Samandéni : Halte aux chicaneries et plus d'action
Ouf, le projet Samandéni n'est pas à l'eau comme on l'avait cru un moment, suite aux tirs groupés du premier ministre Tertius Zongo durant sa séance d'explication au dernier congrès ordinaire du CDP. La remise de chèques le 4 septembre dernier aux populations déguerpies a redonné un peu d'espoir à tous ceux qui attendaient de ce projet et qui commençaient à perdre patience. La raison de ces lenteurs a été donnée par le premier ministre: les montages financiers étaient désavantageux pour le Burkina. Salif Diallo est accusé en des termes à peine voilés. C'est évidemment un bouc émissaire. Comme le dit l'adage, malheur aux perdants !
Appelé à faire le point de l'exécution du projet Samandéni devant le dernier congrès ordinaire du CDP, le premier ministre Tertius Zongo n'y était pas allé de main morte. Le montage financier avait-il affirmé en substance était assez mal ficelé : le ministère en charge de l'Agriculture a engagé le gouvernement sur un prêt non concessionnel dont les conditions n'étaient pas favorables pour le Burkina. Autrement dit, on était tellement pressé d'aller vite que l'on a oublié l'intérêt national. Evidemment un tel jugement sans appel était source d'inquiétudes, en particulier pour les populations des Hauts Bassins qui avaient cru à un démarrage imminent des travaux. Cela laissait en effet supposer que les choses étaient susceptibles d'être remises en cause. Dans ces conditions, rien n'était acquis. Exit donc la série de conventions déjà signées comme celles portant sur le financement du barrage, de la centrale hydroélectrique et des 1500 premiers hectares à aménager. S'agissant de la centrale hydroélectrique, les récriminations du premier ministre avaient été particulièrement rudes. La hauteur de chute qui est de 17 à 18 mètres a été jugée faible. Sur la question, les spécialistes relativisent pourtant: Certes, la hauteur de chute peut paraître faible au vu de la grande quantité d'eau stockée, ou comparée à certaines hauteurs de chutes pouvant aller jusqu'à 300 mètres, comme dans des pays où le relief est particulièrement accidenté. Mais la puissance n'est pas seulement fonction de la hauteur de chute ; elle dépend aussi de la topographie. Et quoi qu'il en soit, l'essentiel c'est de s'assurer que la puissance disponible est intéressante au regard de nos besoins énergétiques! Au demeurant, il n'est pas impossible de réaliser des interconnexions avec d'autres sources d'énergie en cas de nécessité. C'est une question de choix de développement. Si le Burkina veut avoir de l'énergie à moindre coût, il n'a d'autre choix que de mettre à contribution son potentiel hydroélectrique. Le seul moyen de faire baisser les facteurs de production c'est l'hydroélectricité. Dans ces conditions, on a plutôt l'impression que Salif Diallo apparaît comme un exutoire pour se dédouaner de l'inertie qui frappait le dossier.
Le procès de l'activisme
Quand le président du Faso lançait le PDIS le 28 janvier 2008, c'était en présence d'un certain nombre de bailleurs de fonds qui avaient fait le déplacement de Samandéni. Un certain nombre de financements étaient déjà bouclés comme il ressort de l'interview de Salif accordée à San Evariste Barro dans l'observateur Paalga du 30 janvier 2008. Malgré tout, le premier ministre a semblé fustigé, le fait que le lancement de Samandéni ait été opéré avant le bouclage financier. Fallait-il attendre d'obtenir l'intégralité des financements avant de lancer le programme ? C'est en tout cas la position du premier ministre. Or, il suffit de revoir les projets précédents pour se rendre compte que c'est une coutume bien ancrée. Ce fut notamment le cas de Ziga où les travaux avaient été lancés avant le bouclage intégral des financements. Mais le problème est ailleurs. Si c'est l'activisme de Salif qui est en cause, c'est un fait que l'homme est plus politique que technique. On a en mémoire, son opposition à la plupart de ses techniciens et de quelques bailleurs de fonds sur la composante HIMO du PDIS (travaux à haute intensité de main d'œuvre). Engager des milliers de travailleurs manuels sur des chantiers que des bulldozers peuvent réaliser à moindre frais et en peu de temps était à leurs yeux un non sens. Pour Salif par contre, c'était une façon de permettre à la communauté de s'approprier le programme. Les 40 milliards environ consacrés à ce volet sont pour lui une arme éminemment politique, en ce qu'ils permettront d'améliorer les conditions de vie des populations. C'est un formidable positionnement pour le parti au pouvoir qui pourra en temps opportun revendiquer un droit d'inventaire. Il a su ainsi plaider pour faire triompher sa vision. Mais à vouloir coûte que coûte attaquer Salif, on touche le président du Faso lui-même, principal inspirateur du programme. Salif Diallo l'avait rappelé à Samandéni à la manière d'un conte de fée avions-nous écrit en son temps : "Un jour de mars 1998, en lisant la carte hydrologique du Burkina (il s'adresse au président du Faso), vous vous êtes inquiété de l'amenuisement de notre fleuve principal, le Mouhoun et vous avez instruit : d'explorer une possible connexion du Mouhoun et du Nakambé par un grand chenal de
Il faut également rappeler que c'est le président du Faso en personne qui a procédé au lancement du PDIS. Sauf à considérer qu'il a agi pour le compte de Salif Diallo, ce qui est absurde, on ne peut comprendre pourquoi les tirs semblent viser particulièrement ce dernier. Mais il est vrai que quand les choses coincent en politique, seuls les lampistes sont responsables. Pas le chef !
