Jeux olympiques en Chine : La politique s'y invite

Des Jeux de Berlin en 1936 à ceux de Pékin en 2008, le plus grand rendez-vous sportif de la planète a été l'otage des enjeux du moment. Une réalité que doivent accepter les instances dirigeantes de l'olympisme, malgré leur désir d'éviter les conflits avec la Chine.

Autant la décision du Comité olympique britannique (BOA) de revenir sur sa tentative de museler ses athlètes à Pékin est follement encourageante, autant la nécessité de se conformer à la Charte olympique semble décourageante. Rédigée par une institution très peu politique, le Comité international olympique (CIO), ce texte n'autorise aucune manifestation sur un site olympique. Or, au cours des cent dernières années, pour ne citer que quelques exemples, les Jeux ont tour à tour été organisés par Hitler, été boycottés par les gouvernements américain et soviétique, été pris d'assaut par des terroristes et vu des manifestants tués par des soldats.

Face à cela, la Charte olympique semble bien incohérente. Il est manifestement inévitable que des Etats politisent les Jeux olympiques, et il va sans dire que les entreprises en profitent pour mettre en avant leurs intérêts. Mais gare aux sportifs qui, individuellement, auraient l'audace d'exprimer leur point de vue, les derniers en date à avoir été menacés étant les membres du Team Darfur [créé par des athlètes d'une douzaine de pays], qui souhaitent profiter des conférences de presse et des podiums chinois pour protester contre le soutien de Pékin aux autorités soudanaises.

Il en avait déjà été de même en 1968 avec le coup d'éclat sur le podium des sprinters américains Tommie Smith et John Carlos [qui avaient fait le salut des Black Panthers en recevant leurs médailles]. Les deux athlètes avaient été traités en vrais parias par le président du CIO, Avery Brundage, qui exécrait apparemment la "politisation du sport". C'est ce même Avery Brundage, sympathisant nazi, qui avait soutenu toute sa vie que les Jeux de Berlin avaient été "les plus beaux de l'histoire moderne". Et nous ne reviendrons pas ici sur sa gestion des Jeux de Munich, en 1972, lorsque des athlètes israéliens avaient été pris en otages et tués par un commando palestinien. Ne s'agissait-il pas là de prises de position éminemment politiques ? Bien sûr que si. Tout comme l'attribution des Jeux olympiques à Pékin était un acte politique, qui, entre autres choses, a passé outre aux protestations des défenseurs des droits de l'homme et des partisans de l'autonomie du Tibet.

Les Jeux olympiques sont une manifestation fatalement politique, à tous égards, et pas seulement en raison du nationalisme qui les sous-tend. En 1936, l'athlète noir américain aux quatre médailles d'or Jesse Owens savait que sa participation était en soi un pari politique. Que se serait-il passé s'il avait renoncé, ou simplement perdu ? On imagine sans peine dans quel sens cela aurait été exploité. Même les Jeux de Sydney, en 2000, pourtant salués de toute part, ont été précédés d'une polémique sur la question de savoir si le drapeau aborigène pouvait ou non flotter lors de la manifestation. Les exemples de politisation pendant la guerre froide sont innombrables. Il s'agissait de tentatives visant à faire de la course aux médailles un prolongement de la course à l'armement, à l'instar de la défaite rocambolesque de la sélection américaine de basket-ball contre l'URSS en 1972.

Rappelons-nous aussi la tentative du gouvernement Thatcher d'imposer le boycott britannique des Jeux de Moscou en 1980. "Dans mon équipe, tout le monde s'interrogeait. Alors que les relations diplomatiques n'avaient pas changé, que le Bolchoï devait se produire à Londres, que les échanges commerciaux se poursuivaient entre le Royaume-Uni et l'Union soviétique, qu'on pouvait acheter un billet pour un vol Aeroflot pour aller en vacances à Leningrad, pourquoi était-ce aux sportifs, et à eux seuls, de manifester l'opposition politique du gouvernement à l'invasion de l'Afghanistan ? On nous demandait de tirer un trait sur un rêve pour lequel nous avions travaillé toute notre jeunesse", se souvient Colin Moynihan, alors barreur de l'équipe d'aviron britannique.

Quant aux Jeux d'après le 11 septembre 2001. Il y avait à l'époque plus de soldats et de policiers dans la ville que dans tout l'Afghanistan. Comme le constatait alors un membre du CIO, "c'est un show conçu pour envoyer un message à Ben Laden". Ah, et quel message ? "Nous accueillons les Jeux grâce à des pots-de-vin. Et il y a plus de monde pour assurer la sécurité d'un centre nautique dans l'Utah qu'il n'y en a à Tora Bora." Brr, je suis sûre qu'Oussama a passé toute la quinzaine à trembler. Même le circuit de la flamme olympique jusqu'à Atlanta avait dû être revu après l'adoption d'une loi homophobe en Caroline du Sud, et cette année la torche ne passera pas par Taïwan, car Taipei et Pékin s'accusent mutuellement de se livrer à une exploitation politique de l'événement…

Marina Hyde
The Guardian

 



16/02/2008
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