Hamid Karzai et ses anges gardiens
Le
27 avril, le président afghan a échappé à un attentat fomenté par les
talibans. Il doit la vie non pas à l'armée nationale mais à ses gardes du corps
formés aux Etats-Unis.
Le président Hamid Karzai, lors l'une des rares
fois où il se risquait à aller à une cérémonie officielle, a échappé de
justesse à une tentative d'assassinat soigneusement préparée par les talibans
le 27 avril. Plusieurs personnes se trouvant sur l'estrade, dont un
député, ont été tuées lors de la parade militaire à laquelle le chef de l'Etat
afghan et d'autres responsables du gouvernement et diplomates assistaient.
L'attaque a commencé par des rafales d'armes automatiques, et s'est poursuivie
par des tirs de roquettes. C'est le troisième attentat contre Karzai depuis
2002. Ironie du sort, le défilé militaire organisé pour le seizième
anniversaire de la chute du gouvernement communiste avait pour but de
symboliser la résurrection de l'armée afghane en tant que force incontournable
participant aux combats incessants contre les talibans depuis l'intervention
américaine de 2001. Au lieu de cela, les talibans, qui ont revendiqué
l'opération, ont prouvé qu'il fallait toujours compter avec eux. Cela montre
également que les affirmations réitérées par Karzai, et appuyées par ses alliés
américains, selon lesquels le "problème militant" trouve ses racines
au Pakistan, ne sont guère plus qu'un vœu pieux. Manifestement, les talibans
sont fermement implantés en Afghanistan et sont en mesure de frapper à Kaboul
alors même que la zone du défilé avait fait l'objet de contrôles scrupuleux des
jours durant.
En tant que tel, le problème concerne l'ensemble de la région. Plutôt que de
jouer au jeu des reproches ou de chercher des boucs émissaires, le gouvernement
afghan aurait tout intérêt à repenser les tactiques employées contre les
insurgés et à se demander si la puissance de feu à elle seule suffira jamais à
les vaincre. Certes, le Pakistan aussi est confronté à ce dilemme. Compte tenu
des liens étroits entre les terroristes de part et d'autre de la frontière, les
deux Etats seraient avisés d'engager le dialogue sur la question. Par ailleurs,
on peut tirer d'autres leçons de cette tentative d'assassinat. Si la chance
explique en partie pourquoi Karzai en a réchappé, il semblerait que la réaction
rapide de ses gardes du corps, qui l'ont immédiatement entouré et emmené dès
que les premières balles ont sifflé, a contribué à lui sauver la vie. Ce
personnel a été formé par des spécialistes américains, et certains des membres
de la redoutable phalange qui l'encadre sont des employés de sociétés de
sécurité américaines recrutés pour assurer sa protection. Au fil des ans, elles
ont fait la démonstration de leur utilité en maintenant sain et sauf un homme
dont les talibans souhaitent ardemment verser le sang. Une fois de plus, cela
ne peut qu'amener à s'interroger sur la mort de Benazir Bhutto, le
27 décembre 2007. Nombre de ses proches estiment que si on l'avait
autorisée à importer des services de sécurité des Etats-Unis ou de
Grande-Bretagne, comme elle l'avait souhaité, elle serait encore vivante. A
l'époque, le régime de Musharraf avait rejeté sa demande.
Mais surtout, l'attentat contre Hamid Karzai vient nous rappeler que l'emprise
des insurgés sur la région reste intacte. Tant en Afghanistan qu'au Pakistan,
la misère, le sous-développement et les privations ont permis aux talibans de
mieux prendre racine. Si l'on veut enfin éradiquer cette menace et la
neutraliser à long terme, il faudra aussi résoudre ces problèmes. A vrai dire,
avec la menace croissante d'une crise alimentaire, il est plus que jamais
nécessaire de développer de telles stratégies. Car, comme on l'a vu par le
passé, les troubles et la colère constituent un terreau fertile pour les
organisations extrémistes. Si on laisse une telle situation se développer, la
menace représentée par les talibans ne fera que croître, les terroristes
tueront encore des dirigeants comme de simples citoyens, et il sera encore plus
difficile qu'il ne l'est déjà de desserrer leur étreinte.
Editorial
The
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