Des journalistes chassés à une cérémonie
Trois journalistes chassés d'une cérémonie
commémorant la Journée internationale de la liberté de la presse
Reporters sans frontières
exprime son malaise et son inquiétude face au climat de plus en plus
irrespirable qui règne au Rwanda, après que la nouvelle ministre de
l'Information, Louise Mushikiwabo, a chassé trois directeurs de publication
d'une cérémonie commémorant la Journée internationale de la liberté de la
presse, le 2 mai 2008.
"Nulle part en
Afrique, on ne connaît ce niveau de mépris et d'agressivité d'un gouvernement
envers certains journalistes. Ce nouvel incident est révélateur de
l'impossibilité pour les autorités de tolérer la dissidence ou la critique,
qu'elle soit modérée ou radicale. Cela pourrait donner à réfléchir à la
ministre de l'Information, à qui la sagesse devrait commander de ne pas se
jeter avec tant d'enthousiasme dans une bataille inégale avec la presse que le
gouvernement remportera à tous les coups", a déclaré l'organisation.
Le 2 mai 2008, alors que
se déroulait une cérémonie de commémoration de la Journée internationale de la
liberté de la presse à l'hôtel Serena, à Kigali, la nouvelle ministre de
l'Information du gouvernement rwandais a demandé à son assistant, Aimable
Semukanya, de veiller à ce que trois directeurs de publication de journaux
quittent les lieux.
Charles Kabonero,
directeur de publication de l'hebdomadaire privé "Umuseso",
Jean-Gualbert Burasa, directeur de publication du bimensuel
"Rushyashya", et Jean-Bosco Gasasira, directeur de publication du
bimensuel "Umuvugizi", ont été fermement priés de sortir de la salle,
alors que le porte-parole du Tribunal pénal international pour le Rwanda
(TPI-R), Roland Amoussouga, allait commencer un exposé sur le thème:
"Liberté de la presse, limites et responsabilités". Les trois
journalistes se sont exécutés, alors qu'ils avaient pu assister sans problèmes
aux travaux de la matinée et déjeuner avec leurs confrères. La ministre s'est
justifiée en expliquant que les trois journalistes n'avaient pas été invités et
qu'elle entendait exclure ces journaux "négativistes" de toutes les
activités gouvernementales.
Illustration de ce
dangereux climat de haine, la dénonciation publique, le 14 avril 2008, par le
président de l'association Ibuka ("Souviens-toi", association de
préservation de la mémoire du génocide, proche du pouvoir) de prétendus
"journalistes négationnistes du génocide, voire génocidaires"
travaillant pour les stations publiques britannique et américaine BBC et VOA.
Théodore Simburudali a indiqué qu'il fournirait à l'ambassade américaine à
Kigali, où se tenait une cérémonie en hommage aux employés rwandais tués lors
du génocide de 1994, une liste de journalistes "devant être chassés de
leurs emplois", sans les nommer. Selon les informations de Reporters sans
frontières, il s'agirait d'Ally Yusuf Mugenzi, responsable du service "Grands
Lacs" de la BBC, Etienne Karekezi, rédacteur en chef Afrique centrale de
VOA, et Thomas Kamilindi, ancien correspondant de la BBC à Kigali et
aujourd'hui journaliste de VOA. Reporters sans frontières s'élève contre ces
propos indignes et les menaces proférées sans fondement contre des journalistes
au-dessus de tout soupçon, dont certains ont perdu un enfant lors du génocide
d'avril-juillet 1994.
Par ailleurs, à peine
nommée au ministère de l'Information, Louise Mushikiwabo avait fait déclarer le
journaliste ougandais, Robert Mukombozi, persona non grata sur le territoire
rwandais. Elle l'avait accusé d'avoir publié des "reportages non
objectifs" et de "déformer les faits". Correspondant du
quotidien privé ougandais "The Daily Monitor", le journaliste avait,
en 2007, été brièvement détenu par les services de renseignements puis licencié
du quotidien progouvernemental rwandais "The New Times", après avoir
publié une information compromettante pour les relations entre l'Ouganda et le
Rwanda.