Peut-on avoir accès au dossier des candidats ?

Maintenant que le Conseil constitutionnel a décidé qui sera candidat, on peut revenir sur des questions pratiques nécessaires à l'accomplissement du droit du citoyen à l'information.

Primo, est-il possible d'avoir accès au dossier de candidature par les journalistes qui ont besoin de faire leur travail d'information du public ? Nous avons entrepris des démarches auprès du juge constitutionnel, pour avoir accès à ces dossiers et nous avons essuyé un refus. L'explication de l'institution, les dossiers du Conseil constitutionnel sont classés secrets pendant 50 ans.
Secundo, comment éviter qu'un candidat malveillant ne fasse comme en 2005, en déposant un chèque en bois au Trésor public et obtienne frauduleusement une investiture imméritée ? Pour le juge constitutionnel, ce qui fait foi, c'est le reçu de versement de la caution donné par les services du trésor. Il ne se pose pas la question de savoir comment ce paiement a été effectué. En chèque en liquide, ce n'est pas son problème. N'empêche quand même qu'en 2005, le même juge constitutionnel avait disqualifié un des prétendants au motif qu'il avait produit un acte administratif indiquant qu'il attendait un rappel de salaire qui était suffisant à couvrir la caution qui était demandé.
Dans le même sens, le trésor a-t-il émis un reçu spécial pour cette opération. Précisément un document insusceptible d'être falsifié, comme c'est le cas assez fréquemment avec les actes des impôts et du trésor ? Là aussi, ça ne semble pas être la préoccupation du juge constitutionnel. Un document portant les entêtes du trésor suffit. Or même si exceptionnellement, les décisions du juge constitutionnel sont susceptibles d'appel, en cette matière particulière, la réclamation n'est pas ouverte à tout le monde. Sauf ceux qui ont fait acte de candidature ont le droit de relever appel. Cela veut dire qu'un citoyen, du trésor par exemple, qui viendrait à connaître d'une supercherie, n'a pas la qualité pour saisir le juge constitutionnel. Il doit s'en remettre à un des candidats pour porter son grief. Au regard du laxisme de notre administration, on peut penser que les tricheurs sans vergogne peuvent facilement passer entre les mailles. Déposer par exemple un chèque en bois et se voir octroyer une subvention de façon induite.
Tercio, les dossiers de candidature incomplets peuvent-ils être refusés par le greffe du Conseil constitutionnel, au moment du dépôt ? Au regard de la soudaineté de certaines candidatures, cette question s'est posée à nous. Et puis, on peut penser que si cela avait été le cas, le dossier de Harouna Dicko n'aurait pas été réceptionné. On sait maintenant depuis le samedi 9 octobre, ce qu'il en est advenu de cette candidature. Sur cette question, la réponse du juge constitutionnel est la suivante : le greffe du Conseil constitutionnel n'est pas habilité à refuser ni à faire de commentaire sur un dossier de candidature. Il se contente de recevoir et d'enregistrer les actes de candidature. Si le greffier est bienveillant, il peut " attirer l'attention d'un prétendant sur une pièce qui manque ou une anomalie, mais il n'est pas obligé. Mais en aucun cas, il ne peut refuser de recevoir un dossier ". Dans le cadre de la présidentielle, la loi a listé les éléments constitutifs du dossier de candidature et depuis la révision du code électoral en janvier 2010, la caution a été portée de 5 millions à 10 millions de francs cfa. En plus, chaque candidat a l'obligation d'obtenir le parrainage d'au moins cinquante élus dans au moins 7 régions sur les 13, si parmi ses parrains, il n'y a pas un élu national. C'est la satisfaction à ces deux obligations qui nous intéressait particulièrement. Pour le contrôle de l'effectivité du versement de la caution, il est donc impossible de le vérifier, puisque le juge constitutionnel ne permet pas l'accès à ses dossiers, pas avant 50 ans. Ensuite, il ne se préoccupe pas de vérifier si le candidat a effectivement de l'argent dans son compte. Un reçu de versement fait amplement l'affaire.
Le législateur permet cependant, pour un candidat qui a vu un parrainage invalidé, de procéder dans un délai de 24 heures à son remplacement. A contrario, l'absence d'une des autres pièces entraîne le rejet de la candidature. On peut bien se demander pourquoi cette bienveillance en ce qui concerne le parrainage ? Pourquoi cette entorse ne pourrait-elle pas être étendue au respect du droit du citoyen à l'information ? En effet, si en cette matière particulière, les décisions du juge constitutionnel sont susceptibles d'appel, on peut aussi comprendre que parce que le juge a des ornières procédurales, on puisse permettre à la presse, sous des conditions à définir, d'avoir accès aux dossiers des candidatures, puisqu'en la matière, il n'y a pas de secret. Parce qu'on peut légitimement se demander si Dé Albert Millogo qui doit son poste à Blaise Compaoré peut être rigoureux dans l'examen du dossier de ce dernier. Comment faire de sorte que dès le départ, les candidats partent à égalité ? Dans les reformes qui sont projetées, notre démocratie ne perdrait pas à examiner favorablement ces questions. Quelle utilité d'affirmer la constitutionnalité du droit du citoyen à l'information, si sur des matières qui requièrent son consentement, il n'est pas parfaitement informé ?
Par Newton Ahmed Barry



31/10/2010
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