Femmes en lutte : Une volonté irrépressible de justice

Elles sont là depuis le début de la lutte. Les femmes de l'association Kebayina et bien d'autres ont montré et continuent de montrer qu'elles savent ce que c'est que l'endurance dans les luttes sociales.

Qui ne se souvient de leur passage à l'assemblée nationale, au fort moment de la crise de l'affaire Norbert Zongo? Dans une séance de sanglot qui a glacé le sang à tout le monde, ces femmes de Kebayina étaient venues dire aux députés la douleur des mères burkinabè, qui ne supportent plus de mettre des enfants au monde pour les voir immoler par une bande d'ignobles assassins incrustés dans les institutions de l'Etat burkinabè. Elles considéraient que pour mettre fin à la série, il fallait que justice soit faite dans l'affaire Norbert Zongo. Cette quête n'est pas encore réalisée, mais les femmes sont encore là, toujours plus déterminées. A ce onzième anniversaire de l'affaire Norbert Zongo, elles étaient là.
Selon la présidente de l'Association, Tara Nacanabo, c'est de façon naturelle que les femmes de son Association sont présentes à toutes les activités organisées par le Collectif des Organisations Démocratiques de Masse et de Partis Politiques (CODMPP). En plus de Ouagadougou, l'Association est représentée à Bobo, à Koudougou, à Ouahigouya et à Kaya. Et dans toutes ces villes, la même cause est défendue par les militantes de Kebayina qui compte plus de 500 femmes. Cette année comme à chaque 13 décembre, les femmes ont été remarquables aussi bien par leur nombre que par l'animation qu'elles assurent. La Chorale du Collectif dont les voix galvanisent lors des meetings est composée essentiellement de femmes. Selon Mme Nacanabo, les femmes sont avec les enfants des victimes de l'impunité et de l'injustice parce qu'ils sont vulnérables. "Norbert Zongo était le mari d'une femme" renchérit-t-elle.
Les femmes engagées connaissent des difficultés mais ces difficultés sont avant tout collectives. Des difficultés particulières, propres aux femmes, existent et sont liées notamment à la réticence de certains époux à tolérer un engagement aussi osé de la part de leurs épouses. Selon la présidente, c'est surtout dans les provinces que les femmes rencontrent le plus de difficultés à se mobiliser dans des luttes comme celle de justice pour Norbert Zongo. Avec toutes les pressions que les femmes subissent, Mme Nacanabo reconnait que la mobilisation de celles-ci a, quelque peu faiblit. Certaines Associations féminines ont même raccroché alors que leurs militantes continuent de faire chemin avec le Collectif. La date du 13 décembre est "une date sacrée" pour les femmes si bien qu'elles n'attendent pas d'être interpellées particulièrement pour y prendre part. Au delà de la date du 13 décembre, des femmes luttent au quotidien contre l'oubli et l'enterrement du dossier Norbert Zongo et ses compagnons.
Une initiative partie de Koudougou, la ville natale de Norbert Zongo, est née en 2006 après le non lieu en faveur de Marcel Kafando jusque là seul inculpé du dossier. Les femmes présentes à toutes les phases de la lutte se sont organisées contre le non lieu. Leur mouvement qui a pris le nom de Femmes en Noir, symbole du deuil, a pour objectif d'obtenir " la réouverture et l'instruction du dossier Norbert Zongo". Le rituel pour les Femmes en Noir consiste à se rendre le 1er dimanche de chaque mois au cimetière de Gounghin pour prier sur les tombes des suppliciés de Sapouy. Mme Rouamba, sœur de Norbert Zongo qui fait partie du groupe des Femmes en Noir témoigne que ces femmes ont fait le serment de ne pas manquer un seul rendez-vous au cimetière de Gounghin. Elles peuvent ne pas être à tout moment en effectif complet mais il y'a toujours des femmes qui y vont à chaque 1er dimanche du mois. Depuis sa naissance, le mouvement des Femmes en Noir, avec l'appui du Collectif, tient une veillée de prière chaque année, la nuit du 12 au 13 décembre sur les tombes de Norbert Zongo et ses compagnons (Blaise Ilboudo, Ernest Zongo, Ablassé Nikiema) et de Flavien Nébié, l'élève de Boussé fauché par les forces de l'ordre lors de manifestations en 2000 pour la vérité et la justice dans le drame de Sapouy. Pour renforcer leur nombre, elles vont souvent rencontrer des femmes d'autres Associations lorsque celles-ci ont des réunions dans les quartiers. Elles arrivent par ces contacts directs à se faire des adeptes mais le plus souvent les femmes ne cachent pas leur peur à s'engager pour une telle cause. Les difficultés de mobilisation sont les mêmes que celles évoquées par la présidente de Kebayina. Contrairement à Kebayina qui mobilise plus à Ouagadougou, c'est à Koudougou que les femmes en Noir mobilisent le plus. Dans cette ville, elles organisent des veillées de prière et rendent régulièrement visite à la maman de Norbert. En 2008, au 10ème anniversaire, les femmes en Noir étaient sur le point de faire venir des femmes d'une Association amie du Tchad mais pour des questions d'insécurité, le projet a été ajourné. Des réflexions sont en cours pour renforcer le mouvement des femmes notamment à Ouaga. Des partis politiques membres du Collectif s'étaient proposés d'envoyer chacun deux militantes pour faire partie du mouvement mais selon Mme Rouamba, cette idée n'a pas prospéré parce qu'il y'avait des risques de politiser le regroupement. Le mouvement pour sa pérennité doit être apolitique mais, poursuit Mme Rouamba, toutes les femmes peuvent y prendre part sans obligation de mandat d'une quelconque structure. Beaucoup de femmes déjà prennent part aux rassemblements des Femmes en Noir de manière spontanée. Celles qui se sont alliées au Collectif depuis onze ans montrent ainsi un exemple d'engagement féminin. Elles n'entendent pas s'arrêter tant que justice ne sera pas faite sur le crime de Sapouy. BO



06/01/2010
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