Inde : La Yamuna, rivière sacrée à l'agonie

La pollution industrielle a transformé le cours d'eau qui baigne Delhi en dépotoir. Mais l'urgence et la gabegie des autorités empêchent tout plan de sauvetage d'être efficace, accuse The Times of India.

Néron pinçait sa cithare et récitait des vers alors que Rome était en flammes. Le gouvernement de Delhi et le Delhi Jal Board [responsable du traitement et de la distribution de l'eau potable dans le Territoire de Delhi] préfèrent quant à eux perdre leur temps en batailles judiciaires – concernant la date limite pour nettoyer la Yamuna –, tandis que cet affluent du Gange se meurt. Les rivières sont naturellement des lieux de vie. Et la Yamuna, l'une des sept rivières sacrées de l'Inde, ne dérogeait pas à cette règle. Ses eaux étaient propres et abritaient une faune et une flore exceptionnelles. Aujourd'hui, malgré une très forte tradition culturelle selon laquelle les fleuves doivent être révérés comme des divinités, la Yamuna se meurt.

Cette rivière longue de 1 370 kilomètres est l'une des plus sales du monde. Et Delhi, en déversant ses ordures, ses eaux usées, ses résidus industriels, ses carcasses d'animaux et autres détritus, est responsable de 57 % de cette pollution. Les eaux souillées étant rarement retraitées, elles deviennent de plus en plus toxiques. Comme la Yamuna reste relativement statique neuf mois sur douze, les déchets stagnent dans l'eau pendant de longues périodes au lieu d'être dispersés, provoquant une pollution des nappes phréatiques des zones avoisinantes. Sans compter les déchets non recyclés produits par les logements installés illégalement ou non sur les berges du fleuve. Depuis 1993, la Cour suprême a pourtant publié plusieurs directives demandant aux gouvernements du Territoire de Delhi et de l'Etat de l'Haryana d'empêcher les effluents industriels d'être déversés dans la Yamuna.

Mais, si les autorités de Delhi ont fait appel pour obtenir l'interdiction des logements illégaux qui ont poussé comme des champignons le long de la rivière, on ignore toujours ce que sont devenues les énormes subventions qui ont été allouées pour le sauvetage de la Yamuna : 18 milliards de roupies [plus de 311 millions d'euros] sur quatorze ans, soit le double des sommes dépensées pour le Gange. Sachant que la rivière traverse la ville sur 22 kilomètres, un rapide calcul montre que, pour chaque kilomètre, on a dépensé 1 milliard de roupies [environ 17,3 millions d'euros] sans qu'il y ait la moindre amélioration. Plusieurs stations d'épuration ont été construites, comme l'envisageait le plan d'action, mais la plupart fonctionnent en sous-régime. Les réseaux de collecte des égouts sont trop vieux pour transporter les eaux usées jusqu'aux centres de retraitement. Faut-il en déduire que les personnes qui ont conçu ce programme ignoraient qu'il faudrait transporter les eaux souillées par des conduits de distribution ? Qu'il s'agisse du plan de sauvetage du Gange, de celui de la Yamuna ou de tout autre projet de grands travaux, leur planification et leur exécution manquent souvent cruellement de bon sens.

La Tamise à Londres, le Danube et le Rhin en Europe ont eux aussi souffert de la pollution liée à l'industrialisation et au manque d'entretien. Ces fleuves ont pourtant retrouvé leur propreté originelle grâce à la prise de conscience des populations, à de nombreuses initiatives locales et à la mise en place rapide de mesures contrôlées par des organismes indépendants. Les fleuves font partie de notre patrimoine. La pollution de la rivière doit disparaître, sinon c'est la rivière qui disparaîtra.

edito
The Times of India


06/02/2008
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