Procès Saboteur contre L'Observateur : 600 00 F CFA requis contre le journal
Procès Saboteur contre
L’Observateur : « Il n’y a pas de pardon entre Lassina et moi »
« Lassina Traoré à Saboteur :
Comme ton nom l’indique, c’est la pagaille qui t’arrange ». C’est sous ce
titre que Lassina Traoré, 2e vice-président de l’Union nationale des supporters
des Etalons (UNSE), a publié le 6 novembre 2007, dans les colonnes du quotidien
L’Observateur Paalga, une tribune polémique contre l’ex-entraîneur des Etalons,
Idrissa Traoré dit Saboteur.
Pour ce dernier, cet écrit
n’est en fait qu’un pamphlet truffé d’injures, un fatras de mensonges tendant à
le présenter sous la couture d’un homme qui instrumentalise des enfants et des
supporters dans le but de satisfaire des intérêts égoïstes au détriment du
football national. Pour toutes ces raisons, il a invoqué les dispositions du
code de l’information (articles 109, 112 et 113) et du code pénal (articles 361
et 362) pour intenter ce procès contre Lassina Traoré.
Seulement, en matière de
presse, la législation dispose que c’est le journal ayant publié l’article qui
est le principal prévenu tandis que l’auteur (Lassina) n’est appelé à la barre
que comme complice.
Par exploit d’huissier,
L’Observateur, à travers son directeur de publication, Edouard Ouédraogo, et
Lassina Traoré ont donc été cités à comparaître devant la chambre
correctionnelle du Tribunal de grande instance de Ouagadougou pour répondre des
chefs d’accusation de diffamation et de déclarations injurieuses. Devant le
tribunal, la défense du journal a été assurée par Me Mahamadou Bambara et celle
de Lassina par Me Issouf Sawadogo. Saboteur, lui, avait Me Prosper Farama comme
conseil.
Dans la salle d’audience, le
directeur de L’Observateur a bénéficié du soutien moral de Chériff Sy,
directeur de publication de Bendré, président de la SEP (Société des éditeurs
de presse privée), et de Boureima Jérémie Sigué, directeur de publication des
éditions "Le Pays", qui avaient fait le déplacement de Ouaga 2000 où,
rappelons-le, siège provisoirement le tribunal.
D’autres confrères de même que
des associations professionnelles, par d’autres voies, ont témoigné leur
solidarité au journal.
A l’appel du dossier, l’avocat
de L’Observateur a tenté d’obtenir la nullité de toute la procédure en
soulevant des exceptions, mais ces arguments n’ont pas prospéré devant le
tribunal présidé par Mme Koala, laquelle a proposé de les joindre au fond
du dossier. Les débats pouvaient donc se poursuivre.
« Ce n’est pas ma
faute »
La présidente du tribunal a
donc passé la parole à Me Farama, qui a exposé les motifs de la plainte de son
client. Après quoi, Lassina a été appelé à la barre pour s’expliquer. Il a
maintenu ses déclarations, accusant Saboteur d’avoir, à Bobo en 1996, distribué
à un groupe d’enfants de l’argent (
Il a soutenu que la
distribution des billets a eu lieu au quartier Diarradougou, même s’il n’était
pas témoin oculaire, si bien que malheureusement il ne se souvenait pas des
noms des enfants instrumentalisés. Sur insistance du tribunal, il a fini par
lâcher deux noms (Karim Palé et Zoumana Traoré).
Autre grief, Lassina a accusé
Saboteur, alors entraîneur des Etalons, d’avoir monté, en 2007 à Ouaga, lors du
match Burkina # Mozambique, des supporters pour conspuer et jeter des sachets
d’eau sur les dirigeants de la Fédération.
Il a argumenté son accusation
par le fait que si les résultats sont décevants, c’est à l’encadrement
technique que les supporters s’en prennent et non aux membres de la Fédération.
Pour lui, c’est un coup que Saboteur a réalisé pour se remettre en selle,
puisque son poste était menacé.
Mais le tribunal finira par lui
faire admettre qu’il arrive que le public réclame le départ d’une fédération et
non celui de l’entraîneur. Enfin, Lassina en voulait à Saboteur (qui n’était
plus entraîneur) d’avoir rencontré l’encadrement technique de l’équipe
togolaise, tout récemment (lors du tournoi de l’UEMOA) le jour même d’un match
capital opposant les Etalons aux Eperviers.
Des allégations que le
plaignant et son avocat se sont attelés à détruire point par point. En effet,
l’ex-sélectionneur national a tout réfuté en bloc en expliquant n’avoir jamais
été à l’hôtel des Togolais, mais à Palm Beach Annexe, où il avait un
rendez-vous pour une interview avec une équipe de télévision togolaise
(ndlr : il a produit au tribunal un cd de l’entretien).