Les impairs de la gouvernance
Laurent Sedgo, le nouveau ministre en charge de l'Agriculture a hérité d'un dossier lourd au regard des attentes. Les populations des régions de l'Ouest ont accumulé tant de frustrations dont l'exploitation par des politiques sans imagination menace de mettre en péril la cohésion nationale. Que n'a-t-on pas entendu à propos de stratégies concoctées par des cercles occultes aux fins d'entraver l'essor économique et politique des régions de l'Ouest. La léthargie économique dans laquelle se trouve Bobo renforce la crédulité des populations de l'Ouest qui ont du mal à accepter le déclin de leur région. Même les querelles intestines des leaders de la région sont mises au compte des politiciens du Centre qui n'auraient aucun intérêt à voir un pôle concurrent. Tout cela ne serait-il que rumeurs et mensonges ? Quoiqu'il en soit, le sujet est si délicat qu'il convient de le prendre au sérieux. Et justement le meilleur moyen de conjurer les risques de dérives, c'est de renforcer la volonté politique de faire aboutir le vaste chantier de Samandéni. Le premier ministre a affirmé devant les congressistes du CDP que les travaux commenceront début 2010. Réussir Samandéni serait un facteur d'intégration et de cohésion nationales. Le ministre Sedgo qui a certainement prit la mesure des choses semble soucieux de travailler à faire aboutir le projet. C'est ce que nous avons cru percevoir avec la reprise des activités par la remise des chèques en septembre dernier aux populations déguerpies. Mais il faut davantage pour dissiper les inquiétudes et les méfiances nées d'un certain nombre de décisions qui ont plutôt fait penser qu'on était dans une logique de règlement de comptes. C'est le cas de la nomination d'un coordonnateur militaire qui avoue lui-même n'avoir jamais dirigé de projet. Pour tous ceux qui connaissent l'importance du PDIS, c'est plutôt un mauvais signe. Confier un gigantesque programme avec pas moins de 8 partenaires financiers à gérer à un novice n'est pas le meilleur moyen de traduire la détermination du politique. Sans compter que cela induit deux types de problèmes. On imagine d'abord la frustration des cadres de l'Agriculture et de l'Hydraulique au sein desquels il ne manque ni la compétence ni l'expérience pour diriger ce projet avec beaucoup moins de risques. Il y a ensuite la méfiance des partenaires financiers qui ont une sainte horreur de l'instabilité. Dans les sphères internationales en effet, la confiance ce n'est pas les Etats mais les hommes. Entre gens qui se connaissent, les rapports sont fluides, ce qui est un atout dans les négociations. On cite souvent le cas de ce cadre du département des Infrastructures qui avait été dégagé par le CNR, au motif qu'il est un anarcho-syndicaliste. Eh bien cette décision avait mis en souffrance un important programme du CNR. Très pratique, Thomas Sankara l'avait tout simplement réintégré !
Le Burkina doit sortir de la petite politique qui ne fait que nous ramener en arrière. C'est sans doute parce que conscients de cette réalité nationale qu'un groupe de jeunes de Bobo avaient essayé de placer des garde-fous. En effet, dans un article publié dans l'Observateur Paalga du 29 janvier, juste au lendemain du lancement de Samandéni, ils écrivaient ceci : "C'est l'occasion pour nous de solliciter auprès du ministère de l'Agriculture, de l'Hydraulique et des Ressources halieutiques, par le biais du Programme de développement Intégré de Samandéni (PDIS) et des autres structures qui y travaillent, une vaste campagne de sensibilisation et d'information, des rencontres et des conférences-débats sur les activités économiques et les opportunités d'emplois qui seront engendrées par le barrage de Samandéni pour les jeunes.
Cela nous permettrait d'être mieux informés ; par conséquent nous pourrions nous outiller et nous préparer conséquemment en fonction de nos compétences pour nous impliquer totalement dans ce projet et saisir toutes les possibilités d'emploi."
Aujourd'hui plus que jamais, il n'y a pas d'autre moyen d'empêcher les politiciens d'embourber le programme avec leurs chicanes, que de sonner la mobilisation générale des jeunes de la région qui sont intéressés au premier chef par l'aboutissement du projet! GNB
260 milliards de FCFA pour réaliser le PDIS
Les composantes de ce projet sont d'ailleurs suffisamment éloquentes à cet égard : Le barrage aura en effet une capacité de
Les aménagements hydro agricoles prévus comprennent :
En ce qui concerne la zone industrielle: une soixantaine d'unités de production diverses allant de la conservation, la transformation , le conditionnement, l'exploitation de produits agricoles, halieutiques et touristiques y sont prévues. Sur le pic de Diofourma, un hôtel touristique sera planté sur le lac du barrage. Le projet devrait générer environ 100 000 emplois et son coût total est estimé à 261 milliards de FCFA. Les bailleurs de fonds étaient là pour confirmer leur engagement à accompagner le Burkina dans la réalisation de cette œuvre gigantesque. Le Dr. Cissé Aboubakar qui a lu le message des PTF a exprimé l'adhésion du pool financier et s'est dit confiant en l'avenir du projet. Pour l'heure, tous les financements ne sont pas immédiatement disponibles, mais la bonne disposition des bailleurs de fonds semble être un gage pour l'avenir. (In l'Evénement du 10 février 2008).
Les villages déguerpis
Les huit villages concernés sont :
Diéfourma, Sinfra, Nablodiassa, Mangafesso, Banakorosso, Kokoro, Sabina, Sougalodaga
Ces huit villages comptent une population de plus de 12 000 personnes. L'indemnisation va consister à refaire tous les investissements communautaires de ces villages (écoles, dispensaires, marchés). Les personnes qui y ont réalisé de gros investissements tels que les vergers seront également indemnisées, de même que toutes celles qui sont détentrices d'un patrimoine. Des études réalisées par trois bureaux sont disponibles.