Élections américaines : le pasteur qui en disait trop
Les
déclarations outrancières du révérend Jeremiah Wright, ancien pasteur de Barack
Obama, arrivent au mauvais moment pour le candidat démocrate. Après sa défaite
du 22 avril en Pennsylvanie, il n'avait pas besoin que l'homme d'Eglise relance
la polémique sur la question raciale.
A
l'heure où Barack Obama s'efforce de gagner les voix des électeurs blancs
préoccupés par la conjoncture économique, les dernières apparitions publiques
de son ancien pasteur menacent de raviver la polémique autour des questions
raciale, patriotique et religieuse. Une controverse que le sénateur de
l'Illinois pensait close. Invité notamment, lundi 28 avril, au National Press
Club [club de la presse nationale, à Washington], le révérend Jeremiah Wright a
prononcé un discours provocateur, renchérissant sur certaines remarques
polémiques extraites de ses anciens sermons.
Il a réitéré certains de ses propos les plus virulents, dont Barack Obama
lui-même s'était démarqué. Il a refusé de revenir sur un commentaire datant
d'après les attentats du 11 septembre 2001, dans lequel il qualifiait ces
attaques de "juste retour des choses". "On ne peut pas
terroriser les autres et espérer s'en tirer comme ça", avait-il alors
déclaré. "C'est un principe de la Bible." Interrogé sur une de ses
déclarations selon laquelle le virus du sida aurait été créé par le gouvernement
américain pour nuire aux populations noires, Jeremiah Wright a indiqué que,
après "les expériences de Tuskegee et sachant le traitement réservé aux
Africains dans ce pays, je pense que le gouvernement est capable de tout".
Le révérend faisait référence à une expérience menée sur plusieurs dizaines
d'années à Tuskegee, en Alabama, au cours de laquelle le gouvernement américain
avait privé de traitement des patients noirs souffrant de la syphilis afin
d'étudier l'évolution de la maladie. Il a également parlé en termes élogieux de
Louis Farrakhan, le chef de l'organisation politique et religieuse Nation of
Islam, souvent critiqué pour ses remarques antisémites. Farrakhan aurait été
une figure extrêmement influente pour le révérend, qui le considère comme
"l'un des plus grands hommes du XXe et du XXIe siècle".
Jeremiah Wright s'était fait discret depuis la publication de plusieurs
extraits de ses sermons dans les médias en mars 2008, notamment ceux où il
disait que "Dieu maudisse l'Amérique". Fidèle de longue date de
l'église du révérend Wright, à Chicago, Barack Obama était parvenu à mettre fin
à cette première controverse en prononçant un discours sur la question raciale
à Philadelphie le 18 mars. Toutefois, les extraits des sermons du révérend ont continué
d'être utilisés par les conservateurs pour nuire au sénateur de l'Illinois. De
son côté, Hillary Clinton, la rivale de Barack Obama dans la course à
l'investiture démocrate, a souligné qu'elle n'aurait jamais choisi le révérend
Wright comme pasteur. L'équipe de campagne d'Obama a déclaré n'avoir aucun lien
avec les dernières apparitions publiques du révérend. "On nous avait
certes prévenus", reconnaît David Axelrod, le stratège en chef d'Obama,
"mais nous ne pouvions rien faire. Nous n'avons aucun contrôle sur le
révérend Wright. Si c'est bon ou mauvais pour la campagne? Franchement, je suis
bien obligé d'avouer que ce n'est pas l'idéal."
Peu après l'allocution du révérend devant le Club national de la presse, Obama
a réagi à ses déclarations, en rappelant qu'il le considérait comme son
"ancien pasteur". "Je ne l'avais jamais entendu prononcer de
commentaires semblables à ceux qui ont provoqué cette polémique ou à ceux qu'il
a pu faire récemment", a-t-il déclaré. "Ils ne reflètent pas mes
idées et n'ont rien à voir avec cette campagne." Le sénateur de l'Illinois
et le révérend Wright se connaissent depuis vingt ans. C'est Wright qui a
célébré le mariage de Barack Obama et qui a baptisé ses deux petites filles.
C'est également un sermon de Wright qui a inspiré le titre du deuxième livre
d'Obama : L'Audace d'espérer. Le candidat démocrate savait depuis
longtemps que cette relation risquait de lui poser des problèmes sur le plan
politique et il était d'ailleurs revenu sur sa décision de laisser le révérend
s'exprimer lors de l'annonce officielle de sa candidature, en février 2007.
Tandis que la polémique autour du révérend est relancée, l'équipe de campagne
de Barack Obama ne prévoit toutefois pas que le candidat prononce un discours
dans la même veine que celui de Philadelphie pour limiter les dégâts.
Peter
Nicholas
Los Angeles Times