Présidentielle américaine : Les Européens, attentifs et naïfs

Entre Clinton et Obama, le cœur du Vieux Continent balance. Pourtant, on aurait tort de croire que les relations transatlantiques deviendront d'un coup idylliques si un démocrate accède à la Maison-Blanche.

"Electeurs américains, bravo : vous êtes moins racistes (et sexistes) que ce que les Européens craignaient. Souvenez-vous toutefois que vous êtes plutôt naïfs : essayez cette fois de choisir un président compétent." Pour The Economist, ces propos "empreints de condescendance et de méfiance résument bien la façon dont bien trop d'Européens réagissent au duel qui oppose Barack Obama et Hillary Clinton pour l'investiture démocrate à la présidentielle de cette année". Car de ce côté-ci de l'Atlantique, le processus électoral qui va mener à la désignation du (ou de la) remplaçant(e) de George Bush agite déjà les commentateurs et l'opinion.

"Il est frappant, note The Economist, de voir que de nombreux Européens esquivent les idées politiques de Clinton et d'Obama et considèrent leur lutte comme un simple test de Rorschach de la santé du rêve américain." Certes, les deux candidats incarnent des valeurs opposées à celle de Bush et expriment leur attachement à de bonnes relations avec l'Europe. Mais "les candidats promettent toujours de tendre la main à leurs alliés et d'améliorer l'image des Etats-Unis dans le monde", nuance l'hebdomadaire.

"L'enthousiasme européen pour les candidats ne survivra probablement pas à l'élection de Clinton, d'Obama ou de n'importe qui d'autre. La personne qui obtiendra l'assentiment des électeurs gouvernera en tant qu'Américain, défendant les intérêts américains dans le monde – et sans aucun doute décevant de nombreux observateurs étrangers. Il serait naïf de la part des Européens d'imaginer qu'il puisse en être autrement."

D'où vient cette part de naïveté ? "Ce n'est pas seulement parce que les Européens restent fascinés par la puissance américaine, en dépit de l'opposition générale à la guerre en Irak qui a profondément divisé l'Europe, explique l'International Herald Tribune. Ils sont unis dans leur désir d'un nouveau départ à la Maison-Blanche." Pourtant, remarque le quotidien américain édité à Paris, la politique étrangère américaine avait commencé à évoluer avant même les attentats du 11 septembre 2001 et l'invasion de l'Irak, c'est-à-dire dès le mandat du démocrate Bill Clinton. Qu'il s'agisse de la tendance à l'unilatéralisme, de l'OTAN ou même du protocole de Kyoto, Washington se démarquait déjà de plus en plus de l'Europe. Si "le prochain président des Etats-Unis ne répond pas aux désirs des Européens", ainsi que le titre l'IHT, "c'est parce que les Européens ne savent toujours pas ce qu'ils veulent en matière de politique étrangère ou de relations transatlantiques. […] Il n'y a toujours pas une seule voix parlant au nom de l'Europe."

Les Américains votent, et "nous retenons notre souffle", regrette Arrigo Levi dans le quotidien italien La Stampa, qui trouve "injuste" que "nous ne puissions pas, nous autres citoyens du monde, avoir notre mot à dire sur les choix politiques des Américains. Une sorte de droit de vote pour les primaires, puis pour la présidentielle, puisque notre destin dépend en partie de ces choix. A qui la faute ? En partie aux Européens, estime Levi : "Tout avisés et prudents que nous sommes, persuadés d'avoir plein de choses à apprendre à l'Amérique et au monde, nous risquons de perdre le contrôle de notre avenir." "Car, même lorsque nous savons, parfois mieux que les Américains, ce qui est bien pour eux et pour le monde, nous hésitons à le faire : par paresse, par égoïsme, par peur."


G.P. Accardo et E. Maurice



14/01/2008
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