Sergent Naon Babou et la magnanimité du chef de l'Etat

Naon Babou à comparu devant un tribunal militaire au motif qu'il voulait, de mèche avec d'autres militaires, fomenter un putsch. Après un procès qui a révélé un malaise dans la grande muette, du fait des frustrations accumulées, Naon et certains de ses compagnons ont été condamnés à des peines de prison ferme. Les autres ont depuis lors bénéficié d'une grâce du chef de l'Etat.

L'ex-sergent Naon Babou croupit toujours en prison. En octobre, il aura 5 ans dans la geôle de Nioko. Pour avoir tenté de conspirer contre la sûreté de l'Etat, selon le tribunal militaire, il avait en octobre 2004 écopé d'une peine de 6 ans d'emprisonnement ferme. Avec d'autres compagnons d'arme, ils ont tous été conduits à la Maison d'arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Certains des conjurés ont été libérés quelques temps après. Le concepteur de la "compaorose", cerveau de la "conspiration", Luther Ouali Diapagri lui s'est fait la belle et reste depuis introuvable. Seul Naon est encore en tôle. La cavale de son codétenu Ouali a conduit à durcir ses conditions de détention. Il n'avait plus accès à la cour de la prison ni aux soins. Il a fallu l'intervention énergique de son médecin traitant, Pierre Bidima, pour que les choses évoluent un peu. Qu'en est-il actuellement ? La santé du sergent s'est relativement améliorée. Le 7 septembre dernier, nous l'avons rencontré à la MACO, Il avait bonne mine, son abondante barbe bien soignée, son habillement tranche avec les autres prisonniers. Ses vêtements ne coûtent pas une fortune, mais ils sont bien propres. Il ne donne pas l'allure indigne d'un " bagnard " résigné. Malgré les épreuves, le sergent a toujours un sourire radieux. C'est peut-être une manière d'étouffer les supplices de la geôle ou de contrer l'adversité de ceux qui l'ont mis dans cette situation. Sur sa santé, il avoue qu'il a des sinusites, une pathologie qu'il n'avait jamais contractée de sa vie. Ce sont certainement les difficiles conditions de détention qui ont occasionné ces maux. L'intérieur du grand bâtiment de la prison qui sert de dortoir pour les détenus leur sert en même temps de cuisine. Le charbon y est abondamment utilisé, d'où la fumée polluante. Ces aléas ont contribué à détériorer sa santé, indique-t-il. La Justice militaire constituerait une sorte de bourreau pour Naon. Son premier responsable aurait toujours été à l'avant poste pour le durcissement des conditions du détenu. Rien ne serait fait pour soulager le prisonnier si ce n'est l'utilisation des méthodes draconiennes. On susurre dans le milieu des soldats qu'un officier influent de la hiérarchie militaire y serait pour beaucoup dans le maintien de Naon en prison. Parce qu'on lui aurait demandé d'écrire une lettre pour lui demander pardon. Le dernier des conspirateurs d'octobre 2003 à Nioko aurait refusé. Pour la situation de sa famille, c'est Dieu et les bonnes gens qui pourvoient en pain à sa femme et à ses enfants.

Depuis son inculpation jusqu'à sa condamnation, il n'a plus eu de solde. Alors qu'il a une femme et 6 enfants dont la plupart vont à l'école. L'année passée, dit-il, c'est l'aumônier de la MACO qui s'est battu pour trouver un parrainage à ses enfants. C'est ce qui leur a permis d'aller à l'école. Deux d'entre eux ont été confiés à un de ses frères à l'intérieur du pays, mais cette année, ils ont manifesté le désir de revenir à Ouagadougou. C'est son épouse Aya Naon née Guel qui lui apporte la nourriture en prison. Le déplacement, indique Aya, n'est pas facile : "Je ne suis qu'une ménagère. Avant je vendais de l'eau, ces temps-ci ça ne marche plus. Alors qu'il faut se déplacer avec un engin."
Elle reconnaît également les difficultés de la gestion familiale en absence du chef de famille. "Les enfants sont éduqués par la femme et l'homme. Quand un des deux n'est pas à côté, c'est la croix et la bannière." Elle se rend, malgré les difficiles conditions de déplacement, 3 fois par semaine à la MACO auprès de son époux pour le réconforter moralement et lui faire le point de la situation en famille. L'hivernage est une période propice pour le paludisme et les enfants ne tardent pas à tomber malade. Madame Naon a des soucis. " Il y a des moments où les enfants sont malades. Bien que les gens nous viennent en aide, on ne peut pas passer le temps à les importuner ", assure-t-elle. Souvent, elle est obligée de faire face à la situation fâcheuse et garder son mal en patience. Le petit Basile Naon, le dernier de la famille qui a souvent l'opportunité de suivre sa maman pour ses visites en prison, a dit à son père de revenir à la maison. Autrement, il prendra ses effets pour le rejoindre à la MACO. Pour le moment, le papa bien aimé est entre les mains des seigneurs du moment.
Le capitaine Bayoulou et le caporal Bassana qui ont écopé, à peu de chose près, de la même peine que Naon Babou, ont été libérés par une grâce présidentielle. Naon et Ouali dont les avocats avaient convaincu de retirer les pourvois en cassation pour bénéficier de la magnanimité du président du Faso le 30 mars 2005 ont été floués. Ouali a pu se sauver. Naon semble être le seul à trinquer. Pourquoi ne peut-il pas bénéficier des largesses du président ? D'aucun pensent que l'affaire Norbert Zongo dont on accuse la famille présidentielle y est pour quelque chose. Dans ce cas, le président du Faso est injuste. Cet acharnement a un fort relent de règlement de compte. L'affaire Zongo hante toujours le sommeil de ceux qui ont mis Naon en tôle.
M.N.Z.



16/09/2008
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