Conseil constitutionnel : Idrissa Traoré : un Président cleptomane

En cinq ans, Idrissa Traoré a dirigé le Conseil constitutionnel en véritable voyou. Le juge constitutionnel qu'il a été ne se préoccupait pas de la loi, mais de l'ordre politique. Il n'avait pas d'égard pour la procédure de dépense, mais du prestige de l'institution qu'il dirigeait. Il s'est tout permis, allant jusqu'à tailler un rôle et des droits pour son épouse au nom d'une obligation protocolaire inscrite nulle part. En cinq ans, il a géré, comme il le voulait, plus d'un milliard de francs cfa, dont on ne trouve nulle part les pièces justificatives. Le plus grand scandale de la république qui apparemment ne fera l'objet d'aucune poursuite.

De toutes les mal gestions dénoncées par la Cour des comptes, à l'occasion de ses rapports, celle du premier président du Conseil constitutionnel burkinabè, Idrissa Traoré, est sans aucun doute la plus scandaleuse et la plus inadmissible. Parce qu'il s'agit justement du gardien de la loi, du droit et de l'éthique démocratique. Or pendant ses cinq ans passés à la tête du Conseil constitutionnel, Idrissa Traoré n'a eu de respect pour rien, en tout cas pas pour la loi et le droit.
Au niveau administratif, ce fut une gestion à vue. Les contrôleurs de la Cour des comptes ont fait le constat suivant : "l'absence de règlement intérieur au niveau du Conseil constitutionnel". Sans loi ni foi, le président, troisième personnage de l'Etat, s'est solidement installé à la tête du Conseil constitutionnel avec un seul souci, celui du "contexte" qui devrait remplacer la loi et les normes puisque pour lui "à circonstances exceptionnelles, il faut des solutions exceptionnelles".
Durant son mandat de 2002 à 2007, le président Idrissa Traoré a géré cinq élections pour lesquelles il a reçu les budgets suivants selon le rapport de la Cour des comptes (voir tableau ci-dessus).

Situation d'exécution des budgets des élections :

Pour ces élections, le Conseil constitutionnel a reçu au total un milliard quarante deux millions deux cent vingt cinq mille francs. Il a dépensé près de neuf cent quarante millions. Mais au contrôle, le président ne pouvait rien justifier. Il n'y avait ni justificatifs pour les neuf cent millions dépensés, encore moins pour le reliquat d'environ quatre vingt dix sept millions. Voilà la conclusion du rapport de la Cour des comptes. A ce propos, "La Cour relève d'une part, que les états de reversement des soldes d'exécution budgétaire n'ont pas été mis à sa disposition, d'autre part, que les différents déblocages de fonds pour les élections n'ont pas été justifiés auprès de l'ordonnateur délégué, comme le prescrivent les décisions de déblocages". A ce propos, voici les explications du DAAF de l'époque: "l'absence de factures s'explique par des problèmes de manipulation et de rangement qui ont engendré leur égarement". Carrément ! On ne peut pas être plus désinvolte.
Il va de soi que celui qui ne peut pas justifier les dotations régulièrement données pour réaliser des activités ne le fasse pas également pour une dotation dite "spéciale" sur la même période et sur un compte trésor (N° 0001 457 0398/02) destiné à recevoir des fonds spéciaux. Sur les cinq ans de son mandat, ce fonds a reçu au total 90 millions de francs CFA. Quand le président quittait ses fonctions, il restait seulement sur le compte 33 millions de francs CFA. Idrissa Traoré a donc dépensé plus de 56 millions. Quand le président de la Cour des comptes lui a demandé de justifier les dépenses, il est tombé des nues. Idrissa Traoré explique que le ministre des Finances de l'époque, Jean Baptiste Compaoré, lui a certifié que "ces fonds spéciaux ne sont pas à justifier". Cette assurance du ministre des Finances a laissé les bribes libres à Idrissa Traoré qui n'en demandait pas plus. Alors quand il est invité à l'investiture de Idriss Déby, il tente dans un premier temps de faire financer le voyage de son épouse et de lui-même à Djamena par les services du Trésor. Cet engagement est refusé par les services techniques des Finances. Il s'en ouvre au ministre des Finances qui lui suggère de faire supporter cette dépense par les "Fonds spéciaux". C'est ce qu'il a fait. Mais combien a-t-il puisé pour ce seul voyage ? Il n'y a pas de pièces justificatives. Comme le ministre lui a assuré que les fonds n'étaient pas à justifier, expliquera-t-il plus tard, dans sa lettre adressée au président de la Cour des comptes : "je n'ai jamais pris la précaution de me munir de justificatifs. Aussi à l'heure actuelle, je ne suis pas en mesure de les réunir". Lorsque les contrôles de la Cour des comptes ont commencé et que les choses se sont corsées, Idrissa Traoré s'est mis alors à courir derrière le ministre des Finances, pour savoir s'il y avait un texte exemptant la justification des dépenses sur "le Fonds spécial". Il a couru partout sans trouver ce texte. Et pourtant, assure-t-il au président de la Cour des comptes, quand j'ai vu le ministre des Finances à son bureau le 06 février 2008, après avoir reçu votre lettre, "il m'a fait savoir que la question est réglée par un décret. Mais ce jour, il n'a pas pu me remettre un exemplaire. Il m'a promis de me le faire porter. Mais avant de nous séparer, monsieur le ministre a ajouté qu'il préfère laisser Monsieur le Premier ministre m'annoncer officiellement la bonne nouvelle. J'ai en conséquence demandé une audience à Monsieur le Premier ministre par l'intermédiaire du service du protocole de la primature. J'ai attendu. J'ai relancé le protocole une deuxième fois…Mais jusqu'à ce jour, je n'ai toujours pas obtenu l'audience auprès de Monsieur le Premier ministre." Voici un gardien de la norme qui s'est transformé lui-même en "mendiant de faveurs" auprès de ceux-là qu'il était censé contrôler. Dans cette affaire, deux aspects montrent le caractère complètement désinvolte et irresponsable de l'ancien président du Conseil constitutionnel. Dans un premier temps, il prend pour argent comptant les incitations d'un membre de l'exécutif qui le pousse à la faute. Dans la nomenclature des finances publiques, il n'existe pas de l'argent qui ne doit pas être justifié. Les exhortations itératives du ministre des Finances auraient dû réveiller sa méfiance. La preuve, quand la situation s'est compliquée pour lui, le ministre des Finances ne l'a plus reçu: "j'ai cherché à revoir Monsieur le ministre des Finances, je n'ai jusqu'à présent pas pu le rencontrer étant en mission ou ne décrochant pas son téléphone".


