C'est quoi être maire ?
L'histoire tragico comique
du maire de Gaoua donne une opportunité de parler de cette gent de nouveaux
gestionnaires à la tête de nos communes. Ici aussi, comme partout ailleurs,
nous n'avions pas d'expériences passées. Il a fallu tout inventer avec les
erreurs et les méprises grossières inévitables.
Au fond, il y a quand même des choses basiques auxquelles personne n'a prêté
attention. Pas même la hiérarchie. Ces choses basiques, les voilà:
le maire est hiérarchiquement sous le contrôle du préfet.
Depuis la révolution, le préfet burkinabè roule sur une Yamaha 100 de luxe.
Même quand les préfets cumulaient les fonctions de maire, leur condition
n'avait pas été améliorée.
Or voila que les maires, élus dans des communes, dont les ressources n'ont pas
évolué se permettent des choses interdites à leur hiérarchie.
Bien évidemment, on ne peut pas mettre sur le même pied d'égalité les deux
pouvoirs. Le premier est essentiellement administratif et le second est
politique, issu de la volonté populaire. Les maires issus de la volonté
populaire sont plus comptables de la bonne gouvernance que les préfets, simples
administratifs. A la pratique, ces derniers se révèlent encore plus soucieux de
l'intérêt public que les élus du suffrage universel.
Parce que dans ce domaine aussi, il y a l'approche par mimétisme, en l'absence
de toute disposition règlementaire de la hiérarchie. Les maires ont pris comme
exemple le député. Qu'est-ce que ce dernier a fait d'extraordinaire pour
mériter de rouler en 8X8 ? Pourquoi on permet cela aux députés, eux aussi élus
par le suffrage universel et on le refuserait aux maires ?
Ce sont des questions de fond que la gouvernance du parti au pouvoir, le
Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), le laisser aller et le laisser
faire ne permettent pas " d'adresser ", pour parler comme les
anglophones. Le CDP fait un effort extraordinaire pour conquérir les postes
politiques, ce que personne ne saurait lui contester. En revanche, ce grand
parti ne s'est jamais donné les moyens de réfléchir et de théoriser sa pratique
de la gouvernance. Quelle est l'éthique de sa gouvernance ? Que doit faire un
élu CDP et que ne doit-il pas faire ? Après les municipales dernières, il y a
eu un frémissement dans ce sens. Mais les choses ne sont pas allées très loin.
On s'en est tenu juste à la question de la gestion des parcelles dans les
communes qui avaient énormément de victimes à la première mandature. Mais c'est
tout. Les maires n'ont pas de balises qui gouvernent leurs actions à la tête
des communes. Chacun d'eux est venu avec son propre plan quinquennal de
développement.
Dans le cas particulier de Gaoua, les populations et les partis politiques sont
bien payés en retour de leur irresponsabilité. C'est une véritable coalition
" tout sauf Ouali ", le précédent maire, qui a conduit à l'élection
du maire actuel, dont personne n'ignorait la désinvolture et
l'irresponsabilité. Si tout le monde s'est rendu compte à présent que c'est un
irresponsable, c'est tant mieux. Ce serait encore mieux si Gaoua pouvait être
le point de départ d'une jacquerie contre ces maires, potentats locaux, qui
n'ont rien compris à la philosophie de la décentralisation et de la gouvernance
locale. Le maire n'est pas un député local. C'est un vrai leader local, qui dirige
un exécutif entièrement au service des populations. Le maire a plus de
responsabilité que le député. Il vit davantage de privation que lui.
Or depuis, que voyons-nous ? Les maires s'achètent des voitures de plusieurs
dizaines de millions pour des communes dont les budgets squelettiques
atteignent rarement 100 millions. Tous les maires aujourd'hui n'aspirent qu'à
cela. S'acheter des voitures de luxe pour se pavaner dans les ruelles de leur
bourgade. Aucun, ou rarement, n'a un plan de développement des infrastructures
de sa commune. Le parti ne se donne même pas les moyens de faire des contrôles
à niveau. Il faut, à notre avis, imaginer des assemblées annuelles au niveau
des partis, pour examiner la gestion des maires et leur donner des quitus. Au
niveau des partis évidemment, en attendant la sanction des populations. Mais
déjà, ce qui est survenu à Gaoua est un signal fort. NAB