Quant au comportement des
supporters lors du match Burkina # Mozambique, il l’a expliqué par le fait que
le public n’aime pas que lors des rencontres, les dirigeants de la Fédération
s’immiscent, jusque dans les vestiaires, dans la gestion du onze national.
Pour ce qui est des acclamations
qu’il a reçues à Bobo, il a déclaré que « ce n’est pas ma faute s’il y a
des gens qui trouvent que j’ai fait quelque chose de bien pour le football dans
ce pays ». A ce sujet, d’entrée de jeu, il a tenu à rappeler ses hauts
faits d’abord comme joueur dans l’équipe nationale puis entraîneur du Kadiogo
et enfin des Etalons, qu’il aura été le premier à qualifier sur le terrain
respectivement pour les demi-finales et une phase finale de la CAN.
Dans un jeu de questions
réponses, le tribunal a amené Lassina à accepter qu’en réalité, tout ce pour
quoi il en veut à Saboteur ne pouvait pas avoir une incidence sur les résultats
produits par les Etalons.
« Le préjudice que j’ai
subi, le pardon ne peut pas l’effacer »
Après avoir informé le tribunal
qu’il n’était pas là au moment de la parution de l’article incriminé, Edouard
Ouédraogo a tenu a expliqué le ton de l’écrit par le climat passionnel qui
entache les questions sportives et le contexte particulier du tournoi UEMOA
marqué des échanges polémiques entre l’ex-entraîneur (Saboteur), les dirigeants
de la Fédé et même les autorités de tutelle.
Evoquant le statut et la
stature auxquels est parvenu Saboteur en sa double casquette d’instructeur de
la FIFA et de la CAF, notre directeur de publication a regretté que le palinant
ne se soit pas vraiment mis au-dessus de la mêlée face aux allégations d’un
homme qu’il domine à tous points de vue : qu’il s’agisse de l’âge ou des
responsabilités et bien d’autres considérations. "Un mauvais arrangement
vaut mieux qu’un bon procès", a conclu Edouard Ouédraogo en relevant qu’un
droit de réponse ou de rectification aurait pu suffire dans ce genre de
situation.
Dans sa plaidoirie, Me Farama
s’est dit sincèrement désolé de voir L’Observateur à la barre. « Je suis
pour la dépénalisation des délits de presse, je suis pour la liberté
d’expression. Mais la loi est ainsi faite qu’on est obligé de poursuivre
L’Observateur pour atteindre Lassina Traoré. La loi doit changer pour que dans
les cas d’espèce, le journal soit le complice et l’auteur de l’article le
principal prévenu ».
L’avocat a soutenu que le
prévenu n’a pas regretté ses propos et qu’au contraire il les a assumés à la
barre. « Lassina Traoré c’est quelqu’un qui écrit pour injurier et
diffamer avec mépris. Certes, il est passionné par le sport mais cela ne le
dédouane pas du respect dû à autrui ».
Pour lui, les infractions sont
constituées et il faut condamner solidairement les prévenus à payer
Le procureur a suivi la partie
civile dans ses prétentions et a de ce fait requis une peine de prison de 3
mois avec sursis contre Lassina Traoré. Il a demandé qu’il plaise au tribunal
d’infliger à chaque prévenu une amende de 300 000 FCFA et enfin, de les
condamner à publier le jugement dans les journaux.
Me Bambara a, quant à lui,
réaffirmé que L’Observateur n’a, à aucun moment, eu l’intention de nuire à
Saboteur. Or, selon lui, pour qu’il y ait vraiment justice, on doit également
tenir compte de l’intention de nuire et non de se contenter du caractère diffamatoire
de l’écrit.
Intervenant en dernier, Me
Issouf Sawadogo, conseil de Lassina, a plaidé la clémence pour son client. Il a
beaucoup insisté sur le déficit d’expression de l’intéressé en langue
française. « Nous regrettons ce qui a été écrit. Pour ce qui est des
peines, je souhaite qu’une simple amende soit exigée à mon client qui n’est
qu’un délinquant primaire et qui n’est plus prêt de recommencer ».
Invité à s’exprimer pour la
dernière fois, Lassina a répété qu’il n’est pas contre Saboteur. « Tout le
monde se trompe. C’est la passion et l’énervement qui m’ont poussé à écrire
contre lui. Comme je le considère comme mon père, je lui demande pardon ».
Une main tendue que Saboteur a repoussée car « entre Lassina et moi, il
n’y a pas de pardon.
Le préjudice que j’ai subi, le
pardon ne peut pas l’effacer ». Edouard Ouédraogo a, lui, demandé au
tribunal de tenir compte dans son délibéré du contexte et de considérer les
circonstances car le sport est un milieu de passion. Le délibéré a été fixé au
11 février prochain.
San Evariste Barro
L’Observateur