Colombie : plus belle la vie des mouchards
Les
Colombiens se passionnent chaque jour pour une nouvelle série télévisée dont
les personnages – mafieux, policiers corrompus ou politiques véreux –
ressemblent étonnement à des gens connus.
Le dernier feuilleton à succès de la
télévision colombienne, El cartel de los sapos [en argot colombien,
“sapo”, littéralement “crapaud”, signifie “mouchard”], tient le pays en haleine
[depuis le 4 juin]. Il raconte l’histoire récente du trafic de drogue et ses
principaux personnages sont inspirés de la réalité. On y reconnaît aisément les
chefs de cartel, les politiques corrompus, les chefs de la police, les chefs
d’entreprise ou les reines de beauté qui ont marqué l’actualité récente et
compliquée de la Colombie. Cette nouvelle série diffusée par la chaîne [privée]
Caracol s’inspire du livre El cartel de los sapos, écrit par l’ancien
narcotrafiquant Andrés López.
Le récit fait d’étonnantes révélations sur de puissants chefs de la mafia qui,
il y a quinze ans, ont été mêlés aux épisodes les plus sordides du trafic de
drogue. Dès son premier épisode, la série a suscité la polémique par son
mélange de fiction et de réalité. Car si elle ne s’inspire pas en totalité de
l’ouvrage d’Andrés López, c’est bien une histoire vraie qu’elle présente sous
les atours d’un feuilleton télévisé.
Tournée à Miami, au Mexique, à Carthagène [sur la côte caraïbe] et dans les
régions colombiennes de production de café, El cartel de los sapos
relate la vie de Martín, qui, à 15 ans, travaille comme raspachín (ramasseur de
feuilles de coca) et ne tarde pas à devenir un baron de la cocaïne. Son amour
pour Sofía naît alors qu’il est déjà dans l’impasse, déjà complètement englué
dans le trafic de drogue. Au même moment débute la guerre sanglante entre les
cartels [de Cali et de Medellín], conflit auquel Martín va prendre une part active
en devenant le plus grand de tous les sapos.
Les producteurs ont eu beau clamer dès le départ qu’il s’agissait d’une fiction
inspirée du livre d’Andrés López, les Colombiens, tous milieux confondus, se
sont immédiatement passionnés pour cette intrigue qui fait revivre dans toute
sa crudité l’histoire de la lutte à mort entre les cartels [au début des années
1990], qui s’était conclue par la mort de Pablo Escobar [chef mythique du
cartel de Medellín, tué par l’armée le 2 décembre 1993]. Les acteurs ressemblent
comme deux gouttes d’eau aux mafieux, aux politiques et aux policiers qu’ils
incarnent. L’hebdomadaire Semana les a même identifiés un par un.
Les critiques ont été sévères. Le chef de la police nationale, le général Óscar
Naranjo, tout en s’efforçant d’éviter que ses propos puissent être interprétés
comme une tentative de censure, a déploré que la série ne mette pas en valeur
les victoires du gouvernement contre les mafieux et que les trafiquants soient
dépeints en stars face à des policiers véreux et tournés en dérision par les capos.
Dans El cartel de los sapos, les téléspectateurs sont très tentés de
croire que les faits présentés sont authentiques, puisqu’ils peuvent identifier
sans peine les protagonistes.
La polémique a bien sûr contribué au succès du feuilleton : l’audience s’est
envolée, dépassant même les chiffres enregistrés par Betty la fea [Betty
la moche], autre feuilleton colombien à grand succès. A ce jour, 17 pays ont
déjà acheté les droits de diffusion de la série.
Joaquim Ibarz
La
Vanguardia