.
Dans le cas de Blaise Compaoré, est-ce que d'autres biens immobiliers lui appartenant ne sont pas tout simplement sous des prêtes noms ou même sous des noms connus de ses proches ou de " la belle famille " ?

Du capitaine idéaliste au vieux président prédateur

Le président Blaise Compaoré est un personnage difficile à cerner. A la fois pétri d'intentions nobles et se surprenant à tremper dans ces situations qui ne lui ressemblent pas a priori. En effet, que le capitaine Blaise Compaoré des années 1980 se retrouve deux décennies après à partager les turpitudes des plus exécrables des présidents africains a quelque chose d'incompréhensible.
On ne peut pas croire que les ONG qui associent son nom dans ces histoires peu honorables lui en veulent personnellement, comme tentent de le faire croire ses proches. Parce qu'en matière de mauvaiseté, il ne peut pas être pire qu'un Lansana Conté ou un Paul Biya. Pourquoi ces derniers ne sont-ils pas cités ? Pourra-t-il un jour se défaire de telles images peu valorisantes ? On ne peut pas dire qu'il s'en soucie outre mesure. Comme ces cavaliers du désert, ses yeux sont déjà portés sur des horizons lointains, pour qu'il se soucie encore de ces "petites mesquineries" d'ONG dirigées par "des occidentaux aigris".
Un ami avait justement raconté une anecdote à propos de Blaise Compaoré qui sied bien à la situation présente. Après une rencontre publique, un thuriféraire s'était mis en tête d'expliquer à Blaise Compaoré qu'en matière d'infrastructures routières, nous étions loin devant le Mali. Et l'ami qui n'avait pas voulu que le coco mène le président en bateau n'a pu s'empêcher de dire au président que ce n'était pas vrai. Le Mali d'aujourd'hui n'a rien à envier au Burkina de ce pont de vue. Bamako, la capitale, est déjà à six échangeurs, alors que le tout premier échangeur burkinabè était encore en chantier. Cette intervention n'aurait pas été particulièrement appréciée par le chef de l'Etat. Il aurait sans doute préféré écouter le "flatteur". Comme dans la fable de La Fontaine, "tout flatteur vit au dépend de celui qui l'écoute".
La plainte de Transparency internationale pourrait ne pas connaître une suite plus heureuse
que la première intentée par Sherpa et Survie. D'aucuns pensent que l'administration de Sarkozy s'y opposerait. C'est possible. Mais le nouveau locataire de L'Elysée est un homme imprévisible. Quelqu'un a dit de lui que " rien ne l'excite davantage que d'être à la manœuvre, de conduire des opérations osées, de courir des risques ". Sarkozy a peut-être sauvé la mise à Deby Itno, mais il ne montre pas pour l'instant qu'il est particulièrement copain à une certaine race de chefs d'Etat africains…



02/08/2008
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