Société Générale : Les traders craignent pour leur bonus

Alors qu'elle doit annoncer, le vendredi 8 février, le montant des primes distribuées à son personnel, la banque se trouve dans une situation délicate. Il lui faut satisfaire ses actionnaires, sans décevoir ses traders les plus brillants. Nombre d'entre eux ont déjà été contactés par des chasseurs de têtes.

La perte de 4,9 milliards d'euros accusée par la Société générale a déclenché une enquête judiciaire, une enquête du gouvernement et des appels à la démission du patron de la banque, Daniel Bouton. Mais, pour la plupart des 11 000 salariés de la branche de banque de financement et d'investissement du groupe, le principal souci est de savoir si cette perte va affecter leur bonus. "C'est la question qui nous préoccupe le plus", affirme un trader de la Société générale en poste à New York.

Le bonus annuel, qui peut représenter plusieurs fois le salaire de base, est le combustible qui fait marcher Wall Street – même les mauvaises années. A la Société générale, le "jour du bonus" sera vendredi, le 8 février. Les récentes révélations ont contraint la banque à revoir à la dernière minute ses intentions. Selon des consultants en rémunération, la Société générale doit jongler avec des intérêts contraires. D'un côté, elle doit protéger ses actionnaires en réduisant les coûts. De l'autre, elle doit montrer qu'elle demande des comptes à certains responsables en amputant leur rémunération. Elle a ainsi laissé entendre que certains salariés de la branche de négoce pourraient être déçus. Mais si la banque va trop loin dans la diminution des bonus, elle peut froisser l'ego des traders et des investisseurs – au risque de provoquer des départs en masse. Selon certains recruteurs, de nombreux salariés envisagent d'ores et déjà de quitter le navire. Rogier Elsenburg, un chasseur de têtes du secteur financier qui travaille chez Huxley Associates, à Amsterdam, reconnaît que son entreprise a été contactée par des dizaines de salariés de la banque française en quête d'un nouvel emploi.

Le bonus n'est pas leur seul souci. Beaucoup craignent que le scandale actuel n'entraîne un rachat de la banque. BNP Paribas envisagerait déjà de faire une offre, et la chute de la valeur de l'action Société générale (qui a perdu 40 % en un an) pourrait également séduire des concurrents étrangers. "Certains salariés redoutent une prise de contrôle, observe M. Elsenburg. Au lieu d'attendre que la fusion ait lieu et de se trouver en concurrence avec un candidat interne plus qualifié ou moins cher, ils essaient de trouver un nouvel emploi par eux-mêmes."

La branche de banque de financement et d'investissement – source des pertes de la Société générale – était la star du groupe ces dernières années, rapportant à elle seule 13 % du chiffre d'affaires. Elle compte certains des salariés les plus convoités du groupe, comme les traders chargés de produits dérivés d'une grande complexité. En 2007, cette branche a accumulé 2,3 milliards d'euros de perte, contre 2,3 milliards de bénéfice en 2006.

"C'est le pire des scénarios pour déterminer le montant des rémunérations", estime Alan Johnson, le patron de Johnson Associates, une société new-yorkaise de consultants en rémunération. "A la fin de l'année, on découvre d'énormes problèmes et on ne sait pas quoi donner aux salariés." D'après lui, vu l'incertitude qui plane sur les bonus et sur l'indépendance future de la banque, "tous les recruteurs du monde ont sous la main les numéros de téléphone de ces traders."

Gabriel Kahn et Cassel Bryan-Low
The Wall Street Journal Europe



07/02/2008
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