Total, coupable de pollution
Pour la première fois, la justice française a reconnu le principe de 'préjudice écologique' en condamnant, le 16 janvier, le groupe pétrolier Total pour 'pollution maritime'. En décembre 1999, le naufrage du navire Erika avait provoqué une immense marée noire, plus de 20 000 tonnes de fioul lourd se déversant alors sur 400 km de côtes françaises. 24 heures (Suisse) "Après des années de procédure à démêler les responsabilités des uns et des autres, de l'affréteur Total à l'armateur, de la société de classification au gestionnaire du pétrolier, le verdict est enfin tombé. Il est clair, il est net", se félicite Philippe Sumartheray. "Le préjudice écologique est désormais reconnu. Il a été estimé à 192 millions d'euros. C'est encore trop peu sans doute. Mais le principe du pollueur payeur a été entériné. Concrètement, les navires poubelles auront intérêt à déserter les côtes. Françaises pour l'instant. Et plus important encore, c'est toute la chaîne de navigation qui doit maintenant assumer solidairement les risques de l'état du navire, du personnel navigant et du milieu maritime. 'Plus jamais ça' était jusqu'ici un cri de désespoir. Avec le jugement de l'Erika, c'est désormais une volonté qui fera loi." Libération (France) Fabrice Rousselot souhaite que ce "jugement exemplaire contraigne enfin les acteurs du transport maritime à faire montre d'efforts et de transparence pour prévenir ce genre de catastrophes. En huit ans, l'Erika, battant pavillon maltais, contrôlé par des intérêts libériens gérés par des Italiens, affrété par une société panaméenne, avec un capitaine indien, est devenu bien malgré lui le symbole d'un secteur qui a fait de l'opacité l'une de ses règles de conduite. Des mesures ont déjà été prises sur les pétroliers à simple coque, mais il faut renforcer les contrôles, donner plus de pouvoir et de moyens à l'Agence européenne pour la sécurité maritime, (EMSA) créée en 2003. Faire évoluer la législation aussi, notamment sur la question épineuse des pavillons de complaisance. S'ils ne font rien, les pollueurs savent désormais ce qu'ils risquent." La Libre Belgique (Belgique) "Huit ans et un marathon judiciaire d'une complexité sans précédent plus tard, le tribunal correctionnel de Paris prononce un jugement qui devrait faire date", assure Xavier Ducarme. "Jusqu'ici, les victimes d'une marée noire se devaient de faire la preuve d'une perte sonnante et trébuchante pour obtenir réparation d'un pollueur. La récolte anéantie d'un ostréiculteur, l'empoisonnement d'un marais salant, la sortie en mer impossible d'une flotte de chalutiers, l'exode massif des estivants... Autant de ravages que les experts parviennent sans trop de mal à chiffrer. Mais que vaut, en euros, la mort d'une sterne, d'un goéland ou d'un macareux, la stérilité d'un fond marin, la destruction d'un paysage ? Jusqu'ici, la nature ne pouvait pas faire valoir ses droits en justice. Le jugement français semble réparer ce qui apparaissait comme une injustice, voire un déni." die tageszeitung (Allemagne) Rainer Borcherding pense que "le groupe pétrolier va certainement faire appel de cette décision. Malgré cela, ce jugement est un signal fort : même une entreprise qui externalise le transport pétrolier est responsable de la sécurité de l'acheminement. En vertu des décisions européennes sur la sécurité maritime, plus connues sous le nom de 'paquet Erika', les conditions du transport par bateau vont ces prochaines années connaitre une amélioration progressive en Europe. (...) Par ailleurs, le jugement pourrait s'avérer salutaire pour les assurances car la responsabilité des dégâts causés à l'environnement ne sera plus du ressort du pays côtier ayant subi ces dommages."