Maroc : Il ''usurpe'' le nom du prince et fait la prison
En usurpant l'identité de l'héritier du
trône marocain sur Facebook, le jeune Fouad Mourtada a pris des risques. Cela
lui a valu quelques jours de prison, de la torture, alors qu'il ne souhaitait
manifester que son admiration à l'égard de Moulay Rachid.
Vous avait été gracié par le roi à la fin du mois
de mars, après avoir passé quarante-trois jours à la prison d'Oukacha [à
Casablanca]. Etes-vous soulagé ?
FOUAD MOURTADA Oui, c'est sûr ! Cet épisode a été difficile à
vivre. Je vais beaucoup mieux, mais je reste éprouvé. Je voudrais d'abord
remercier le roi pour avoir remis les choses à leur place. Je remercie aussi
toutes les personnes qui m'ont soutenu, en premier lieu ma famille, les
associations de défense des droits de l'homme, les internautes et la presse. Je
tiens aussi à remercier mon avocat Ali Amar, et, plus généralement, tous ceux
qui ont compris, dès le début, que je n'avais rien fait de mal.
A quoi pensiez-vous quand vous étiez en prison ?
J'essayais de positiver. Certains de mes codétenus m'ont aidé. Ils étaient eux
aussi convaincus de mon innocence.
A ce propos, comment se sont-ils comportés avec vous ?
A Oukacha, j'ai été emprisonné avec des détenus de droit commun. Disons que je
n'étais pas serein. Je craignais pour ma sécurité. Certains avaient un
comportement violent. Mais bon, on finit par s'adapter. C'était vivable. Les
deux dernières semaines, j'ai été transféré dans une autre aile de la prison.
Là-bas, les prisonniers étaient plus respectueux.
Finalement, pourquoi avoir créé un profil au nom du prince Moulay
Rachid ?
Pour la simple raison que j'admire le prince. Je ne pensais pas mal faire. Je
souhaitais que tous les fans de Moulay Rachid sur Facebook puissent accéder à cette
page sur le Net, et exprimer eux aussi leur admiration. A aucun moment je n'ai
imaginé que cela puisse être interprété comme une usurpation d'identité.
Certains vous ont accusé d'avoir créé ce profil à mauvais escient. Que leur
répondez-vous ?
Que je n'ai jamais rien fait de mal avec ce profil. Le seul message que j'ai
envoyé était un smiley, point. Je n'ai rien à me reprocher.
Donc vous ne regrettez pas votre geste ?
Je ne regrette rien, si ce n'est la mauvaise interprétation qui a été faite de
mon geste.
Comment avez-vous vécu votre période d'emprisonnement ?
Difficilement. J'ai d'abord été kidnappé en pleine rue, puis maltraité. On m'a
frappé, craché dessus. Mes yeux étaient bandés. Je crois d'ailleurs qu'on m'a
emmené hors de Casablanca. Mais je suis incapable de vous dire où exactement.
Mon calvaire a duré plus de trente-six heures, durant lesquelles je n'ai rien
eu à manger ni à boire. J'ai même perdu la notion du temps. Ces trente-six
heures sont passées sans que je m'en rende compte.
Comment pensez-vous que la police vous a retrouvé, sachant que Facebook est
censé préserver l'anonymat de ses utilisateurs ?
Je me pose toujours la question. Il est possible que quelqu'un ait livré des
informations sur ma vie privée. Avec mon avocat, nous sommes encore en train
d'étudier les différentes possibilités. Je vais le rencontrer et nous en
discuterons à tête reposée.
Au début de l'affaire, votre famille envisageait même de poursuivre Facebook
pour avoir divulgué des informations à la police marocaine, notamment votre
adresse IP. Qu'en est-il aujourd'hui ?
Je n'ai pas la moindre idée sur ce sujet. Je viens à peine de mettre le nez
dehors et je ne peux pas lancer des accusations sans preuve. Toujours est-il
qu'il y a quelque chose de suspect dans cette histoire. Maintenant, comme je
viens de le dire, j'attends d'en savoir plus et d'en discuter avec mon avocat.
Vous étiez sur le point d'aller en appel. Pensez-vous que votre peine allait
être confirmée ou, au contraire, que vous alliez être relaxé ?
Au fond de moi, je gardais espoir jusqu'au bout. Je savais que, d'une manière
ou d'une autre, on finirait par se rendre compte que je n'avais rien fait de
mal.
Vous êtes-vous connecté à Facebook depuis votre libération ?
Non, je n'en ai pas eu le temps. Mais je le ferai bientôt.
Propos recueillis par Youssef Ziraoui
TelQuel