Crise ivoirienne :Le Burkina tente d'amortir le choc

 Comme il fallait s'y attendre les effets de la crise n'ont pas tardé à se ressentir sur la vie quotidienne des Burkinabè. La Côte d'Ivoire est le premier partenaire économique du Burkina Faso en Afrique. Plusieurs produits de grande consommation du Burkina proviennent des unités industrielles ivoiriennes ou transitent par le port international d'Abidjan. Depuis le début de la crise post électorale tout a changé.
Les échanges commerciaux entre le Burkina et la Côte d'Ivoire ont considérablement diminué depuis le début de la crise. Les consommateurs le constatent chez les commerçants. Les prix de certains ont grimpé sur le marché. Dans les petites boutiques de quartiers, le litre d'huile alimentaire est passé de 700 à 1000f CFA. Le sac de riz est passé de 13 000 à 19 000f chez certains commerçants. Les prix d'autres produits tels que la farine de blé, les pattes alimentaires, le savon, les matériaux de construction, les plastiques ont aussi connu une hausse depuis que les transporteurs ont arrêté d'aller en Côte d'Ivoire. Cette hausse est liée d'abord aux difficultés de transport. Le trafic ferroviaire sur lequel compte le Burkina pour ses importations n'est plus normal. Les camions poids lourds burkinabè ne veulent pas prendre de risque en empruntant ce corridor. "Officiellement la frontière entre le Burkina et la Cote D'ivoire n'est pas fermée. Mais nos camions ne peuvent pas aller au delà de la zone rebelle. La sécurité n'y est pas garantie. Les camions burkinabè sont mal vus dans cette partie. Personne ne veut y aller" explique un transporteur. Mais ce n'est pas tout. Les forces nouvelles ont décidé dans leur stratégie d'instaurer un blocus pour asphyxier la partie sous contrôle de Laurent Gbagbo. Aucun camion ne peut donc ravitailler cette partie de la Côte d'Ivoire. Certains transporteurs ont même eu des propositions alléchantes pour aller transporter des marchandises bloqués à Abidjan mais rares sont ceux qui acceptent prendre ce risque. "Certains commerçants ont toujours leurs marchandises bloqués à Abidjan et ils nous font même de bonnes propositions sur le prix mais c'est difficile" confie ce transporteur. Le problème de transport n'est malheureusement pas la seule difficulté d'approvisionnement du marché burkinabè en produits ivoiriens. La plupart des entreprises ivoiriennes sont aujourd'hui en difficulté. Celles qui arrivent à tenir malgré la crise ont été obligées de revoir leur production à la baisse faute de matières premières mais aussi en raison des tensions de trésorerie. Elles ne peuvent plus satisfaire le marché ivoirien. Une sous production qui provoque une raréfaction de certains produits ivoiriens sur le marché burkinabè.
La solution alternative des importateurs
Malgré tout, pour le moment il n y a pas de rupture en produits de première nécessité au Burkina du fait de la crise en Côte d'Ivoire. Les importateurs burkinabè ont tout de suite trouvé des produits de remplacement aux produits provenant des unités industrielles ivoiriennes selon le directeur général des douanes. Désormais, le port de Lomé et celui de Tema sont les principaux ports utilisés par les importateurs burkinabè. Ces solutions alternatives ne sont pas spontanées. C'est la crise de 2002 qui aurait servi de leçon aux importateurs Burkinabè. "On a beaucoup souffert de la crise en 2002 au Burkina. On a compris qu'il ne faut pas compter sur un seul corridor. Les importateurs ont diversifié leurs sources. Ce qui fait que les effets de la crise actuelle ne sont pas bien ressentis dans la vie des Burkinabè comme ce fut le cas en 2002" explique le directeur général des douanes. Ousmane Guiro est formel. La présente crise ne peut bloquer l'économie du Burkina. Les commerçants burkinabè ont trouvé une solution alternative. Ils se sont tournés vers le Ghana et le Togo pour les importations. Mais cela à un coût supplémentaire sur les prix des produits. Certains petits commerçants confrontés chaque jour à cette hausse font supporter les coûts supplémentaires au consommateur?: "la plupart des produits ont connu une hausse. Nos fournisseurs nous expliquent qu'ils ne peuvent pas nous vendre au même prix parce que les coûts de transport ont augmenté. Nous n'avons pas d'autre choix que de tenir compte des nouveaux prix pour vendre." Nous explique un commerçant. Le Burkina était dépendant du train dans ses importations. Le parc de camions poids lourds ne suffit pas à répondre aux besoins. Ce sont les camions ghanéens qui approvisionnaient en partie le Burkina. Aujourd'hui, ces camions ont trouvé mieux ailleurs avec la crise. Le cacao ivoirien ne peut plus sortir par le port d'Abidjan. L'Union européenne a interdit l'accostage aux ports de Côte d'Ivoire. Le cacao passe désormais par les ports du Ghana. Et ce sont les camions ghanéens qui transportent ce cacao. Ce qui crée des difficultés pour certains importateurs burkinabè qui comptaient jusque là sur les camions ghanéens pour transporter leurs marchandises au Burkina. Une partie du parc burkinabè existant ravitaille aussi la zone rebelle de la Côte d'Ivoire. En 2002 le Burkina a perdu plusieurs milliards en recettes du fait de la crise, obligeant le gouvernement à revoir le budget national. Cette fois ci, le directeur général des douanes rassure que la crise ivoirienne n'entrainera pas trop de pertes en recettes au niveau du Burkina. Les chiffres ne donnent pas de grands écarts entre l'an passé à la même période et cette année, sur le corridor de la Cote d'Ivoire. Les bureaux de Niangoloko, de Bobo-Dioulasso et de Ouaga gare ont même connu une légère hausse en recettes par rapport à l'an passé selon le premier responsable des douanes.
Des pertes en exportation
Le Burkina ne perd pas uniquement en importation. La Côte d'Ivoire est le principal client du Burkina sur certains produits tels que le bétail, les boissons, le tabac. Le Burkina utilise beaucoup le train dans ses exportations de coton à partir du port d'Abidjan. Cela n'est plus possible avec la crise. Ce sont les autres corridors que la Sofitex utilise pour acheminer le coton. Ce qui revient plus cher à supporter comme charge. Le directeur général de la Sofitex soutient que l'utilisation des corridors autres qu'Abidjan va entrainer un surcoût de 25f par kilogramme de fibre de coton. C'est surtout par les ports de Tema et de Lomé que transite le coton burkinabè. Ces ports sont aujourd'hui encombrés. Mais ce n'est pas seulement le Burkina qui a besoin de la Côte d'Ivoire. Autant les pays de l'hinterland ont besoin de la Côte d'Ivoire, autant la Côte d'Ivoire a besoin de ces pays. En 2008, la part de recettes ivoiriennes provenant des transactions avec l'UEMOA représentait 13% selon les chiffres de la BECEAO. Le Burkina est le premier client de la Côte d'Ivoire au sein de l'UEMOA avec près de 30% des exportations vers les autres pays de la communauté. Le Burkina est aussi, l'un des principaux fournisseurs de la Côte d'Ivoire.
Moussa Zongo



12/03/2011
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