Blaise/CDP : Stratégie contre stratégie !
Blaise Compaoré fait un net retour sur
le devant de la scène nationale qu'il avait semblé quelque peu abandonner à son
frère cadet ces dernières années. C'est que si François Compaoré est bon dans
les intrigues de palais, il ne semble pas de taille face aux monstres du CDP. A
la veille de la convention, le président s'est lui-même mis en scène par un don
de sang symbolique qui vaut tous les discours.
La convention a été convoquée pour un ordre du jour précis. Sur toutes les
questions attendues, aucune apparemment n'a connu de réponse officielle claire.
Sur la reforme des institutions, la question avait déjà été réglée au niveau
des instances ordinaires du parti et nous avions en son temps donné les grandes
lignes des positions du parti. Sauf donc les impératifs d'information plus
formelle des militants, ce sujet avait été vidé.
Il reste deux autres préoccupations importantes : l'une inscrite à l'agenda de
la convention et l'autre allusivement présente dans les esprits et dans les
discours, mais qui n'aura fait l'objet apparemment d'aucune résolution. La
préoccupation inscrite à l'agenda, c'était évidemment le cas des "
refondateurs ". La convention n'aura rien décidé à ce sujet. Un document
aurait été adressé au président du parti. Il n'a pas fait l'objet d'examen à la
convention qui est statutairement l'instance habilitée pour ce type de question
en dehors du congrès. Il a été décidé que des instances de niveau inférieur
examinent cette lettre des refondateurs et y donne suite. On peut même, depuis
l'interview de Emile Kaboré à San Finna, se demander légitimement si cette
lettre existe. Lui en tout cas nie l'avoir signée.
L'autre préoccupation allusivement et abondamment exprimée est évidemment la
situation de concurrence ouverte entre le CDP et la FEDAP/BC. On a entendu les
récriminations de Roch Marc Christian Kaboré, même si on ne sait pas exactement
à qui elles s'adressent. Est-ce à la presse et à l'opposition ? Rien n'est
moins sûr. Car si la presse a souvent parlé de cette affaire, ce qui a inquiété
les premiers responsables du CDP, c'est la campagne insidieuse menée à
l'intérieur du pays par les délégations de la FEDAP/BC insinuant que le
président et son frère n'étaient plus vraiment intéressés par le CDP et qu'il
fallait donc à présent tout reporter sur la FEDAP/BC. On a entendu des
consignes très claires de certains opérateurs économiques, soutiens
traditionnels du régime, demandant que l'on reporte sur la FEDAP tous les
soutiens jadis accordés au CDP. Résultat, à l'occasion de la collecte des
céréales pour les populations sinistrées, en août dernier, la FEDAP/BC dame le
pion au CDP (lire L'Evénement N° 145 CDP/FEDAP : la course à l'opinion).
On peut considérer que "les oiseaux de mauvaise augure" de Roch ne
sont pas forcément ceux que l'on croit. En cela d'ailleurs, il faut se rappeler
la mise en garde sans nuance de Achille Tapsoba, dans Sidwaya : "Ceux qui
veulent nous remplacer nous trouverons sur leur chemin". On ne peut pas
être plus clair.
Au fond, on peut considérer cette convention comme un formidable tremplin pour
recadrer les choses et réaffirmer la position centrale du CDP dans la gestion
des affaires de l'Etat. La FEDAP/BC reste une simple association de soutien au
chef de l'Etat. Ou du moins, c'est ainsi que les premiers responsables du CDP
voudraient que les choses soient vues. Vœu pieux ? Possible. Parallélisme des
formes, autant les premiers responsables du CDP ne s'étaient pas montrés à la
grande cérémonie de lancement officiel des activités de la FEDAP en avril
dernier, autant les responsables en vue de la FEDAP n'ont pas été vus aux
premières loges à la convention du CDP. La ritournelle de chacun à sa place et
le troupeau sera mieux gardé continue donc à être chantée en solo et en aparté.
On retiendra tout de même la combativité des premiers responsables du CDP, plus
que jamais solidaires dans l'épreuve. En témoigne cette mise en garde sans
équivoque de Simon Compaoré : "Salif Diallo reste le premier
vice-président du CDP ". Un renvoi de l'ascenseur au camarade Salif Diallo
qui avait dans des circonstances semblables volé au secours d'un Simon Compaoré
dont le fauteuil était menacé par les partisans de François Compaoré au
lendemain des municipales de 2006.
La réaction de
Blaise Compaoré
A quelques
jours de la convention, une opération fortuite de don de sang à la présidence
du Faso est venue réaffirmer que le président était incontournable. La convention
devait discuter des reformes institutionnelles et notamment de la reforme du
code électoral en certaines de ses dispositions. Un document confidentiel
renfermant les propositions du CDP, sur la reforme du code électoral, avait
recommandé de "faire l'économie de la visite médicale" pour les
conditions d'élections à la présidentielle. Cette opération de don de sang du
président vient comme une réponse à cette proposition. Si c'est pour moi, a
semblé dire Blaise Compaoré, ce n'est pas la peine de maintenir cette
disposition. Je suis en très bonne santé. Si je peux donner mon sang, c'est que
je suis en très bonne santé. Un malade ne donne pas son sang pour sauver
d'autres vies. Et plus, généralement le message s'adresse aux invités à la
convention. "Je vais bien. L'heure de ma succession n'a pas encore
sonné".
Ce faisant, le président se repositionne comme l'interlocuteur des patrons du
CDP et non plus, comme un président sur le départ laissant une perspective de
se faire remplacer par son frère cadet. François Compaoré ne semble pas avoir
réussi à se faire accepter comme une alternative crédible et possible face à
des monstres politiques comme le quartet qui dirige le CDP. En effet, si on a
vu Roch, Simon, Salif, les observateurs ne semblent pas avoir prêté attention à
la présence ostentatoire de Fatou Diendéré durant les assises. Si elle a du
mérite incontestable, elle pèse encore plus par le béret qui est derrière elle.
En quelques jours, le régime aura démontré les lignes de clivage qui le
traversent. L'après convention ne sera pas de tout repos. Les refondateurs sont
déjà montés au créneau pour recadrer les choses. Si l'hypothèse d'une
succession "dynastique" est momentanément mise en sourdine, Blaise
Compaoré montre qu'il est toujours d'aplomb pour continuer le "job". NAB