Sarkozy en trois actes
Un
an après avoir appelé à voter pour lui, The Economist tente un premier
bilan de l'action du président français. Le verdict ? Peut beaucoup mieux
faire…
Pour
résumer un an de présidence Sarkozy, The Economist use de la métaphore théâtrale.
Selon l'hebdomadaire britannique, il y aurait eu trois actes bien remplis. Le
premier serait celui du "président électrisant". C'est l'immédiat
après-victoire, lorsque Sarkozy courait à Manhattan en tee-shirt, quand il
composait un gouvernement féminisé, rajeuni et où les "minorités
visibles" occupaient des responsabilités inédites. C'est l'époque des
réformes rondement menées (autonomie des universités, régimes spéciaux de
retraite, minitraité européen) et du franc parler.
L'acte II, toujours selon The Economist, est beaucoup moins flatteur :
c'est celui de l'humiliation. Une période sombre de divorce express,
d'exhibitionnisme vacancier, de yachts luxueux et d'un remariage qui a plus
alimenté la presse du cœur que les chroniques politiques. C'est l'époque de la
plongée des sondages en eaux (très) profondes et du fameux surnom qui depuis
lui colle à la peau : le "président bling-bling".
Le troisième acte vient, lui, à peine de commencer. C'est l'ère de la
présidentialisation du président. D'un coup, les costumes se sont faits plus
sages, les inaugurations solennelles se sont multipliées, et l'on a même pu
entendre celui qui ne doute de rien s'excuser en direct à la télévision pour
des "couacs" que lui et son gouvernement auraient commis.
Pourtant, ajoute l'hebdomadaire britannique, il est difficile de juger un homme
d'Etat en un an d'exercice du pouvoir. "Margaret Thatcher n'a commencé à
privatiser ou à affronter les syndicats qu'au début de son second mandat. Et,
pour être tout à fait juste, il faut dire que Nicolas Sarkozy a plus réformé en
un an que son prédécesseur en douze". Même si "ces réformes sont
moins radicales qu'attendu".
The Economist prend pour exemple le marché de l'emploi. "La seule
nouveauté de l'accord passé entre patrons et syndicats est la possibilité d'une
séparation à l'amiable entre le salarié et son employeur. Aujourd'hui, 30 % des
licenciements finissent devant les prud'hommes et 70 % des jugements sont
défavorables aux entrepreneurs. Mais la réforme laisse de côté deux contraintes
bien plus fortes du marché français du travail : les règles qui empêchent de
licencier lorsque l'entreprise fait des bénéfices et la semaine de 35
heures."
Le problème est qu'il y a encore beaucoup à faire et que "le président ne
peut plus compter sur sa popularité pour passer outre les conservatismes".
De plus, "la situation internationale rattrape la France et réduit ses
marges de manœuvre. La promesse de Sarkozy de réduire le poids de la dépense
publique semble déjà passée par pertes et profits."
Enfin, il y a cette exception française qui rend tout difficile : "Alors
que la France compte quelques-unes des entreprises les plus mondialisées de la
planète, les Français continuent de craindre la mondialisation. Un récent
sondage montre que seuls 41 % d'entre eux jugent positivement l'économie de
marché, contre 59 % des Britanniques. En clair, les Français ont besoin qu'on
leur explique que la France n'est pas seulement victime du capitalisme
globalisé, mais qu'elle en est bien un des principaux bénéficiaires."
Le conseil de The Economist ? "Ecouter son ami Tony Blair qui, en
2005, après huit années passées à Downing Street, expliquait que lorsqu'il
repensait à ses réformes, il s'en voulait toujours de ne pas avoir été plus
loin."
Anthony Bellanger