Le casse-tête de Gaza s'étend à l'Egypte
La
frontière entre la bande de Gaza et l'Egypte a beau être refermée depuis
dimanche 3 février, il semble que ce ne soit plus qu'une question de temps
d'ici que soit commis le prochain enlèvement ou attentat palestinien dans le
Sinaï ou dans le sud du désert du Néguev [le 4 février, un kamikaze s'est fait
exploser à Dimona, dans le désert du Néguev, tuant au moins une personne]. La
frontière étant restée complètement ouverte pendant douze jours [du 23 janvier
au 3 février], il est difficile d'estimer la quantité d'armes et de munitions
qui ont pu entrer à Gaza.
Hani et Rami Hamdan, les deux frères originaires de Gaza qui ont été arrêtés le
2 février par les autorités égyptiennes en possession de ceintures d'explosifs
dans le Sinaï, à 4 kilomètres à l'ouest de Rafah, ne sont pas des cas isolés.
La veille, les Egyptiens avaient interpellé dans le Sinaï une quinzaine
d'hommes armés, dont douze membres du Hamas. Et la semaine dernière, un autre
groupe de cinq Palestiniens bardés d'explosifs avaient été arrêtés non loin du
poste-frontière de Taba. Dès lors, en dépit de la coopération des autorités égyptiennes
avec Israël pour prévenir les risques d'attentat, il est évident que certaines
cellules terroristes ont échappé à leur vigilance et se cachent désormais dans
les vastes étendues du Sinaï. Au Caire, on pense que ces militants préparent
des attaques dans le Sinaï, mais il semble certain que quelques-uns tenteront
de passer la frontière israélo-égyptienne, longue de 300 kilomètres, pour
pénétrer en territoire israélien.
Certains groupes sont liés au Hamas, tandis que d'autres font partie de factions
palestiniennes de moindre importance. Ce qui est sûr, c'est que l'Egypte dépend
maintenant du bon vouloir de l'organisation islamiste. Si le Hamas le souhaite,
la frontière restera fermée à Rafah. Sinon, des milliers de Palestiniens
pourront une nouvelle fois s'engouffrer dans le Sinaï. Le gouvernement égyptien
doit désormais faire face à des pressions palestiniennes divergentes. Le Hamas
exige la mise en place d'un point de passage contrôlé à Rafah. Si les autorités
égyptiennes refusent, les miliciens du Hamas veilleront à ce que les
Palestiniens puissent infiltrer le Sinaï. L'organisation extrémiste souhaite
également voir augmenter les livraisons de pétrole et d'électricité en
provenance d'Egypte. Là aussi, Le Caire aura du mal à le lui refuser, compte
tenu du large soutien populaire dont jouit le Hamas en Egypte, où
l'organisation est perçue comme la branche palestinienne des Frères musulmans
[principal parti d'opposition au régime égyptien].
Mais, en accédant aux demandes du Hamas, l'Egypte entre en conflit avec
l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas, qui rejette tout compromis
avec l'organisation islamiste et souhaite éviter les tensions avec Washington.
Coopérer avec le Hamas en ouvrant la frontière à Rafah reviendrait à renforcer
le pouvoir des islamistes à Gaza, et ne ferait que creuser le fossé existant
entre le "Fatahland" de Cisjordanie et le "Hamasland" de la
bande de Gaza. Au final, Israël pourra toujours tirer quelque satisfaction de
voir l'Egypte enfin impliquée dans le casse-tête de Gaza. Il ne s'agit pourtant
pas d'un jeu où une défaite égyptienne serait forcément une victoire pour
Israël. Gaza reste un problème israélien. Le plus troublant, dans cette affaire
dramatique, est qu'elle n'est que le résultat de décisions israéliennes prises
au hasard et non l'aboutissement d'une stratégie réfléchie.
Amos Harel et Avi Issacharoff
Ha'Aretz