Afrique du Sud : des habitants des townships sont venus en aide aux immigrés
On
a beaucoup parlé de ceux qui s'en sont pris aux étrangers mais moins de ceux,
très nombreux, qui leur ont porté secours.
Parmi
les événements passés inaperçus la semaine dernière, il y a le fait que la
majorité des habitants du bidonville d'Alexandra [à la périphérie de
Johannesburg] se sont mobilisés pour empêcher une foule déchaînée de franchir
la 6e Avenue, où les violences contre les étrangers avaient commencé le
11 mai. Les agressions sont restées circonscrites entre la 1re et la
6e Avenue, soit une zone relativement limitée d'Alexandra. "C'est
pour ça qu'il n'y a eu que deux morts", explique le révérend Maurice
Malapane, qui vit à Alexandra. "Cela aurait été bien pire s'il n'y avait
pas eu les gens du quartier."
Malapane raconte que les habitants – eux-mêmes très démunis – sont
venus en aide aux victimes, en les abritant dans leurs baraques de fortune ou
leurs jardins, en leur fournissant de la nourriture et des couvertures et en
leur donnant de l'argent après les violences qu'ils ont subies. Les habitants
ont appelé la police dès que les attaques ont commencé. "C'est la
communauté qui a fait la police", résume Malapane.
Le porte-parole du Congrès national africain (ANC) pour la province du Gauteng
[dont la capitale est Johannesburg], Nkenke Kekana, raconte qu'à Diepsloot [une
township située au nord de Johannesburg], les dirigeants locaux du parti ont
physiquement tenu tête à la foule et ont "repris le contrôle de la
rue". Ils ont démonté les barricades érigées par des délinquants qui
avaient l'intention de dévaliser les gens qui rentraient à pied chez eux, les
taxis ne pouvant plus accéder au quartier. "Ça a été pareil à Thokoza,
Katelhong et Soweto. Il faut saluer le rôle joué par les dirigeants
locaux". Selon Kekana, les violences ont été d'autant moindres que le
parti est bien implanté localement. Dans des zones comme Jeppestown ou Reiger
Park – où deux étrangers ont été brûlés vifs dans la rue –, l'ANC est
bien moins implanté.
Pendant la transition démocratique, l'ANC a démantelé les comités de rues et de
quartiers, ces "organes du pouvoir populaire" qui géraient dans les
faits les townships dans les années 1980. Kekana estime que cela a été une
grave erreur. Depuis l'instauration de la démocratie, les cellules de l'ANC ont
de plus en plus de mal à rassembler un nombre suffisant d'adhérents pour
justifier leur existence. Les associations et les ONG ont également perdu le
financement et le soutien de l'Etat.
Lors de son dernier congrès, en décembre dernier, l'ANC a décidé de
"reconstruire les organes du pouvoir populaire". L'administration
locale n'étant visiblement pas aussi efficace que les comités de quartiers et
autres structures communautaires. La corruption de l'administration locale a
également été citée comme motif de tensions entre étrangers et Sud-Africains. A
la suite des violences contre les étrangers, les associations, les églises et
les bureaux politiques se sont mobilisés pour porter secours aux victimes.
Franny Rabkin
Business
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