Vol de numéraires chez François Compaoré
Vol de numéraires chez François Compaoré : 5 ans de prison ferme pour Hamidou Ilboudo
Le 14 janvier dernier, l'affaire Compaoré Salah contre Ilboudo Hamidou a été appelée devant la Chambre criminelle de la Cour d'Appel au palais de justice de Ouaga 2000. Le prévenu a été reconnu coupable de vol qualifié et condamné à 5 ans de prison ferme et à 19 millions de FCFA à rembourser à Compaoré Salah, l'épouse de François Compaoré. En outre, pour le préjudice moral, il est également condamné à verser un franc symbolique.
On avait presque oublié cette affaire de vol de numéraires. En effet, depuis le jugement de l'affaire David Ouédraogo, aucun acte de procédure n'a plus, à notre connaissance, été posé concernant ce dossier. C'est donc avec étonnement et curiosité que la nouvelle du procès fut accueillie. Le jeudi 14 janvier, quand l'affaire fut appelée, Hamidou Ilboudo n'était pas présent au tribunal. Le dossier allait être refermé quand le président du tribunal se ravisa pour vérifier la présence des témoins. Ils étaient six à répondre à l'appel de leur nom. Après quelques échanges entre membres du tribunal, le président invita les témoins cités à disposer. Ces derniers ont quitté le tribunal sans comprendre vraiment ce qui s'était passé. Pour eux en effet, il n'y a pas eu de jugement. Ils sont les premiers surpris d'apprendre que le dossier a été examiné et jugé le 14 janvier et qu'un verdict en est sorti. Ils n'étaient pas les seuls. Mes Sankara et Farama que l'on sait très proches du dossier ne pouvaient rien confirmer non plus. C'est même grâce à un des témoins qu'ils avaient appris que l'affaire serait appelée le 14 janvier, et puis plus rien. Mieux, Me Farama a même vérifié les affaires inscrites au rôle ce jour, le dossier n'y figurait pas. La première surprise a été d'apprendre que l'affaire a été appelée le 14 janvier. Ils étaient pourtant convaincus que l'affaire n'allait pas être jugée, vu que les procédures en matière criminelle ont été quasiment ignorées. La deuxième surprise a été pour eux de découvrir dans le registre du parquet la mention du verdict. Devant cette curiosité, le réflexe a été de se renseigner à travers le plumitif. Il s'agit d'un document où sont consignés les différents faits qui ont marqué le jugement. Mais point de plumitif alors que d'ordinaire, il est disponible au parquet. A-t-il été intentionnellement soustrait ? La question est légitime devant les incongruités du dossier. Mais alors pourquoi a-t-on voulu coûte que coûte enrôler un dossier qui, de toute évidence, n'a pas été instruit ? Le vol qualifié est un crime qui, du point de vue de la procédure, exige une instruction. Qui a donc instruit le dossier ? Il ne semble pas, selon les informations dont nous disposons, que le dossier ait été confié à un juge d'instruction. S'il y a eu instruction, il ne peut s'agir que d'une instruction à parquet. Le procureur général peut en effet instruire lui-même le dossier. Dans le cas présent, les convocations portent la signature de Sagnon Adama, le procureur général adjoint. Il faut croire que c'est lui le magistrat instructeur. Il a eu à connaître du dossier du temps où il était procureur du Faso auprès du tribunal de grande instance de Ouagadougou. Pourquoi a-t-il réveillé ce dossier qu'il sait très compliqué ? Un procureur, ce n'est pas seulement un technicien du droit judiciaire. Ayant en charge la gestion de l'ordre public, il a une responsabilité sociale qui l'oblige à prendre en compte d'autres paramètres. Cette affaire qui a été fortement médiatisée dans le cadre du dossier David Ouédraogo, le chauffeur de François Compaoré torturé à mort au Conseil, comporte des germes potentiels de trouble à l'ordre public. Il est de notoriété publique qu'elle ne repose pas sur le droit, mais bien davantage sur l'arbitraire du prince (voir article suivant). Dans ces conditions, vouloir réveiller ce dossier ne peut que susciter des suspicions légitimes. On ne peut tout de même pas faire croire que l'on a cherché le prévenu en vain pendant 10 ans. Dix ans, c'est à peu près le temps qui sépare le dossier de crime où Hamidou Ilboudo avait comparu comme témoin, à la date de convocation du procès. Or selon toute vraisemblance, le prévenu n'a pas quitté Ouagadougou où il circule et fréquente ses relations. Manifestement, son absence à la barre arrangeait quelqu'un. Mais pour quelle raison ? Seuls les juges et ceux qui ont aidé à monter l'affaire le savent. Ce que l'on peut dire par contre, c'est qu'il n'est pas dans l'intérêt de la famille présidentielle de provoquer gratuitement une agitation sociale en année électorale. Sauf à penser que c'est l'œuvre de quelques masos qui prennent un malin plaisir à mettre le feu à la baraque. Et si c'était l'œuvre d'un "juge acquis" qui se sent abandonné et qui veut attirer l'attention sur lui ? Cette hypothèse peut trouver quelque crédit dans le manque de volonté qui a caractérisé l'instruction du dossier et son enrôlement quasi clandestin. Mais le jeu est risqué et pratiquement sans intérêt pour les plaignants. Si c'est pour récupérer les 19 millions, les Compaoré n'ont pas pu obtenir par le passé le moindre copeck, malgré le supplice du chalumeau qui a été infligé au malheureux et dont il en garde les marques indélébiles. Et on ne voit pas non plus ce que gagnent François et son épouse en expédiant un petit employé au gnouf pour cinq ans. Mais peut-être bien que le geste seul suffit ! François saura au moins qu'il y en a qui ont le souci de lui rester fidèle. Tant pis si sur le strict plan judiciaire, le coup soit en réalité foireux car dans le droit français qui nous inspire, un condamné par contumace a droit à un nouveau procès le jour où il est appréhendé. Dans ces conditions, à quoi aura servi ce branle-bas, sinon à montrer que la servilité rend bête et méchant ! Cette affaire nous fait penser à notre propre condamnation dans le dossier qui nous avait opposé au même François Compaoré. Le ministère public avait en son temps fait appel dans le but de nous contrer. Cela lui donnait en effet le moyen de geler notre action afin de conserver l'initiative. Il ne serait pas étonnant que l'on entende parler à nouveau de ce dossier, surtout qu'il demeure pendant devant la Cour d'appel, point de chute de notre principal inquisiteur depuis son éviction du TGI. Germain B. Nama