Présidentielle 2010 La difficile équation de l'état civil

Le parlement burkinabè a engagé deux mesures qui honorent incontestablement notre système électoral : le choix de la carte nationale d'identité, la toute dernière, comme unique pièce exigible pour les votations à venir et le vote des Burkinabè de l'étranger. Toutes ces mesures sont des revendications récurrentes des partis de l'opposition et des associations civiques. Depuis 1991, la multiplicité des documents d'identité a toujours été une source d'insécurité en regard aux aspirations à un processus électoral transparent et réellement crédible. Quand au vote des Burkinabè de l'étranger, il était temps de corriger un archaïsme qui maintenait notre pays à la traîne au niveau des pays de la sous région malgré le fait que nous sommes un pays de forte émigration. Seulement voilà. Avant même que ces mesures ne rentrent en vigueur, voilà que l'on décide de les suspendre, au motif que les conditions ne sont pas encore réunies. C'est manifestement un très mauvais signe pour le gouvernement qui donne l'impression de ne pas savoir ce qu'il fait.

On peut le penser en ce qui concerne en particulier le vote des étrangers. Difficile d'accepter qu'une loi a été votée sans que les conditions de son application n'aient été au préalable étudiées. Cela s'appelle de la précipitation pour ne pas dire du bricolage. Et c'est là que les choses deviennent inadmissibles. L'idée qui n'est pas nouvelle n'a certainement pas été adoptée le couteau à la gorge. Au contraire, si c'est seulement maintenant que le gouvernement se montre décidé à franchir le pas, c'est que les conditions politiques sont propices. Depuis qu'à la faveur des facilitations sous régionales, Blaise Compaoré a pris une nouvelle stature, l'on a pensé que le moment est venu d'en capitaliser les retombées. On a peut-être dans l'euphorie adopté la mesure, pour se rendre compte après coup qu'il y a problème. En effet, quand on pense que les facilitations en elles-mêmes ont un coût financier, on comprend que l'entreprise peut ne pas être aisée, au regard de la multitude des activités projetées. Surtout que la catastrophe du 1er Septembre est venue assombrir encore plus la situation de la trésorerie nationale.

Pour ce qui concerne la carte d'identité nationale, le parti majoritaire avait manifestement décidé de faire un pied de nez au gouvernement, sur la base d'intérêts strictement partisans. En effet, l'entrée en vigueur de cette disposition pourrait considérablement diminuer les possibilités de fraude. La multiplicité des pièces d'identité avait souvent constitué le terreau des inscriptions multiples, préalable aux votes multiples. Et il est notoire que ce procédé a largement été pratiqué lors des scrutins passés. Que le CDP soit en porte à faux avec le gouvernement sur la question se comprend aisément. Mais en décidant de baisser le coût unitaire de la carte et d'engager une campagne massive de délivrance, le gouvernement s'est donné les moyens d'imposer l'option d'une pièce d'identification unique. La décision provoque cependant des grincements de dents dans le camp présidentiel. Certains élus n'hésitent pas à manifester ouvertement leur mécontentement devant " l'entêtement de Tertius Zongo à mettre du sable dans leur couscous ". A entendre Roch Marc Christian dont les récents propos semblent présager un nouvel état d'esprit des élus de la majorité, le gouvernement pourra s'engager plus sereinement dans une nouvelle étape. Mais la partie n'est pas gagnée pour autant ! Le Burkina qui n'a quasiment pas d'état civil pourra-t-il relever le défi en moins d'un an ? Pour fournir des cartes d'identité à tous les Burkinabè qui en ont droit, il faudra au préalable résoudre la question des actes de naissance ou jugements supplétifs. Ils sont en effet rares les Burkinabè de la campagne titulaires de ces documents. Relever le défi de la carte d'identité nationale pour tous ne sera pas une entreprise aisée. Il faudra l'engagement de tous : administration publique, partis politiques, ONG. Une fois de plus, le gouvernement burkinabè aura démontré son manque d'anticipation. Ce n'est pas au cours de l'année électorale qu'il faut engager un sprint hasardeux. A l'heure des bilans, il ne faudra pas s'étonner que ce soit un échec sur toute la ligne. GNB



31/01/2010
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