La maladie de Ted Kennedy ébranle Washington

 

Le sénateur démocrate a appris cette semaine qu'il avait une tumeur au cerveau. Le Washington Post craint l'effacement de l'élu le plus influent et le plus respecté du Congrès américain.

Jamais le sort d'une personne n'avait ému autant de gens à Washington depuis l'assassinat du président John Fitzgerald Kennedy à Dallas, en 1963, il y a près de quarante-cinq ans. Le communiqué délivré mardi par le Massachusetts General Hospital sur l'état de santé du sénateur Ted Kennedy, le frère de l'ancien président, a été accueilli à la fois comme une tragédie personnelle et comme un cataclysme politique. [Samedi 17 mai, Edward Kennedy a été hospitalisé d'urgence après une attaque cérébrale. Un diagnostic a par la suite établi que le sénateur, âgé de 76 ans, souffre d'une tumeur maligne au cerveau. Il a quitté l'hôpital mercredi 21 mai.]

Depuis quarante-cinq ans qu'il siège au Sénat [son premier mandat date de 1963], Edward Kennedy a sans doute été le personnage public qui a le plus touché les gens, de la manière la plus forte. Mais, après le premier choc causé par la nouvelle, les gens ont eu de plus en plus le sentiment qu'il s'agissait d'un événement politique marquant. Les hommes et les femmes de son équipe espèrent profondément que le pronostic impliqué par les mots "tumeur maligne au cerveau" n'est pas aussi inquiétant qu'il n'y paraît. Mais ils doivent s'attendre à quelques changements sur la scène politique et dans la conduite des affaires publiques s'il est obligé de rester en retrait pendant un certain temps.

Edward Kennedy est le plus respecté des sénateurs démocrates depuis si longtemps que personne d'autre n'est aussi influent que lui. C'est également l'un des élus les plus dynamiques, qui pousse toujours ses collègues à agir. Depuis la seule campagne présidentielle qu'il a menée, en 1980, il ne s'est plus laissé distraire par des ambitions personnelles. Sur tous les sujets, et plus particulièrement les droits civiques, la santé, le code du travail, le Vietnam et l'Irak, il a fixé le cap pour son parti et il a su mobiliser le soutien nécessaire pour obtenir les résultats souhaités. Même quand la cause semblait perdue, sa voix poussait les démocrates à combattre et, avec lui, ils atteignaient souvent leurs buts, tout au moins en partie.

Kennedy aspire à jouer ce rôle auprès de Barack Obama, le candidat qui a ses faveurs pour l'investiture démocrate en vue de la présidentielle de novembre prochain. Obama aura du mal à trouver un allié au Sénat aussi motivé et compétent.


Mais il se pourrait que l'absence de Ted Kennedy soit davantage un handicap pour le candidat républicain John McCain que pour Obama. Difficile de trouver un démocrate plus disposé que lui à collaborer avec le candidat du Parti républicain. [McCain et Kennedy sont amis de longue date. Ils ont fait connaissance au Congrès, où leur volonté de dépasser les clivages partisans lorsque nécessaire est admirée.] Ce n'est pas simplement que les deux hommes ont déposé des propositions conjointes sur la santé, l'immigration, le financement des campagnes et les règles de déontologie politique. Il y a aussi le fait que Kennedy a toujours cherché à parvenir à des compromis en vue de s'assurer les voix d'élus républicains, comme il l'a fait avec le président Bush pour la réforme de l'éducation en 2002. A 76 ans, il est beaucoup moins enclin à rechercher des victoires partisanes qui empoisonnent la vie législative. Ted Kennedy est vraiment unique en son genre.

David S. Broder
The Washington Post


24/05/2008
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