Huit dollars pour connaître l’enfer
Face à un squelette ou à un zombie, vous risquez votre peau. Mais, si vous participez à une rave, c’est votre vie éternelle qui est en jeu – un danger que les trains fantômes classiques sont incapables de traiter. Voilà pourquoi des centaines d’Eglises dans tous les Etats-Unis ont organisé leurs propres spectacles d’horreur afin de rivaliser avec Halloween.
Dans les “maisons de l’enfer”, également baptisées “maisons du jugement” ou “maisons de la réalité”, de jeunes acteurs montrent ce qu’il en coûte de boire, de faire la fête ou d’être gay. Les femmes qui mènent une vie sexuelle libérée y réfléchiront peut-être à deux fois lorsqu’elles auront vu que cela peut conduire à un sanglant avortement tardif, par exemple. L’idée de ces maisons revient au révérend Jerry Falwell, le père de la “Majorité morale”, qui, en 1972, avait été le premier à créer une maison de l’enfer. La Liberty University, qu’il a fondée à Lynchburg, en Virginie, propose un événement annuel de haut niveau baptisé Scaremare [cauchemar], qui, cette année, avait pour thème “DaScaremi Code : décryptez et découvrez la vérité”. Des milliers de personnes ont fait la queue pendant des heures et payé 8 dollars [6,2 euros] pour y assister. Pour tuer le temps, des adolescents débattaient des aspects métaphysiques de la Trinité. Comme le promet la brochure de promotion, Scaremare se situe “à mi-chemin entre une attraction familiale et une maison de la mort”. Mais cela ne ressemble pas vraiment aux attractions que l’on rencontre dans les fêtes foraines. En dehors d’une saynète représentant la Crucifixion, le message chrétien est plutôt discret jusqu’à la fin, quand les visiteurs sont rassemblés sous une tente. A l’intérieur, un étudiant se lance dans un discours incohérent mais enthousiaste sur le péché originel, la fuite par la mort, la mission évangélique et le vide qu’il a ressenti dans son existence avant d’être sauvé.
Toutes les Eglises qui se donnent la peine d’ouvrir ce type d’attraction ne se montrent pas aussi modérées dans leur approche. Et, pour faire peur, une paroisse modeste n’a pas besoin de ressources considérables. Dans le Colorado, le New Destiny Christian Centre vend des “kits maison de l’enfer” pour une somme modique. Ils contiennent des scripts pour des scènes comme les obsèques d’un jeune homme “qui croyait au mensonge selon lequel on pouvait naître gay et qui est mort du sida”. Si besoin est, il est possible de se procurer des effets sonores additionnels comme “Séparer les familles unies”, produit par La voix de Lucifer. Les maisons de la terreur attirent des fans en dehors de la communauté évangélique. Un étudiant, dans un article pour la revue de son université, décrivait l’une de ces attractions dans l’Oklahoma comme “vraiment superéclatante : dommage seulement que je me sois réveillé le lendemain matin avec une overdose de Jésus”. Le phénomène a même atteint la côte Est. En octobre, une compagnie de théâtre expérimental a mis en scène sa propre maison de l’enfer à New York et a su plaire aux critiques. Mais les véritables maisons de l’enfer font l’objet de controverses. Pour la majorité des chrétiens, l’évangélisme ne peut s’accommoder de la volonté de faire peur. D’autres, purs et durs, considèrent que personne ne devrait avoir à payer pour écouter la parole de Dieu.