Vol de numéraires chez François Compaoré : le faux PV qui embarrasse

Hamidou Ilboudo est poursuivi sur la base de prétendus aveux de David Ouédraogo recueillis par deux sous officiers de gendarmerie, le commandant de la brigade de recherches de Ouagadougou et son adjoint, Abdoulaye Semdé et Kontogomdé Moustapha. Par l'intermédiaire de Djibril Bassolet alors chef d'Etat-major de la gendarmerie à l'époque, ils avaient hérité de l'encombrante affaire David Ouédraogo. Mission : donner aux coups tordus des hommes du Conseil, une apparence de légalité.

Répétons ce qui est notoirement connu dans tout le Burkina. Le Conseil, cette caserne qui abrite les hommes de la sécurité présidentielle, était devenu un lieu de torture de tous ceux qui ont eu le malheur de tomber dans les mailles des hommes de Yacinthe Kafando, aujourd'hui député à l'Assemblée nationale, puis de Marcel Kafando, ex-chef de la garde rapprochée de Blaise Compaoré décédé le 23 décembre dernier. C'est en ces lieux qu'ont péri le commandant Djébré Fidèle, le professeur Guillaume Sessouma, l'étudiant en médecine Dabo Boukari. C'est en ces lieux de torture et de mort que François Compaoré avait confié ses employés David Ouédraogo, Hamidou Ilboudo et compagnie soupçonnés d'avoir volé quelque 19 millions de FCFA, soustraits parait-il de l'armoire où Salah Compaoré, l'épouse de François les avait planqués. Marcel et ses hommes devaient obtenir des aveux et récupérer l'argent volé. Ils se sont donc mis à la tâche avec le seul outil dont ils savaient se servir, la violence. Ils ont tellement forcé la dose qu'un de leurs détenus, David Ouédraogo, a fini par rendre l'âme le 18 janvier 1998. L'affaire devient embarrassante pour François Compaoré, surtout que le journaliste Norbert Zongo, informé de la détention de personnes au Conseil a commencé à en parler dans le journal L'Indépendant. Il dénonce l'illégalité de ces détentions dans le domaine présidentiel par des hommes qui n'ont pas vocation à le faire. L'affaire commence à passionner l'opinion publique surtout que la nouvelle de la mort de David est parvenue au journaliste qui s'est empressé de l'annoncer dans son journal. Nous voilà avec une affaire d'Etat, un crime commis dans le sanctuaire présidentiel en violation flagrante des règles de la république. C'est là qu'entrent en jeu nos deux gendarmes. On leur avait servi la thèse du vol, version Conseil et il leur incombait de la mettre en forme, en lui conférant les apparences légales. Les aveux qui ont été extorqués sous la torture à Hamidou Ilboudo et qui ont été enregistrés par Marcel Kafando sont transcrits et envoyés aux gendarmes qui s'en sont servis pour dresser un procès verbal. Reste David Ouédraogo décédé sous la violence de la torture. Il sera déclaré "mort de sa maladie", mais avant de mourir, il serait passé aux aveux devant la gendarmerie. Un procès verbal est établi avec la signature du défunt. C'est la thèse officielle jusqu'à ce qu'un juge d'instruction atypique découvre le manège. L'instruction qu'il engage est tellement menée dans les règles de l'art que les deux gendarmes finissent par se mettre à table : les fameux aveux de David Ouédraogo émanent d'un écrit de Marcel Kafando qui a été purement et simplement recopié par les deux officiers de police judiciaire que sont Semdé Abdoulaye et Kontogomdé Moustapha. La signature apposée au bas des prétendus aveux émane aussi des deux hommes. La Chambre judiciaire de la Cour suprême, en son audience du 2 mai 2000, se fondant sur le dossier d'instruction, dresse les constats suivants: Primo, David Ouédraogo n'a pas été détenu à la Brigade de Recherches de la Gendarmerie de Ouagadougou, mais au Conseil de l'Entente et à l'Infirmerie de la Présidence du Faso où il est mort le 18 janvier 1998 ; deusio : David Ouédraogo n'a jamais été entendu à la Brigade de Recherches, alors que ses déclarations sont contenues dans le procès verbal ; troisio : la signature de David Ouédraogo dans le carnet de la gendarmerie est une imitation. La Cour souligne que ces irrégularités sont prévues et punies par les articles 276 et suivants du Code pénal au titre de faux en écriture. L'arrêt relève enfin que le procès verbal ayant été dressé par Messieurs Semdé Abdoulaye et Kontogomdé Moustapha, respectivement commandant et commandant adjoint de la Brigade de Recherches de Gendarmerie de Ouagadougou est un faux, ils sont donc inculpés de faux en écriture ; il désigne enfin comme juridiction d'instruction, le juge d'instruction près le Tribunal de Grande Instance de Ouagadougou et comme juridiction de jugement, la Chambre criminelle de la Cour d'Appel de Ouagadougou. Nous étions en mai 2000. Dix ans après, aucun acte de procédure n'a plus jamais été posé dans le cadre de ce dossier. Alors même que les faits sont clairement établis, ce dossier est maintenu dans les tiroirs de la Cour d'appel. Ce qui intéresse le juge d'appel, c'est plutôt l'obscur dossier de vol de numéraires où, bien que les faits n'aient pas été formellement établis, on s'est empressé de le juger. Pourquoi des officiers de police judiciaire ont-ils fait un faux en écriture violant ainsi leur serment ? Qui le leur a demandé et quelle en a été la contrepartie? Ce sont là des questions qui auraient pu être éclairées dans le jugement de ce dossier. Si Semdé Abdoulaye est mort, Moustapha Kontogomdé est par contre bien vivant, et toujours en exercice. Parce que ce dossier est très compromettant pour des moghos puissants, on ne le sort pas. On a par contre le culot d'utiliser un procès verbal dressé par des hommes convaincus de faux dans le cadre de la même affaire pour juger Hamidou Ouédraogo. Parce que lui, c'est un petit qui a la malchance ou le malheur d'avoir été mis en cause par des grands. Cette justice là est assurément une menace pour la paix sociale au Faso. Germain B. Nama



16/02/2010
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