Quand les Ceausescu faisaient la fête
Elena
et Nicolae étaient tous deux nés en janvier. Chaque année, la vie s'arrêtait
alors à Bucarest pour célébrer les "plus aimés du peuple roumain".
Souvenirs.
Dans
les dernières années du régime, le mois de janvier se passait entièrement sous
le signe des dates d'anniversaire de Nicolae et d'Elena Ceausescu : elle le 7
janvier, lui le 26. Les journaux écrivaient jusqu'à saturation sur les
festivités officielles pour célébrer les "plus aimés du peuple
roumain", mais peu de gens étaient véritablement au fait de ce qui se
passait en coulisses. Faute de revues glamour et de paparazzis, le "peuple
ouvrier" ne pouvait apprendre que par la rumeur les détails de ces agapes
qui paralysaient tout Bucarest. Après 1990, les invités de ces fêtes élitistes
sont devenus plus bavards à propos des habitudes du couple Ceausescu.
Au début, les festivités autour des Ceausescu ne duraient que quelques jours.
Mais, petit à petit, ces anniversaires sont devenus les fêtes les plus
importantes du calendrier laïc et athée du régime communiste. Avec le temps,
les festivités ont occupé tout le mois de janvier et une partie de février. Le
Conducator et sa femme atteignaient un âge "rond", signalé comme tel
sur la première page du quotidien Scanteia [L'étincelle] : "Cinquante-cinq
ans de vie et quarante ans d'activité dans le mouvement communiste." Cette
pratique s'est enrichie chaque année de nouveaux rituels, devenant
graduellement un fardeau pour tout le pays.
Au-delà des festivités officielles consignées par la presse du régime, les
Ceausescu festoyaient "en famille", mais pas à la maison. "Les
fêtes privées étaient organisées dans une villa au bord du lac de Snagov [à 25
kilomètres de Bucarest, dans une banlieue résidentielle], juste en face du
domicile du couple présidentiel", se rappelle Suzana Andreias, la femme de
chambre des Ceausescu. "En règle générale, ils se divertissaient avec des
camarades du Parti, ils ne recevaient pas n'importe qui. Quand ils ont approché
la soixantaine, ils ont commencé à fêter leurs anniversaires à la maison,
poursuit-elle. Ils avaient l'habitude de danser ensemble, plutôt bien
d'ailleurs."
Ils adoraient les airs de Gica Petrescu [un chansonnier populaire]. Quant à
leurs goûts culinaires, ils étaient assez proches de ceux du Roumain ordinaire.
"Leurs repas festifs n'avaient rien à avoir avec les raffinements
culinaires actuels", écrit Mihaela Moraru, nièce de Nicolae Ceausescu,
dans ses mémoires. "Ils n'aimaient pas les fruits de mer, mais les plats
traditionnels, les choux farcis [sarmale], la poule au pot, la tête de veau
persillée, la salade de bœuf à la mayonnaise… Si ces plats venaient à manquer,
c'était la catastrophe. Nicolae Ceausescu aimait tout spécialement les
préparations à base de poisson : ciorba [soupe] de poissons, salaisons… Mais il
avait une grande passion pour les sarmale. Comme boisson, il y avait du vin
blanc et de l'eau-de-vie de prune sucrée."
"Tante Lenuta buvait de temps en temps des liqueurs pour dames, mais elle
ne se saoulait pas", raconte encore Mihaela Moraru. Ce qui n'était pas le
cas des frères Ceausescu, qui, après avoir bu, aimaient pousser la
chansonnette. "Leur chanson préférée s'appelait Spune, spune, mos batran
[Raconte, raconte, vieillard]. Ils se prenaient tous par les épaules et
chantaient ensemble. C'était un brouhaha indescriptible qui leur plaisait
énormément – mais à eux, et à eux seuls."
Cristina Diac, Paula Mihailov Chiciuc
Jurnalul National