Dans un deuxième temps, il est quand même curieux, pour un président d'une institution dont l'existence est complètement vouée à veiller scrupuleusement sur le respect de la norme de droit, de s'engager dans une affaire sans s'être au préalable assuré qu'il existe un texte de loi qui l'autorise. Les paroles du ministre des Finances ne sont pas la loi. Il semble qu'en la matière, un décret existe, mais il ne dispense pas, contrairement à ce qu'on a pu dire à l'ancien président, du devoir de justifier l'utilisation des Fonds spéciaux. Un décret pirate, qui n'a jamais été enregistré au Journal officiel, serait en circulation. Ce décret pirate d'adoption plus récente abrogerait les dispositions du décret de 2003, mais ne serait pas rétro actif. Donc dans tous les cas, Idrissa Traoré est dans de sales draps. C'est ce qu'il reconnaît lui-même, en répondant à la Cour des comptes :"Mais entre temps, j'ai pu récupérer auprès du secrétariat particulier de Monsieur le ministre des Finances, le décret dont il m'a parlé. En lisant, j'ai été surpris de savoir qu'il abroge un décret qui date de 2003 et qui imposait au président du Conseil constitutionnel et au président de l'Assemblée nationale de justifier les fonds spéciaux… mais qu'il ne semble pas rétroactif".

C'est ce monsieur là qui a veillé cinq ans durant sur la régularité des élections dans notre pays, qui a reçu le serment du président du Faso à l'occasion de son investiture, qui a présidé et qui a tranché le débat sur oui ou non Blaise Compaoré pouvait se présenter en 2005, après la restauration de l'article 37 originel de la Constitution qui limitait le mandat présidentiel à deux. C'est lui aussi qui a veillé pendant cinq ans sur la conformité de nos lois avec la constitution. Son dernier fait de guerre a été son implication, non désintéressée, dans l'affaire EROH-BIB. A ce propos, rappelez-vous juste ce soupir de Blaise Compaoré, rapporté par Germain Nama, à propos de Idrissa Traoré : "ce type est un danger pour les institutions". Seulement Blaise Compaoré ne peut pas dire qu'il a été surpris. Il n'a pas nommé Idrissa Traoré par hasard. Germain Nama dans "Comment Idrissa Traoré est devenu un danger public pour Blaise Compaoré" (L'Evénement N°124 du 25 septembre 2007) rappelait les évidences qui ont présidé à cette nomination "Idrissa Traoré est le premier président du Conseil constitutionnel désigné par Blaise Compaoré. Vu l'importance du poste, il n'y a pas de doute que son choix a été bien mûri. Ce dernier (Idrissa Traoré) en avait certainement conscience si on en juge par sa gestion désinvolte du Conseil". Les choses ont-elles changé depuis ? Il semble que non. Le remplaçant de Idrissa Traoré, nommé selon les mêmes critères, serait entrain de le faire regretter. NAB

