CRISE FINANCIERE : Mais que fait donc Bruxelles ?
La
lenteur des réactions des commissaires européens et du président Barroso paraît
surréaliste. Faute d'instances adéquates, l'UE assiste, hébétée, à la
restructuration anarchique du marché bancaire européen.
Existe-t-il
encore vraiment une politique européenne de la concurrence pour le secteur
financier ? La crise a totalement dépassé et submergé les autorités de cartel
de l'Union européenne (UE). Les fonctionnaires, tout à leur jeu de mikado de
seuils d'intervention et de critères de subventions, assistent aux événements comme
en état de choc. Il est surréaliste de voir la commissaire à la Concurrence,
Neelie Kroes, continuer à concentrer toute son énergie sur sa querelle avec les
"Landesbanken" [banques publiques régionales] et les caisses
d'épargne régionales allemandes. Le 1er octobre, elle a présidé à un
"examen approfondi" du plan de sauvetage de la WestLB. N'y aurait-il
pas plus important à faire, par hasard ?
Rappelons que ce qui est en jeu à la WestLB, c'est une somme de cinq milliards
d'euros. Le gouvernement de Dublin vient de garantir les dépôts des banques
irlandaises à hauteur de 400 milliards d'euros, soit plus du double du produit
intérieur brut annuel du pays. Le Premier ministre de Grande-Bretagne Gordon
Brown a réagi immédiatement, car il y voit à juste titre un dangereux
précédent. Bruxelles s'est tu. Face à cette absence des instances européennes
en temps de crise, l'idée que la zone euro est une "construction
boiteuse" prend un nouveau sens. La Banque centrale européenne (BCE)
contrôle la fourniture des banques en liquidités et veille à ce que la
circulation sanguine du système financier ne s'interrompe pas. Mais si et quand
de grandes banques sont frappées, les Etats interviennent en toute autorité
comme s'il n'y avait pas de marché intérieur européen, comme si les relations
en termes de concurrence n'étaient pas affectées. La rencontre entre grands
Etats de l'UE convoquée le 4 octobre par Nicolas Sarkozy n'y changera pas
grand-chose dans la mesure où le président français accorde plus de valeur à
l'Etat-nation qu'à des instances européennes fortes.
Charlie McCreevy, commissaire responsable du Marché intérieur et des Services,
a d'abord dû interpeller le Parlement européen afin de le réveiller, avant de
faire enfin, le 1er octobre, une proposition pour imposer des règles plus
strictes au secteur du crédit. Toutefois, dans cette crise, il n'est pas
seulement question de faillites qui menacent. C'est l'ensemble du marché
bancaire européen qui se trouve bouleversé. De la faillite des institutions
naufragées, d'autres surgissent, plus fortes. Quand l'espagnol Santander
rachète, pour la modique somme de 670 millions de livres [853 millions
d'euros], l'ensemble des succursales de la banque d'hypothèques britannique
Bradford & Bingley, d'une valeur de 20 milliards de livres, des autorités
de cartel dignes de ce nom devraient s'intéresser à l'affaire d'un peu plus
près.
Pourtant, Bruxelles passe complètement à côté de ces déraillements. Tout cela
n'est pas uniquement imputable à l'entêtement de Mme Kroes. L'UE ne dispose
d'aucune instance capable d'intervenir et disposant des ressources financières
et en personnel pour agir au bon moment. Quand une grande banque se retrouve au
bord du gouffre, personne ne se soucie de savoir si la reprise agrée ou non aux
poussifs contrôleurs de la concurrence de Bruxelles, toujours prompts à se
quereller au sujet de leurs compétences. C'est aussi en temps de crise que se
dessine l'authentique stature des responsables politiques. Il n'est donc pas
surprenant que l'on n'ait rien entendu de particulièrement éclairant de la part
de José Manuel Barroso, rappelons-le, président de la Commission européenne. Ce
qui n'est pas sain sur le plan économique car, avec les nouvelles structures
qui émergent, nous devrons vivre pendant des années, voire des décennies.
Thomas Hanke
Handelsblatt