Sida : George W. Bush, un héros pour l'Afrique

En visite officielle dans cinq pays d'Afrique, le président américain sera bien accueilli par les médecins et les associations qui luttent contre le sida. Grâce à lui, des millions de malades bénéficient d'un traitement et d'un accès à l'éducation.

Elles ne constituent peut-être pas l'électorat naturel de George Bush, mais les prostituées du Rwanda ne tarissent pas d'éloges sur lui. Il en va de même des pauvres d'Afrique du Sud, abandonnés par un gouvernement naïvement idéaliste, et des médecins un peu partout en Afrique, qui considèrent par ailleurs le président américain comme un crime contre l'humanité ambulant. Lors de sa visite officielle dans cinq pays d'Afrique qui a lieu cette semaine, Bush sera bien accueilli, en particulier pour une initiative qui est passée inaperçue en dehors de ce continent mais qui a changé la vie de plus d'un million de personnes séropositives.
Le Plan d'urgence du président pour la lutte contre le sida (PEPFAR), doté d'un budget de 15 milliards de dollars [10,2 milliards d'euros], entre dans sa cinquième année. Il est perçu comme une "révolution" dans le secteur de la santé en Afrique et il a été applaudi comme le programme d'aide humanitaire le plus important depuis la fin du colonialisme.

Le docteur François Venter, président du HIV Clinicians Society, en Afrique du Sud, où le PEPFAR fournit des antirétroviraux à 200 000 personnes, est l'un de ces nombreux médecins spécialisés dans la lutte contre le sida qui louent Bush de manière presque incrédule. "Je n'en reviens toujours pas. Ce type a du sang sur les mains en Irak et pourtant c'est bien lui qui a mis en place cette initiative audacieuse. Et c'est grâce à lui que tant de vies sont épargnées ici. Avoir réussi à intervenir à une si grande échelle et à changer les choses à ce point, c'est vraiment extraordinaire", affirme-t-il. Le PEPFAR a été lancé en 2004 avec pour objectif de fournir des médicaments et des soins aux 19 millions de personnes séropositives en Afrique et dans les Caraïbes. Il fournit déjà des antirétroviraux à 1,4 million de personnes et ce chiffre devrait encore augmenter de manière spectaculaire si, comme on l'espère, le Congrès américain double le budget du programme cette année. Les personnes en première ligne de la lutte contre le sida expliquent qu'alors que d'autres organisations comme le Fonds mondial de lutte contre le sida et la Banque mondiale financent elles aussi les trithérapies, le programme américain doit son succès au fait qu'il combine un important financement des médicaments à une politique d'assistance qui ne s'arrête pas aux personnes touchées par le VIH. Le PEPFAR fournit des équipements médicaux et forme du personnel médical. Son action va même jusqu'au cœur des foyers touchés par la maladie avec des programmes de scolarisation pour les enfants et de soutien pour aider les séropositifs à continuer à travailler.

Bush s'est attaqué à cette pandémie sous la pression de son secrétaire d'Etat de l'époque, Colin Powell, qui l'avait mis en garde contre les ravages que risquait d'entraîner le sida dans certains pays du continent. Pour lui, il s'agissait d'un problème de sécurité nationale. C'était aussi l'avis de la CIA. Bush a également agi sous la pression des lobbys évangéliques américains, qui tissent des liens toujours plus forts avec l'Afrique, et des sénateurs républicains conservateurs, habituellement hostiles à toute aide aux pays étrangers. Au Rwanda, le docteur Agnès Binagwaho, responsable du Conseil national de lutte contre le sida, explique que c'est en grande partie grâce au programme américain que le nombre de Rwandais sous traitement a été multiplié par dix ces quatre dernières années, atteignant presque 50 000 personnes. Aujourd'hui, environ 70 % des Rwandais qui ont besoin d'un traitement en bénéficient. "Le résultat est important. L'espérance de vie moyenne des Rwandais a augmenté de quatre ans grâce au PEPFAR, explique-t-elle. Le résultat est également très important dans le secteur de la santé à cause des équipements fournis et de la formation. Et puis les enfants vont à l'école grâce à ce programme."

Mais le PEPFAR fait l'objet de critiques virulentes à cause de son programme de prévention dit AFP (Abstinence, Fidélité, Préservatif), qui insisterait trop sur les deux premiers points au détriment du troisième. Les démocrates du Congrès souhaitent que la référence à l'abstinence disparaisse de ce programme. Et ils en font la condition du renouvellement du PEPFAR, qui doit être voté en 2008. Pour les personnes qui sont sur le terrain, cette obsession de la chasteté est absurde, mais elle n'aurait n'a pas vraiment de conséquences puisque la majorité des programmes gouvernementaux sur place insistent sur l'utilisation du préservatif.

Chris McGreal
The Guardian



16/02/2008
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