Le vinyle pourrait enterrer le disque compact
Alors que les ventes de CD s'effondrent, les 33 tours et les 45 tours font un surprenant come-back.
On annonçait sa mort en 1985. Vingt-deux ans plus tard, le disque vinyle ne s'avoue toujours pas vaincu. Plus étonnant encore, des observateurs toujours plus nombreux suggèrent que, dans dix ans, les vénérables 45 et 33 tours auront survécu au CD, présenté à l'origine comme un fossoyeur et lui-même balayé par le téléchargement en ligne.
Les ventes de galettes numériques sont en effet en chute libre depuis le début du siècle. Alors qu'il s'en écoulait encore 20 millions en Suisse en l'an 2000, ce nombre a déjà fondu de moitié, à 11,4 millions en 2006.
Comparé à cette Berezina, le vinyle fait l'objet d'un étonnant retour en grâce. Il ne représente certes plus que 0,2 % des ventes d'albums aux Etats-Unis [contre 10 % pour le téléchargement et 89,7 % pour les CD, selon Nielsen SoundScan], mais la progression a été vive cette année, atteignant 15 %. Le magazine Time, qui consacre un article à ce come-back inattendu, n'en revient pas : les ventes de la chaîne de disquaires indépendants Newbury Comics sont par exemple en hausse de 37 % cette année, et le patron du label indépendant Matador Records [Cat Power, Mogwai, Belle and Sebastian, entre autres] avoue ne plus pouvoir répondre à la demande. Dans la foulée, Amazon.com s'est mis à en vendre en octobre dernier et propose déjà plus de 220 000 titres.
Selon les statistiques de la Fédération internationale des producteurs de disques (IFPI), il se serait vendu 20 000 vinyles en Suisse en 2006. Un chiffre qu'il convient en fait de doubler, selon son représentant Beat Högger, puisque la majorité des petits distributeurs indépendants ne font pas partie de l'association.
L'ironie de ce retour en grâce est double, puisque ses fidèles historiques – les DJ adeptes du scratch à la main – s'en détournent aujourd'hui au profit de platines numériques [voir l'article du Monde daté du 2 janvier 2008]. Source d'une branchitude retrouvée, c'est le grand public qui l'apprécie à nouveau pour la profondeur du son.
Les ventes en Angleterre battent en brèche toutes les prévisions. Non seulement les disques vinyles s'y vendent très bien, mais c'est le petit format du 45 tours, avec un morceau par face, qui emporte la palme. En cinq ans, le nombre de singles vendus sur vinyle a été multiplié par cinq outre-Manche, dépassant le million d'exemplaires pour la première fois depuis 1998. Le score est peut-être modeste comparé à la période de gloire du vinyle, en 1979, lorsque Art Garfunkel en vendait à lui seul ce nombre avec "Bright Eyes". Il s'écoulait alors 89 millions de vinyles dans le monde. Mais ce come-back a tout de même de quoi susciter des convoitises. Comme une consécration, les 45 tours sont réapparus dans les bacs de HMV sur Oxford Street et, l'an dernier, les deux tiers des singles vendus en Angleterre par les Arctic Monkeys étaient des vinyles.