 

 

Fauteuil Louis XIV pour le président Idrissa Traoré

A l'occasion de la présidentielle de 2005, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) a accordé une subvention au Conseil constitutionnel de 16 300 000 F pour l'aider dans l'organisation des élections. Voilà ce qu'en a fait Idrissa Traoré, c'est lui-même qui explique : "Après les dépenses, un reliquat s'est dégagé. J'ai annoncé aux membres que j'avais l'intention de demander au DAAF de l'utiliser pour équiper les bureaux de chacun d'entre eux d'un salon en cuir, un poste de télévision, un mini bar et d'un ordinateur portable et celui du président (Idrissa Traoré lui-même) d'un salon style Louis XIV, d'un salon en cuir pour les audiences, d'un poste téléviseur et d'un bar". Coût total de cette petite gâterie présidentielle, 16 millions de francs cfa. C'est-à-dire en réalité la totalité de la subvention de l'OIF. NAB

 

 L'Epouse du président avait un véhicule fond rouge et des bons d'essence Selon les investigations de la Cour des comptes, l'épouse de Idrissa Traoré avait une voiture spéciale fond rouge qui lui était affectée. Il s'agit de la voiture immatriculée 11 A 5101 BF. Cette voiture bénéficiait d'un ravitaillement régulier en carburant. En réalité mieux que ça, l'épouse du président avait droit à une dotation en carburant spécialement. Quand elle ne pouvait pas venir en prendre possession, c'est le chauffeur qui le faisait en son nom et parfois son président d'époux lui-même. Plusieurs décharges en son nom et signées soit d'elle-même, soit du chauffeur, soit du président ont été découvertes. Le montant de ces bons s'élève à plus de 1 985 000 F CFA. Idrissa Traoré justifie cette dotation spéciale par les obligations protocolaires de son épouse. Selon lui, il défendait "le prestige du Conseil constitutionnel en ne laissant pas dire que l'épouse de son président ne vaut pas son rang". NAB

 

Le président transporte 24 millions de francs cfa en espèces à Dakar

Dans un marché passé par la procédure du gré à gré, un informaticien sénégalais est retenu. Le président du Conseil constitutionnel, pour l'inciter à aller vite et à tenir les délais de la présidentielle de novembre 2005, transporte carrément la rondelette somme de 24 millions dans sa mallette jusqu'à Dakar pour effectuer le paiement contre une simple décharge manuscrite. Quand la Cour des comptes lui fait savoir qu'au terme du décret 2005-257/PRES/PM/MFB, le paiement des dépenses est obligatoirement fait par virement bancaire, quand le montant est supérieur ou égale à 100 000 F CFA, Idrissa Traoré répond que "s'il fallait respecter la procédure, l'élection présidentielle allait être reportée et cela, on me l'aurait reproché en me disant que j'aurai dû tenir compte de l'intérêt national comme l'a fait le ministre des Finances". Après une telle explication, on reste forcément sans voix. Le Conseil constitutionnel qui doit veiller au respect et à la régularité des procédures dit qu'on peut s'en passer, surtout quand l'exécutif n'en a pas tenu compte. Tout le contraire de l'attitude du juge constitutionnel béninois qui a été rappelé par Idrissa Traoré lui-même. En 2005, les députés béninois prétextant qu'il n'y avait pas d'argent pour organiser les législatives ont adopté une loi prorogeant leur mandat. Le juge constitutionnel a annulé cette loi qu'il a déclarée anti constitutionnelle. Il y a fort à parier que si Idrissa Traoré avait été saisi pour les mêmes motifs, il aurait tenu compte des considérations politiques, pour qu'on ne vienne pas après lui dire qu'il aurait dû tenir compte de l'intérêt national, surtout quand le gouvernement est d'accord avec la décision des députés. NAB



01/02/2010
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