Les limiers du Saint-Siège rejoignent Interpol
Début octobre, la gendarmerie du Vatican a intégré l'organisation internationale de coopération policière. Elle n'est qu'un des nombreux organes qui assurent la sécurité de l'Etat pontifical, souvent dans le plus grand secret.
"Le pape, combien de divisions ?" demandait Staline. Le Saint-Siège n'a pas d'armée, mais dispose d'un important service de sécurité, de renseignements et d'antiterrorisme, formé autour du Comité pour la sécurité de l'Etat de la Cité du Vatican (CS-SCV). L'un des membres de ce comité est la gendarmerie vaticane, qui a intégré Interpol le 3 octobre dernier, à l'occasion de la réunion du réseau de coopération policière à Saint-Pétersbourg.
Le Vatican jouit désormais d'une meilleure protection à tous les niveaux, et sa police peut échanger des informations avec le plus grand réseau de police du monde. Des mécanismes de coopération dans les domaines de l'antiterrorisme et de l'informatique sont par ailleurs mis en place, ainsi que des accords d'extradition qui, étonnamment, ne s'appliqueront pas à la Curie romaine [l'administration vaticane]. Ainsi l'inviolabilité séculaire du Vatican se perpétue-t-elle au-delà même des murs du Saint-Siège.
La gendarmerie du Vatican a été créée en 1816 par Pie VII, un an après la défaite de Napoléon à Waterloo. Le pape avait pris conscience de la nécessité d'un service de police pour les Etats pontificaux. Jusqu'en 1970, date à laquelle elle est séparée de la garde suisse (corps qui assure la sécurité personnelle du souverain pontife), la gendarmerie a rempli des fonctions militaires.
La gendarmerie est l'un des nombreux organes de sécurité du Saint-Siège présents au sein du CS-SCV. Son plus haut responsable est Mgr Renato Boccardo, secrétaire général de la Cité du Vatican (équivalent du ministre de l'Intérieur). Ce comité, créé par Jean-Paul II après sa tentative d'assassinat par le Turc Ali Agca en 1981, se réunit deux fois par semaine pour veiller à la sécurité du territoire du Vatican.
Outre le commissaire Domenico Giani, inspecteur général du corps de la gendarmerie, participent à cette réunion le commandant de la garde suisse, les chefs des pompiers et de la protection civile, le chef du contre-espionnage et celui des services de renseignement – la célèbre "Entité", fondée en 1566. Cette dernière est sans doute, avec le Mossad israélien, le service de renseignement le plus complet au monde. On ignore l'identité du chef de l'Entité, mais, selon certaines sources, il s'agirait de l'archevêque espagnol Pedro López Quintana. L'Entité se charge d'obtenir et de traiter tous les renseignements collectés au Vatican comme à l'extérieur. Il s'agit là d'un important service d'espionnage, dont les principaux secrets restent inviolables – y compris pour Interpol.
Comme l'explique l'auteur Eric Frattini, un des plus grands spécialistes au monde des services secrets du Vatican, "en matière de sécurité, le Saint-Siège est confronté aux mêmes risques que Madrid, Londres, Rome ou Paris. Par exemple, un attentat d'Al-Qaida sur la place Saint-Pierre serait une excellente campagne de pub pour les islamistes. Et cela, personne n'en veut."
Les 130 membres de la gendarmerie vaticane doivent être italiens et être issus des forces de sécurité de la République italienne ou de son armée. Comme l'explique Frattini, "la principale mission de la gendarmerie consiste à assurer la sécurité et l'ordre public sur le territoire du Vatican". Ces fonctions comprennent aussi la surveillance des frontières et des douanes, ainsi que les missions de police judiciaire et fiscale, la sécurité des sites et celle des personnes vivant ou travaillant au Vatican aussi bien que des visiteurs. Les gendarmes du Saint-Siège sont également chargés d'accompagner la "papamobile" lors des voyages du pape à l'étranger. Ce qui rend particulièrement nécessaire la coopération avec les services de sécurité étrangers.
Jesús Bastante